La France championne européenne de la densité des réseaux bancaires (1/3)

ÉPISODE 1/3. Alors que les banques européennes multiplient les fermetures d’agences bancaires, un mouvement qui s’accélère avec la crise du Covid, la France fait figure d’exception. Mais avec les taux zéro et la digitalisation des services, les banques françaises ne pourront pas faire longtemps l’économie d'une évolution de leurs réseaux, dont le maillage du territoire est le plus dense d’Europe.
BNP Paribas a réduit son réseau d'agences de 11 % depuis 2016 à 1.750 agences.
BNP Paribas a réduit son réseau d'agences de 11 % depuis 2016 à 1.750 agences. (Crédits : © Jacky Naegelen / Reuters)

Cela ressemble fort à un carnage annoncé. Pas une semaine se passe sans qu'une banque européenne n'annonce de lourdes restructurations dans son réseau d'agences. Le mouvement n'est pas nouveau mais il semble s'emballer avec la crise sanitaire.

Dernière annonce en date, Commerzbank, deuxième banque allemande, envisage la suppression de la moitié de ses agences d'ici 2024 (de 790 agences à 450) et la suppression de 10.000 postes dans le monde (soit près d'un poste sur trois en Allemagne). De quoi réduire sa base de coûts de 20 % en quatre ans ! Raison invoquée : mettre le paquet (1,7 milliard d'euros) sur la numérisation des services. En septembre dernier, Deutsche Bank avait déjà provoqué un coup de tonnerre en annonçant la réduction de 20 % de ses agences.

La semaine dernière, en Irlande, Allied Bank annonçait également vouloir remodeler ses activités. Objectif : réduire ses coûts de 1,3 milliard d'euros. Là encore, le virage numérique est mis en avant. « Le Covid a considérablement changé la façon dont les clients utilisent les services bancaires, ce qui s'est traduit par une baisse de 50% de la fréquentation des agences », justifie Colin Hunt, directeur général d'Allied Bank.

Au Royaume-Uni, le mouvement de désertification des agences bancaires s'étend à tout le pays. A tel point que l'autorité prudentielle, Financial Conduct Authority (FCA), s'est résolue à dire stop . Alors qu'HSBC, TSB and Lloyds Bank avaient annoncé de nouveaux plans de fermeture d'agences, le régulateur a demandé aux banques britanniques de suspendre ces programmes, afin de garantir aux clients les plus vulnérables un accès aux services bancaires. Du moins pendant la crise sanitaire. En Espagne, longtemps préservés, les réseaux subissent aussi depuis deux ans des coupes claires. Toute l'Europe semble condamner les réseaux physiques.

Un modèle d'affaires en déclin

Le mal est ancien : les banques de détail n'arrivent plus à gagner leur vie sur le modèle d'affaires traditionnel, qui repose pour l'essentiel sur la marge d'intermédiation (différence entre le revenu généré par les crédits et le coût de la ressource, essentiellement les dépôts). Depuis dix ans, les taux d'intérêt à long terme ont en effet baissé beaucoup plus vite que les taux à court terme. Pour les banques françaises, c'est 12 milliards d'euros en moins sur la période 2015-2019, selon la Banque de France.

A cela s'ajoute l'essor de l'utilisation des services bancaires mobiles. L'adoption des outils digitaux est d'autant plus forte que les technologies sont désormais bien rodées. Selon une étude du Boston Consulting Group (BCG) sur la banque de détail dans le monde, l'usage du mobile a augmenté de 30 % pendant la crise sanitaire.

Des changements de comportement

« Cette crise a fortement influencé les comportements et les attentes des clients et offre du coup aux banques une opportunité d'accélérer leur transition numérique et la réorganisation de leurs réseaux domestiques », avance Jean-Werner de t'Serclaes, directeur associé senior au BCG. Les choses bougent vite y compris en France. Selon une récente enquête du même BCG, 26% des clients français interrogés souhaitent changer de comportement vis-à-vis des agences physiques après la crise sanitaire, notamment en les fréquentant moins, voire plus du tout.

Entre baisse des revenus et changement des usages, les banques sont engagées dans une course à la rentabilité. D'autant que les banques de détail « les plus efficientes », selon le BCG, affichent des bases de coûts inférieures de 40 % aux autres banques de détail. En Europe, ces banques « efficientes » se trouvent surtout dans les pays scandinaves, aux Pays-Bas, mais aussi en Espagne.

