« Être sage avec sobriété ». En paraphrasant Molière, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a souhaité délivrer, ce vendredi, un message à la fois confiant et prudent aux institutions financières, lors de conférence annuelle de l'ACPR, l'autorité de régulation.
Il s'est ainsi déclaré favorable à un retour « prudent » à la distribution de dividendes dans le secteur bancaire, selon des modalités qui devront être discutées au sein de l'instance de supervision européen. Depuis le début de la crise sanitaire, la Banque centrale européenne (BCE) avait en effet fermement recommandé aux banques de suspendre leur dividende en 2020, au titre de l'exercice 2019.
Fondamentaux solides
Le gouverneur avance deux arguments à ce retour aux dividendes. Tout d'abord, il a souligné la capacité de résistance des institutions financières face à la crise. Certes, le résultat agrégé des quatre principaux groupes bancaires a reculé de 39% à 11 milliards d'euros sur les neuf premiers mois de l'année, notamment sous l'effet du doublement et plus du coût du risque.
Mais, souligne François Villeroy de Galhau, les « fondamentaux restent solides et les quatre grandes banques affichent des ratios de solvabilité supérieurs à ceux de 2019 ». Incontestablement, précise-t-il néanmoins, « la mise en œuvre de l'intégralité des résultats bancaires a été une mesure efficace » pour consolider les bilans des banques.
Renforcer l'attrait des banques
Ensuite, deuxième argument, le gouverneur a jugé nécessaire le retour au dividende pour « préserver l'attractivité des banques pour les investisseurs, indispensable pour pouvoir lever des fonds ». La faible capitalisation des banques commençait, il est vrai, à devenir un vrai sujet d'inquiétude pour les superviseurs. Au plus bas de l'année en Bourse, Société Générale était ainsi valorisée à peine au cinquième de son actif net et BNP Paribas à moins de la moitié.
Or, les marchés connaissent aujourd'hui une violente rotation sectorielle en faveur des valeurs cycliques depuis l'annonce de la sortie imminente de vaccins contre le Covid-19, un mouvement qui bénéficie à plein aux valeurs bancaires. La déclaration du gouverneur apparaît ainsi opportune pour soutenir ce rebond.
Mais surtout, le gouverneur s'inquiète d'une distorsion de concurrence sur les marchés alors que des autorités de régulation et des banques non européennes semblent s'engager sur un retour prochain des dividendes. La Banque centrale européenne pourrait s'exprimer sur le sujet lors de sa réunion de politique monétaire 10 décembre.
Priorité à la rentabilité
Sur la base de ce diagnostic « de confiance vigilant », le gouverneur invite également les banques « à éviter de se tromper de priorités » pour demain. La bataille doit désormais « porter moins sur la solvabilité que sur celui la rentabilité », souligne-t-il.
Le secteur bancaire européen affiche une rentabilité insuffisante notamment au regard des concurrentes américaines. Les taux d'intérêt bas ont joué un rôle, reconnaît le régulateur, même si les mesures pour faciliter le refinancement des banques ou rémunérer les dépôts ont amorti ses effets.
En faveur de la constitution de groupe pan-européens
Le gouverneur met davantage en exergue les défis structurels qui attendent les banques, qui relèvent de la numérisation et des restructurations. La digitalisation, accélérée par la crise sanitaire, permet de réaliser des économies indispensables et de fidéliser les clients, notamment les jeunes. Elle nécessite cependant de lourds investissements et une réflexion globale sur le rôle des agences bancaires, un sujet sensible, encore peu traité en France.
La meilleure efficience passe également par l'émergence d'un véritable marché bancaire unique, véritable serpent de mer depuis la création de la zone euro. C'est pourtant un élément clé pour accélérer la constitution de groupes bancaires pan-européens, souhaité par les régulateurs européens. « Le secteur bancaire européen demeure encore trop fragmenté et trop vulnérable », regrette François Villeroy de Galhau.
Mauvais procès sur le crédit immobilier
Au passage, le gouverneur a écarté les critiques de certains professionnels de l'immobilier, notamment les courtiers, sur l'accès au crédit à l'immobilier. La production des crédits à l'habitat a atteint un plus haut historique en septembre à 19 milliards d'euros, « un chiffre qui vient démentir les mauvais procès sur la dégringolade de l'accès au financement immobilier », a souligné le gouverneur.
Depuis un an, les professionnels de l'immobilier dénoncent l'effet sur l'accès au crédit, notamment pour les primo-accédants mis aussi pour les investisseurs individuels, des recommandations du Haut conseil de stabilité financière (HCSF), des critiques qui se sont multipliées avec la crise du Covid.
Mais pour le régulateur, ces recommandations n'ont pas empêché un effet de rattrapage de la production, en panne sur le premier semestre. Toutefois, le HCSF devrait faire un bilan de ses recommandations lors de sa prochaine réunion, à la mi-décembre. Et les professionnels de l'immobilier espèrent une inflexion de sa position.
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