En fusionnant avec le Crédit du Nord, Société générale veut créer un nouveau modèle de banque de détail décentralisé

Société générale a détaillé mardi aux syndicats les conséquences de la fusion de son réseau de banque de détail avec celui de Crédit du Nord. Le chantier doit se traduire par la suppression de 3.700 postes, « sans départ contraint » et la fermeture de 650 agences d’ici 2025. La banque opte pour un modèle décentralisé, autour de 21 régions aux pouvoirs élargis, mais sous une marque commune, associée à des marqueurs régionaux. Le déploiement opérationnel devrait s’étaler entre 2023 et 2025.
Le nombre d'agences du groupe sera ramené à 1.450 d'ici 2025, soit une réduction de près de 30 % du réseau bancaire en France.
Le nombre d'agences du groupe sera ramené à 1.450 d'ici 2025, soit une réduction de près de 30 % du réseau bancaire en France. (Crédits : SG)

C'est une réorganisation en profondeur de ses activités de banque de détail dont la Société générale vient de dévoiler aujourd'hui les détails - plusieurs dizaines de documents et des milliers de pages- aux syndicats du groupe. Dans les grandes lignes, présentées à la presse, ce même jour, la banque s'en tient à ses engagements passés. Le projet avait été en effet annoncé il y a tout juste un an (puis précisé en décembre dernier), avec l'intention de rapprocher les réseaux Société générale et Crédit du Nord.

L'objectif de ce rapprochement était double : mieux répondre à l'évolution des usages bancaires et réduire la base de coûts de 450 millions d'euros en 2025 (par rapport à 2019), dont 80% acquis dès 2024. Un projet titanesque, qui n'est pas sans rappeler les grandes vagues de restructuration des banques mutualistes, et dont l'investissement, estimé entre 700 et 800 millions d'euros, sera provisionné à hauteur de 70% dans les comptes du quatrième trimestre 2021.

Sébastien Proto, directeur général adjoint du groupe, en charge de la banque de détail, en rappelle ainsi les principes : « nous allons créer une nouvelle banque par l'union des forces des deux réseaux, et non pas par l'absorption d'un réseau par un autre. C'est une fusion complète, nous ne faisons pas de demi-fusion. Nous passons de deux sièges à un seul, de deux réseaux à un seul et de deux systèmes d'information en un seul ».

Une banque plus ancrée localement

Pour autant, ce nouveau modèle se veut plus décentralisé, plus proche de ses clients, à l'image des réseaux mutualistes. Le maillage territorial sera organisé autour de 11 régions, avec des responsabilités renforcées par rapport à l'organisation actuelle du groupe.

« Ce sera un modèle dans lequel nous faisons descendre du siège parisien vers les régions, vers les centres d'affaires et vers les agences les capacités de décision », promet Sébastien Proto. Il reste cependant à bâtir une culture commune, ce qui sera sans doute la tâche la plus délicate à mener. Ce choix régional se traduit notamment par la création de nouvelles régions, comme celle du Centre avec Limoges pour siège, mais aussi en Savoie, plus petite mais aux enjeux commerciaux « importants ».

L'idée est de remettre l'agence au cœur de la relation client, avec de plus fortes délégations en matière de décision et surtout de crédit. La réorganisation s'accompagnera d'une nouvelle segmentation de la clientèle, avec notamment des clients professionnels suivis à la fois sur leur patrimoine privé et professionnel, et la mise en place d'une offre sur la clientèle patrimoniale. De nouveaux outils seront mis en place pour optimiser la gestion des appels entrants pour un meilleur service à distance. Le nombre de conseillers à distance sera également renforcé de 15% dans les centres d'appel. Enfin, de nouvelles plages d'ouverture des agences seront mise en place, notamment le lundi et à l'heure du déjeuner.

L'enjeu est clairement de remettre la banque dans le top 3 du classement de la satisfaction clientèle, un classement pour le moment largement trusté par les banques en ligne ou les banques mutualistes, laissant loin derrière les banques commerciales.

