Pour les banques, il est encore trop tôt pour enterrer l'agence bancaire

ÉPISODE 3/3. La réorganisation des agences bancaires est clairement à l’ordre du jour. Il ne s’agit plus simplement de réduire la taille du réseau mais d’adapter les agences aux nouveaux usages bancaires et d’en améliorer la rentabilité. Un enjeu essentiel alors que les clients restent attachés à l’agence, même s’ils la fréquentent moins grâce aux services numériques. Les initiatives se multiplient en France et en Europe pour maintenir un lien de proximité à moindre coût.
La fermeture d'agences s'accélère depuis 2019 en France mais les réflexions portent également sur l'adaptation de l'agence aux nouveaux usages bancaires.
La fermeture d'agences s'accélère depuis 2019 en France mais les réflexions portent également sur l'adaptation de l'agence aux nouveaux usages bancaires. (Crédits : Regis Duvignau)

> L'épisode 1 : La France championne européenne de la densité des réseaux bancaires

> L'épisode 2 : Société Générale entame un chantier historique de réorganisation de ses réseaux bancaires

L'agence bancaire est morte, vive l'agence bancaire ! Les banques, confrontées à une spirale de baisse de leurs marges, s'interrogent sur le rôle de l'agence, à l'heure où la digitalisation des services fait désormais partie intégrante des usages bancaires. D'autant que le rôle du conseiller en agence a été trop souvent dévalorisé par l'automatisation des processus et un turn-over trop important pour lier une relation de confiance avec les clients.

C'est à tous ces enjeux auxquels les banques, en quête de rentabilité, se doivent de répondre aujourd'hui, bien au-delà du simple ajustement du nombre d'agences. Selon une étude de SIA Partners de février 2020, il faut certes s'attendre à une accélération du nombre de fermetures d'agence, de l'ordre de 15% d'ici 2022, alors que le mouvement de réduction des réseaux était jusqu'ici contenu en France (-3% sur la période 2014-2018).

Mais les Français restent malgré tout attachés à leur agence. Selon la récente étude de la Fédération bancaire française (FBF) sur les attentes des consommateurs vis-à-vis de leur banque, 83% des individus estiment ainsi que « la banque idéale doit laisser la possibilité à chacun de recourir à des services sur Internet et en agence ».

Une satisfaction client... insatisfaisante

Thomas Rocafull, chargé des services financiers chez SIA Partners, confirme : « L'agence n'est pas morte car elle reste un véritable élément de différenciation entre les différentes enseignes bancaires mais également par rapport aux banques en ligne et aux GAFA. Et l'agence détermine toujours, pour 40% des consommateurs, le choix d'une enseigne ».

Pourtant, selon une étude de SIA Partners, qui a compilé quelque 120.000 avis de consommateurs sur le Web, entre 2016 et 2020, le constat est sévère sur les agences bancaires. « La satisfaction des clients sur leur agence bancaire n'est pas très bonne, avec cependant le Crédit agricole et le Crédit mutuel qui se détachent nettement des autres enseignes », explique Thomas Rocafull. « Plus que l'agence elle-même, c'est bien le conseiller qui cristallise la satisfaction ou le mécontentement des clients bancaires », précise-t-il.

Les commentaires évoquent le plus souvent les mêmes thématiques : « l'empathie », « la qualité d'écoute », « l'expertise » pour les avis positifs, et à l'inverse, « l'incompétence », « l'indisponibilité » mais aussi « les horaires d'ouverture » ou les « frais bancaires » pour les avis négatifs, naturellement les plus nombreux sur le Web.

Pour l'heure, souligne SIA Partners, l'avis des internautes est peu pris en compte par les banques, contrairement à d'autres secteurs d'activité (restauration, tourisme, VTC, ecommerce...) Mais cela pourrait changer dans le futur alors que les banques françaises font toujours le choix de maintenir une présence physique forte et coûteuse.

«Les banques restent très prudentes sur la réduction de leur réseau car elles constatent que toute fermeture entraîne automatiquement une attrition de la clientèle, et c'est particulièrement vrai en zones périurbaines ou rurales. Tout l'enjeu est donc d'essayer de maintenir une proximité en limitant les coûts », avance Thomas Rocafull.

