Fusion des réseaux Société Générale et Crédit du Nord : un chantier à haut risque mais à fort potentiel

Le chantier de la fusion des réseaux d'agences Société Générale et Crédit du Nord se poursuit selon le plan de marche prévu. La fusion juridique sera actée au 1er janvier 2023 et la bascule informatique finalisée au premier semestre. Le groupe entend, avec ce projet, simplifier et revoir le business model de la banque de détail en France.
Le nouveau réseau SG sera opérationnel à la fin du premier semestre 2023.

Le groupe Société Générale joue gros sur son chantier de rapprochement de ses réseaux d'agences Société Générale et Crédit du Nord, annoncé en décembre 2020. C'est sans doute le projet le plus structurant pour le groupe depuis longtemps, initié par le directeur général sortant, Frédéric Oudéa et confié à son successeur présomptif, Sébastien Proto. « Un rapprochement de cette ampleur ne s'est pas vu depuis longtemps dans le secteur bancaire », reconnaît Marie-Christine Ducholet, directrice de la banque de détail en France.

L'enjeu dépasse les synergies promises, soit 350 millions d'euros de réduction de coûts en 2024 et 450 millions en 2025. Il dépasse même son volet physique de réduction du nombre d'agences de 2100 à 1500, et sa nouvelle empreinte de marque. Il s'agit surtout de créer « une nouvelle banque » où tous les process internes et les modèles relationnels seraient revus et modernisés lors de la migration informatique du système Crédit du Nord sur celui de Société Générale.

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Nouveau modèle d'affaires

« C'est effectivement le système Société Générale qui va accueillir les clients du Crédit du Nord mais c'est un système qui aura été considérablement enrichi entre temps », explique Marie-Christine Ducholet. Au final, ce chantier recèle un potentiel de renforcement des positions de Société Générale dans la banque de détail, ce qui lui vaudrait au passage d'être mieux valorisée en Bourse. D'autant que ce rapprochement se couple avec une stratégie très offensive dans le domaine de la banque en ligne, de sa filiale Boursorama, qui a un objectif de quatre millions de clients cette année.

Le chantier n'est d'ailleurs pas sans rappeler l'ancien projet Convergence, visant déjà à fusionner les systèmes d'information des trois réseaux bancaires, mais abandonné en 2015 pour concentrer les ressources sur les priorités du moment, notamment dans la banque de détail, le numérique et les interfaces clients. A l'époque, les syndicats avaient dénoncé le fait que les développements du Crédit du Nord avaient été laissés en plan.

Aujourd'hui, il s'agit de construire un nouveau socle sur lequel la banque pourrait concilier une réduction massive des coûts, une augmentation du nombre de clients (tous réseaux confondus), dont une majorité gérée à distance, et la nécessité de se recentrer, enfin, sur le client, et non plus sur les produits. Un discours souvent entendu mais rarement appliqué dans le secteur bancaire. C'est donc bien un bouleversement du modèle d'affaires auquel il faut s'attendre.

Fusion juridique au 1er janvier 2023

Cette « nouvelle banque » sera officiellement créée le 1er janvier prochain, lors de la fusion juridique des entités concernées, après le feu vert des autorités de supervision attendu à l'automne prochain. La nouvelle signalétique devrait suivre rapidement, car c'est une exigence du régulateur.

Mais le vif du sujet, autrement dit, la bascule informatique, se fera en deux temps. Au premier trimestre, quatre banques régionales du Crédit du Nord - Tarneaud, Rhône-Alpes, Laydernier et Nuger - doivent migrer en premier, avant la bascule des autres banques régionales au second trimestre. Objectif : cette migration informatique doit être bouclée le 15 mai 2023, et tous les clients du Crédit du Nord devront d'ici là changer leur IBAN (identité bancaire). « C'est un sujet important, d'autant que les clients venants du Crédit du Nord devront changer leur domiciliation bancaire chez leurs fournisseurs d'électricité, de téléphone... Nous allons les accompagner pour que cela se fasse de la manière la plus fluide et transparente possible », souligne Marie-Christine Ducholet.

