
Les hauts dirigeants de la banque Credit Suisse, sauvée de la faillite le 19 mars dernier, sont dans le collimateur des autorités publiques. Il faut dire que le sauvetage de la banque, grâce à sa reprise dans de bonnes conditions par UBS, est mal passé auprès de l'opinion publique helvétique.
Dans un communiqué diffusé ce mercredi, le département fédéral des finances annule ou réduit les bonus des 1.000 premiers cadres de la banque. La règle est simple : les membres du directoire sont privés purement et simplement de rémunération variable au titre de 2022, alors que les cadres de l'échelon inférieur (N-1) voient leurs bonus réduit de 50% et ceux des cadres N-2 (deux échelons inférieurs au directoire) de 25 %.
50 à 60 millions d'euros en jeu
Une façon de rendre compte de « de façon différenciée (de) la responsabilité des cadres dans la situation du Credit Suisse », précise le communiqué. De 50 à 60 millions de francs suisses (50 à 60 millions d'euros) seraient en jeu, soit une goutte d'eau par rapport à l'océan des pertes : 1,3 milliard de francs suisses au premier trimestre 2023 après une perte de 7,3 milliards en 2022 (respectivement 1,3 milliard d'euros et 7,3 milliards d'euros).
En outre, « le Credit Suisse doit examiner la possibilité de récupérer les rémunérations déjà versées aux membres de la direction du groupe depuis 2019 » et rendre compte à ce sujet à la fois au superviseur des marchés financiers la FINMA, et au gouvernement. Le ministère des finances a également ordonné à UBS de réfléchir à un système de rémunération variable des cadres chargés de la vente des actifs de Credit Suisse afin de minimiser les pertes. Pour mémoire, UBS bénéficie d'une garantie publique sur pertes d'actifs d'un montant de 9 milliards de francs suisses (9 milliards d'euros).
230 recours devant les tribunaux
Ce communiqué intervient quelques heures à peine après que Credit Suisse ait renoncé à son recours à l'encontre de la décision de la FINMA de réduire à zéro la valeur des obligations AT1 de la banque. Une décision à 16 milliards de francs suisses au profit d'UBS, fortement contestée par les investisseurs car elle remet en cause la hiérarchie des créances, les pertes devant être d'abord absorbées par les actionnaires avant les porteurs d'obligations.
En revanche, quelque 230 recours ont été déposés par des investisseurs auprès du tribunal administratif fédéral. En tout, ce sont environ 2.500 investisseurs qui se sont regroupés pour attaquer la décision de la FINMA. Selon le Financial Times, plusieurs cadres du Credit Suisse ont également lancé une procédure contre le superviseur, au motif que la décision aurait fait perdre quelque 400 millions de dollars de bonus à des milliers de cadres de la banque. Une double punition en quelque sorte.
Annulation de dette controversée
Cette annulation de dette subordonnée a provoqué la stupéfaction des investisseurs et sans doute plongé le marché de la dette subordonnée AT1 (la plus risquée) dans une longue léthargie. Plus aucune banque ne se risque aujourd'hui à émettre de la dette AT1 en zone euro.
Cela souligne, une fois de plus, la différence de perception des instruments financiers hybrides entre les régulateurs et les investisseurs : pour les premiers, une dette subordonnée AT1 est conçue pour amortir les pertes et éviter la faillite alors que pour les investisseurs, cela reste un placement à rendement sûr car émis par une banque (et donc sous le contrôle du régulateur). Pourtant, sur les marchés plus qu'ailleurs, un monde sans risque n'existe pas.
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