Le secteur bancaire se porte mieux que bien. Au terme d'une semaine de présentation de résultats des principales banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Crédit Mutuel Alliance Fédérale, Société Générale et BPCE), le constat sur l'exercice 2021 est sans appel : ces banques ont affiché des résultats nets cumulés de 31,7 milliards d'euros, soit plus du double de l'an dernier, mais surtout en hausse de 27% par rapport à 2019, déjà une excellente année pour les banques en ces temps d'avant-Covid.
Retour en force de la banque de détail
Ces résultats reposent sur une même dynamique, indépendamment du mix des métiers, à savoir un effet de ciseaux positif entre des revenus en nette hausse et des charges d'exploitation qui progressent moins vite. L'année 2021 marque notamment le retour en force de la banque de détail, avec des ménages qui épargnent et consomment, et des entreprises qui investissent. Globalement, les revenus de la banque de détail en France, comme les encours de crédits et d'épargne, progressent au même rythme que la croissance du PIB, soit autour de 6%. Certaines banques ont cependant poussé les feux sur certains segments, comme BPCE sur le crédit immobilier (+7,6%) ou Crédit Mutuel Alliance Fédérale sur l'assurance.
Reste que les banques mutualistes font toujours la différence en termes d'efficacité opérationnelle, avec des coefficients d'exploitation (charges d'exploitation sur chiffre d'affaires) inférieurs à ceux des banques commerciales. Ainsi, ce ratio ressort à 57% chez Crédit Mutuel Alliance Fédérale, le meilleur en France, contre 66% pour les activités de banque de détail en France de BNP Paribas (64% pour l'ensemble du groupe) ou 62% pour Crédit Agricole (64% pour les Caisses régionales). Société Générale vise de son côté un coefficient d'exploitation compris entre 66% et 68% en 2022.
Boum des activités de marché et de financement, Bourse au firmament
Les activités de banque de financement et d'investissement ont tourné à plein régime, avec des conditions de marché exceptionnelles qui ont dopé les opérations de conseil en fusions et acquisition, les activités de marché ou le financement. Les taux de croissance des revenus sont ainsi de 32% chez Natixis CIB et de 25% chez Société Générale. La croissance est plus modérée chez BNP Paribas (+3,4%) mais le groupe avait connu une bonne année en 2020. Sur deux ans, la croissance s'établit à 17,8%.
Enfin, les métiers de gestion d'actifs, d'assurance et de gestion privée ont surfé sur la Bourse et les excédents d'épargne des ménages pour accumuler les commissions, notamment les commissions de surperformance. Ainsi, dans le pôle gestion d'actifs de Natixis, les commissions de surperformance s'élèvent à 500 millions d'euros, soit 14% du chiffre d'affaires ! En 2022, le poids de ces commissions devrait cependant se normaliser avec une année boursière 2021 exceptionnelle.
Des approches différentes sur le coût du risque
Le deuxième moteur de la performance des banques reste un coût du risque exceptionnellement bas malgré les craintes initiales d'une vague de faillites avec la fin des mesures de soutien à l'économie des pouvoirs publics. Reste que ces derniers ont pris soin de maintenir en partie ces aides, notamment de prolonger d'un an le prêt garanti par l'Etat (PGE), et le nombre des faillites est à un plancher. L'an dernier, une (petite) moitié de ces prêts ont été remboursés en totalité ou partiellement, et l'autre moitié devrait arriver à échéance courant mai et juin 2022.
Toutefois, les stratégies de couvertures du risque ont été différentes d'un groupe à l'autre. Aux extrêmes, Société Générale a divisé par cinq ses dotations aux provisions, avec même un coût du risque de 6 points de base au quatrième trimestre. BPCE, très ciblée sur les PME, a « seulement » baissé de 40% ses dotations aux provisions. Crédit Agricole affiche de son côté un coût du risque de 18 points de base en 2021 contre 13 points de base pour Société Générale. Ce qui se traduit également par des différences significatives sur le taux de couverture des créances douteuses ou saines, qui s'établit à 75% au Crédit Agricole, contre 51% chez Société Générale. « L'environnement reste incertain et nous avons maintenu notre politique prudente et continué à doter nos provisions en 2021 », explique Laurent Mignon, président du directoire de BPCE.
Actionnaires vs sociétaires
Face à ces résultats exceptionnels, la politique de distribution aux actionnaires diffère naturellement selon le statut des banques. Pour les banques commerciales cotées, il s'agit de multiplier les gestes en faveur des actionnaires à la fois pour rattraper les dividendes non versés en 2020 à la demande des régulateurs, mais aussi pour attirer à nouveau les investisseurs sur un secteur bancaire décoté qui n'a jamais retrouvé, et de loin, ses niveaux de valorisation d'avant la crise financière de 2008.
Ainsi, BNP Paribas a promis un taux de distribution de 60% de ses résultats sur les trois prochaines années, alors que Société Générale maintient son taux à 50%. Une partie de cette rémunération, environ 20% (40% à titre exceptionnel pour Société générale), est réalisée sous la forme de programmes de rachat d'actions, ce qui est moins fréquent en France qu'aux Etats-Unis. Les banques apprécient le rachat d'actions pour son effet relutif sur les résultats futurs alors qu'elles sont valorisées en Bourse en dessous de leur actif net tangible.
De leur côté, les groupes mutualistes BPCE et Crédit Mutuel Alliance Fédérale conservent par nature leurs résultats, pour les mettre au service de l'économie française, comme le proclament à l'unisson les dirigeants. « Nous nous inscrivons dans un mutualisme par la preuve, avec des engagements concrets », souligne même Nicolas Théry, président du Crédit Mutuel Alliance Fédérale, dont le groupe vient d'adopter le statut d'entreprise à mission.
Crédit Agricole conserve près de 80% de son résultat net
Le Crédit Agricole, dont l'organe central est coté en Bourse (Crédit Agricole), doit cependant distribuer une partie de ses résultats à des actionnaires (et des sociétaires), environ 17% des résultats hors les caisses régionales. Mais l'essentiel du résultat, soit 7,1 milliards d'euros (près de 80%), est conservé au sein du groupe, dont 3 milliards de profits générés par les caisses régionales, 1,8 milliard d'euros de dividendes versés aux Caisses régionales par Crédit Agricole SA, et enfin, 2,3 milliards mis en réserve.
Logiquement, la mise en réserve des résultats se reflète dans les ratios de solvabilité. Ainsi, les banques mutualistes affichent des ratios très élevés, comme Crédit Agricole (17,5%) ou Crédit Mutuel Alliance Fédérale (18%) alors que les banques commerciales se contentent de ratios, certes confortables, mais moins élevés, à l'instar de BNP Paribas (12,9%). Mais les banques mutualistes n'ont pas la contrainte de devoir rentabiliser à court terme leurs fonds propres excédentaires.
Sujets les + commentés