Dès la bascule informatique opérée, c'est bien la « nouvelle offre » qui se mettra en place, avec cette promesse de représenter le « meilleur des deux mondes ». L'application mobile SG sera enrichie par de nouvelles mises à jour et de nouveaux services seront lancés, comme une nouvelle plateforme de banque à distance, sur des horaires élargis, actuellement en développement dans deux directions commerciales du réseau SG. L'organisation même de la relation clientèle devrait être modifiée - comme le conseiller unique pour les comptes privés et professionnels d'un client professionnel ou le nombre de clients par conseiller - et certaines fonctions support seront rapatriées en agences, notamment pour le crédit.

« C'est un chantier ambitieux avec cette obsession de faire plus simple et mieux sur tous les produits et services, sur tous les marchés. Les équipes y travaillent depuis plusieurs mois et certaines offres sont d'ailleurs déjà disponibles dans nos deux réseaux», résume Marie-Christine Ducholet.

Le gros des fermetures d'agences en 2024

Le regroupement des agences pourra débuter une fois la migration informatique effectuée et la nouvelle offre et organisation commerciale mises en place. Un premier rythme de regroupement d'agences a été présenté en mai dernier aux syndicats et porte sur 157 fermetures d'agences en 2023, sur un total de 650 prévus d'ici 2025. L'essentiel des regroupements d'agences, notamment les plus importantes en centre-ville, sera donc étalé en 2024.

« Nous avons appris mi-juillet la fermeture de 10 agences dès 2023 (sur un total de 37 agences qui seront fusionnées, soit la moitié du réseau actuel, NDLR) », raconte Michèle Bleuse, déléguée syndicale centrale de la CFDT à la Banque Courtois. « Des spécificités immobilières auraient guidé le choix de la direction, comme des fins de bail ou la possibilité de renouveler un bail pour une durée très courte. En revanche, nous ignorons ce qui va se passer pour les agences du centre-ville de Toulouse et plusieurs d'entre elles sont situées très proches de celles du réseau Société Générale. De même, nous ne savons pas ce que va devenir le siège de la banque aujourd'hui situé dans le cœur historique de Toulouse », ajoute cette représentante du personnel à la fois inquiète et... en colère.

Frictions sur le terrain

« 80% des postes détruits concernent les agences, ce qui veut dire qu'il y aura beaucoup moins de monde pour s'occuper de clients et ce au profit de la banque à distance. C'est cela le modèle vendu par Société Générale », explique ainsi Michèle Bleuse, qui relève au passage la création de 34 postes ... au siège !

De fait, sur les suppressions de postes - 3.700 prévus au total - ça commence à grincer sur le terrain. Même si le groupe a signé des accords avec les syndicats. « Les quatre pôles de négociations sont terminés et nous avons trouvé des accords sur les quatre », avance Frédéric Guyonnet, président du SNB CFE-CGC. Les syndicats ont ainsi reçu un premier listing de fermetures d'agences en 2023, un document de plusieurs milliers de pages qui détaille tous les postes concernés. Mais le gros des départs se fera en 2024, puis en 2025.

« Nous avons obtenu ce que nous voulions, notamment sur l'accompagnement. Les salariés du Crédit du Nord vont bénéficier du maintien de leur rémunération globale, et notamment des primes sur trois ans », explique Frédéric Guyonnet, le responsable de ce syndicat bancaire de cadres. Pour les salariés concernés par une suppression de poste, des négociations commencent à s'engager sur les conditions de départ ou de mobilité interne. La promesse de la direction générale est claire : « aucun départ contraint ».

Reste que ces négociations vont débuter dans un climat social plus tendu sur fond d'inflation et de pouvoir d'achat. La négociation annuelle obligatoire sur les salaires, qui se tient généralement en décembre, va être avancée en septembre au sein du groupe. « Ces négociations sont importantes pour garantir une bonne identité générale des salariés, pour qu'ils se sentent vraiment reconnus dans le nouveau groupe Société Générale », estime Frédéric Guyonnet.

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