Credit Suisse : des investisseurs portent plainte contre le régulateur suisse

Un groupe d’investisseurs suisses et internationaux vient de déposer la première plainte contre la Finma, le régulateur des marchés financiers en Suisse, qui avait décidé l’annulation de 16 milliards de francs suisses de dette subordonnée AT1 (la plus risquée) de Credit Suisse lors du sauvetage de la banque. Cette action en justice pourrait être la première d’une vague de procès. Credit Suisse doit présenter ses résultats trimestriels lundi prochain, avant ceux d’UBS.
Credit Suisse devrait publier lundi à nouveau une perte au titre du premier trimestre.
Credit Suisse devrait publier lundi à nouveau une perte au titre du premier trimestre. (Crédits : Reuters)

Les dirigeants d'UBS et de Credit Suisse ne l'ont pas caché lors des récentes assemblées générales d'actionnaires : les risques d'exécution du rachat de Credit Suisse par UBS, imposé par les autorités le 19 mars dernier pour éviter une situation de « bank run » et la faillite de la seconde banque suisse, étaient élevés.

Un groupe d'investisseurs suisses et internationaux, détenant plus de 4,5 milliards de francs suisses d'obligations AT1 du Credit Suisse, et dont la valeur est désormais réduite à néant, a déposé un recours contre l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma), selon un communiqué du cabinet d'avocats Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan. D'autres investisseurs à Singapour cherchent également à lancer une action en justice. Les investisseurs reprochent à la Finma de ne pas avoir agi de bonne foi dans sa décision d'effacer les obligations AT1 du Credit Suisse.

Un accord et beaucoup de questions

Le régulateur avait décidé d'annuler quelque 16 milliards de francs suisses d'obligations subordonnée AT1 dans le cadre du plan de sauvetage du Credit Suisse alors même que les actionnaires doivent recevoir l'équivalent de 3 milliards suisses en actions UBS.

Le plan de sauvetage avait soulevé dès le départ beaucoup de questions et, en premier lieu, le fait que la valeur des obligations AT1 aient été ramenées à zéro, contrairement à la valeur des actions, ce qui constitue pour les investisseurs, une inversion de la hiérarchie normale des créances. Habituellement, en cas de faillite ou de résolution, ce sont les actionnaires qui doivent en priorité payer les pots cassés avant les détenteurs d'obligations. Cette règle avait d'ailleurs été fortement rappelée par les régulateurs de la zone euro, visiblement eux-mêmes surpris de la décision de la Finma. Le fait également que les actionnaires de Credit Suisse et d'UBS n'aient pas été consultés a nui à la réputation de la place de Zurich.

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Pour sa défense, la Finma a déclaré avoir reçu l'autorisation des législateurs suisses d'amortir entièrement les obligations AT1, ce qui est vrai. Le Parlement suisse a voté une loi le lendemain de la présentation du plan de sauvetage. De plus, et c'est sans doute sur ce point que la bataille juridique va s'opérer, le régulateur précise que cette possibilité d'annulation était bien mentionnée dans les contrats en cas de résolution. Ce que contestent la plupart des analystes crédit, notamment des grandes banques américaines.

Sans ce rachat, Credit Suisse se serait vraisemblablement retrouvé « en cessation de paiement le 20 ou 21 mars », avait récemment expliqué, devant le Parlement, le Président de la Confédération Alain Berset.

Amortisseur de pertes

Le risque est bien que ces procédures judiciaires s'éternisent et que des fonds « vautours » rachètent à prix cassé ces obligations AT1 en multipliant les recours pour négocier au final un prix. Cela va susciter également un débat sur le rôle et l'utilité des obligations AT1, un produit de dette apprécié par les banques car il renforce le ratio de solvabilité Tier 1. Les AT1 ont été en effet imaginé par les régulateurs, au lendemain de la crise financière de 2008, pour absorber une partie des pertes en cas de crise grave. C'est donc effectivement son rôle même d'être potentiellement annulé. C'est même dans cet esprit que les AT1 ont été créés.

Mais les détracteurs de la décision de la Finma avancent de leurs côtés que Credit Suisse n'accusait aucune perte, qu'il respectait largement tous ces ratios prudentiels, et que la banque n'était pas en faillite, juste victime d'une crise de confiance sur les marchés.

Des sorties toujours importantes

A ce titre, les résultats trimestriels publiés par Credit Suisse - probablement les derniers - seront examinés de très près. Mais ces résultats ne feront l'objet d'aucune conférence avec les analystes financiers ou la presse : ils seront dévoilés par un simple communiqué.

Toutefois, les réponses concernant la crise qui couvait chez Credit Suisse remonteront forcément à la surface, mais que très progressivement. Déjà, les gérants obligataires notent que la dette de Credit Suisse affichait depuis quelques mois une forte décote par rapport à ses pairs.

Mais, une fois de plus, ce sont les sorties de fonds qui seront scrutées, notamment dans les activités de gestion de fortune. Selon des données compilées par Morningstar, citées par l'AFP, Credit Suisse a enregistré quelque 4,6 milliards d'euros de retraits dans la gestion de fonds durant le mois de mars, soit les plus grosses sorties mensuelles jamais enregistrées.

En 2022, la banque avait essuyé une perte de 7,3 milliards de francs suisses (contre un profit équivalent chez UBS) et les sorties de liquidité s'étaient élevées à 110,5 milliards de francs suisse au quatrième trimestre 2022.

En attendant, le marché des AT1 en Europe est « cliniquement mort » : « il mettra au moins de deux ans pour s'en remettre, et encore, par dans sa forme actuelle, le régulateur devra imaginer une nouvelle version de ce produit », estime auprès de La Tribune un gérant obligataire.

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Commentaires 2
à écrit le 23/04/2023 à 22:45
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A la Suisse, son gruyere et ses banques prospères...finalement une république bananière qui spolie les investisseurs honnêtes ?

à écrit le 22/04/2023 à 13:54
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La pyramide de Ponzi est en train de s'écrouler

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