Une nouvelle stratégie de marque à la mi-2022

Pour marquer cet ancrage dans les territoires, le groupe va déployer une nouvelle stratégie de marque autour d'un dénominateur commun à l'ensemble des régions, et qui figurera dans toutes les agences comme le symbole de la nouvelle banque.

A cette marque commune sera associé un « marqueur régional », qui pourra être soit des enseignes actuelles du groupe Crédit du Nord, soit une dénomination régionale '(un peu comme Banque Rhône Alpes). Le groupe a d'ores et déjà décidé de retenir cinq enseignes du Crédit du Nord comme marqueur régional, cinq enseignes qui ont une renommée au-delà de leur territoire naturel, à savoir Crédit du Nord (Lille), Tarneaud (Limoges), Courtois (Toulouse), Société Marseillaise de Crédit (Marseille) et Laydernier (Annecy).

Des enseignes comme Kolb ou Banque Rhône-Alpes sont ainsi appelées à disparaître. En revanche, le dénominateur commun (et son logo) n'est pas encore complètement arrêté. Il le sera à la mi-2022. On peut supposer que ce sera soit Société générale (Société générale Aquitaine, Société générale Banque Courtois...), soit plus simplement SG.

3.700 suppressions de postes

La fusion entrainera pourtant une réduction de près de 30 % du nombre d'agences, passant de 2.100 actuellement (tous réseaux confondus) à 1.450 à l'horizon 2025. A cette date, ce sera donc une division par deux du réseau d'agences en dix ans. Avec un art consumé de la sémantique, le groupe soutient cependant que le client Crédit du Nord bénéficiera de « trois fois plus d'agences » par rapport à 2020 et que celui de Société générale, « de 15% de plus ». L'essentiel des regroupements se fera en effet dans les centres-villes et le groupe s'engage à ne quitter aucune ville.

Cette réorganisation se traduira également par une baisse importante des effectifs, avec 3.700 suppressions de postes, soit environ 15 % des effectifs, souligne un communiqué de la CGT. « Nous respecterons notre engagement à ne procéder à aucun départ contraint », a réaffirmé Sébastien Proto, qui compte sur les départs naturels à la retraite (environ 1.500 par an), « et la banque de détail continuera de recruter » (1.400 CDI en 2021).

La grande question sera les réorganisations des centres de back-office (qui passeront de 24 à 13) où il est toujours plus difficile de jouer sur la mobilité interne ou les reclassements. Le groupe compte engager quelque 100 millions d'euros en formation pour accompagner les salariés dans des changements qui s'annoncent profonds (changement de système informatique, de culture et de localisation). « La démarche sera progressive et étalée dans le temps à partir de 2023 », rassure Sébastien Proto.

Un plan offensif

Toute cette organisation se réclame d'une volonté : « être plus offensif » sur un marché de la banque de détail confronté à la fois à une concurrence plus vive et à une baisse tendancielle des revenus. Le déploiement du nouveau modèle s'étalera à partir de 2023 jusqu'à sa finalisation en 2025.

Mais cette annonce sur le bon déroulement du calendrier - qui va entrer dans sa phase active de négociations avec les syndicats, intervient à un moment où le groupe bancaire semble connaître une remontada après plusieurs exercices difficiles, notamment dans la banque d'investissement, et une quête d'identité après l'affaire Kerviel qui aura beaucoup pesé sur l'image du groupe.

Les résultats se redressent et le cours de l'action a doublé sur un an, avec toujours, selon les analystes financiers, un fort potentiel de hausse, compte tenu d'un multiple de valorisation encore décoté par rapport aux autres grandes banques européennes. Les résultats du second semestre pourraient être un nouveau catalyseur, notamment sur la banque de détail si elle devait confirmer sa dynamique du premier semestre. C'est bien une « nouvelle » Société générale qui se met donc à l'œuvre.

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