« Toutes les banques ont conscience qu'il existe un enjeu majeur d'efficacité dans la banque de détail, et, parmi les principaux leviers de réduction des coûts, il y a l'agence bancaire. Je suis convaincu que la France, jusqu'ici prudente par rapport aux autres pays européens, va devoir accélérer. Mais il existe également d'importants potentiels d'amélioration dans le traitement des opérations et les fonctions supports, comme la conformité qui pourrait être davantage automatisée », souligne Jean-Werner de t'Serclaes.

L'exception française

De fait, la France fait toujours figure d'exception dans ce mouvement général. Selon les données du BCG, les banques françaises ont seulement réduit de 6 % le nombre des agences bancaires en dix ans (de 2009 à 2019) alors que ce pourcentage atteint 32% en Allemagne, 46% en Espagne et près de 60% aux Pays-Bas

Deux raisons sont avancées pour expliquer ce décalage par rapport aux voisins européens. Tout d'abord, le poids des réseaux mutualistes qui affichent des engagements plus forts en termes de proximité dans les territoires. Ensuite, le contexte social en France est différent, avec des contraintes plus fortes. La fermeture des agences bancaires a toujours suscité la controverse, y  compris auprès des politiques qui mettent en avant l'impact négatif sur les économies locales.

Résultat, la France est le pays où le coefficient d'exploitation de la banque de détail (coûts rapportés au chiffre d'affaires) est parmi les plus élevés d'Europe, autour de 70% contre 59% pour la moyenne européenne. Toutefois, les banques commerciales ont discrètement entamé l'ajustement de leur réseau. Ainsi, BNP Paribas a baissé le nombre de ses agences de 11% depuis 2016 à 1.750 agences... tout en affichant un coefficient d'exploitation de 75% pour ses activités de détail en France. Et Société Générale a lancé un vaste chantier de réorganisation de ses réseaux de détail avec, à la clé, la suppression de 600 agences d'ici 2025.

La suppression de ses agences s'accompagnera d'une évolution du rôle des agences et de leur organisation, soit par des horaires d'ouvertures moins larges, soit par des regroupements de compétences. Une certitude : le temps du transactionnel est compté en agences. Déjà, selon le BCG, les banques de détail les plus efficientes ont réussi à faire baisser de 80% le nombre de transactions en agences.

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Commentaires 8
à écrit le 09/02/2021 à 16:56
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C'est l'histoire d'un petit pays qui a réussi à concentrer une partie de la richesse du monde. Après un an de recherches, plus de 3 millions de documents analysés et la création d’une base de données inédite, le Monde a pu mettre à jour la face caché...

le 09/02/2021 à 19:35
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Luxembourg : le salaire minimum passe à 2 642 euros brut mensuels, La proportion d'étrangers est de 47,4%. Chiche, on leurs envoie, Méluche ou Marine pour rompre l'harmonie...

le 10/02/2021 à 9:08
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@ assedix: "Même si ces pratiques sont légales, elles coûtent des milliards d’euros en impôts évités aux voisins européens. " T'as oublié cette phrase, c'est bizarre hein ? Comme toute banque le Luxembourg s'enrichi en apauvrissant les autres.

à écrit le 09/02/2021 à 14:30
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Caricature: les banques prennent la voie de la sidérurgie. Un employé avec 14 ou 15 ème mois, diplômé à minima, maitrisant la bureautique aura beaucoup plus de chance qu'un manant près d'un haut-fourneau enfumé.

à écrit le 09/02/2021 à 13:32
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Quoiqu'on en dise il existe des métiers plus ou moins nuisibles, exemple : celui de paysan : utile, celui de banquier: nuisible ! . mais il faut de tout pour faire un monde . . . .

le 10/02/2021 à 9:57
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Quoique... Le banquier vous truande et le paysan vous empoissonne à grands coups d'épandages massifs de produits hautement toxiques avérés, devant du coup agricultueur. Mais bon... C'est la france, faut pas demander un niveau qualitatif, d'honnêteté ...

le 10/02/2021 à 9:58
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Quoique... Le banquier vous truande et le paysan vous empoissonne à grands coups d'épandages massifs de produits hautement toxiques avérés, devant du coup agricultueur. Mais bon... C'est la france, faut pas demander un niveau qualitatif, d'honnêteté ...

à écrit le 09/02/2021 à 13:12
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Ben la numérisation c'est fait depuis x temps, je vois mon agence crédit agricole, elle en a bouffé 5 ou 6, et les employés tiennent des permanences une fois par semaine, on peut pas réduire plus.

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