D'où la multiplication en France, mais également en Europe, des expérimentations pour tester cette nouvelle agence bancaire du futur qui serait plus efficiente. Et paradoxalement, la crise du Covid-19 a accéléré ses réflexions sur les agences alors qu'elle a également entraîné une explosion de l'utilisation des services numériques et une accélération de la baisse de fréquentation dans les agences.

Agence sur rendez-vous

En France, l'exemple le plus prometteur est sans doute de l'agence sur rendez-vous. Le concept a été notamment expérimenté par la Bred (Banques populaires) qui l'a jugé suffisamment pertinent pendant la crise sanitaire pour le généraliser à tout son réseau en décembre dernier.

L'agence est uniquement accessible sur rendez-vous les après-midi et les clients peuvent réserver leur créneau horaire en ligne d'une façon aussi simple que sur des applications comme Doctolib. En revanche, les agences restent ouvertes au public les matinées, pour des opérations basiques ou des déclarations de vol de cartes.

Pour la Bred, c'est une façon efficace de gérer les flux et d'améliorer la disponibilité du conseiller. D'une façon plus confidentielle, d'autres réseaux testent également le concept, en l'orientant notamment sur le conseil patrimonial, comme la Caisse d'épargne Bretagne Pays-de-Loire.

Réorganisation des horaires d'agences

De son côté, BNP Paribas a commencé à mettre en œuvre un vaste plan de réorganisation de son réseau qui vise à adapter les horaires d'ouverture en fonction des zones d'implantation. Ainsi, la banque a classé ses agences en trois catégories en fonction de l'amplitude des horaires : les agences dans les grandes agglomérations resteront ouvertes 39 heures par semaine alors que les deux groupes basculeront sur des rythmes de 37 et 35,5 heures.

La question des plages d'ouvertures des agences, conjuguée avec les négociations sur le télétravail, vont sans doute occuper les directions des ressources humaines des grandes banques dans les prochains mois. De fait, aujourd'hui, un conseiller en agence peut facilement basculer sur une plateforme à distance sur une partie de la semaine, comme cela se pratique déjà dans d'autres pays.

« La dématérialisation de l'offre de produits et services s'est grandement accélérée, notamment au niveau de la souscription et les banques incitent de plus en plus au Selfcare, c'est-à-dire à la prise en charge des opérations les plus simples par les clients-eux-mêmes. C'est dans ce contexte que l'agence sur rendez-vous prend son essor et que la visiophonie se développe dans certains réseaux, comme le Crédit mutuel », avance Frédéric Bois, Chef de projet chez Sémaphore Conseil.

Maintenir la proximité à moindre coût

D'autres expériences se mettent en place en Europe. Le groupe ING développe aux Pays-Bas le principe des « corners », ces espaces simplifiés de services financiers dans des magasins de proximité, comme les épiceries. Une idée déjà ancienne en France notamment au Crédit agricole avec ses « points verts » en zone rurale.

En Allemagne, des banques testent la mutualisation des agences, c'est-à-dire le partage d'une même agence par deux enseignes concurrentes, en l'occurrence la banque mutualiste Frankfurter Volksbank et la Caisse d'Epargne Taunus Sparkasse. Une idée qui pourrait intéresser un groupe comme BPCE, qui coiffe à la fois les Banques populaires et les Caisses d'épargne.

Ce concept est d'ailleurs repris au Royaume-Uni, où Natwest, Lloyds Bank et Barclays proposent, pour la clientèle entreprise, des centres d'affaires partagés. Autre exemple, la recette du bus itinérant est remise au goût du jour en Espagne par Bankia Bank, qui vient d'être rachetée par Caixa Bank. Enfin, après la disparition du cash dans les agences - une des principales mesures de ces dernières années - la Belgique teste la sous-traitance complète des distributeurs de billets à des partenaires non-bancaires.

L'objectif de toutes ces initiatives n'est pas tant de faire « revenir » les clients à l'agence que d'adapter l'agence aux nouveaux usages des clients. L'agence du futur doit désormais trouver sa place entre les canaux numériques, désormais sources de revenus grâce à la signature électronique, les profondes réorganisations à venir des forces commerciales, notamment avec la montée du télétravail, l'optimisation du parc immobilier et, c'est sans doute l'essentiel, les attentes des clients. Le tout sous contrainte de rentabilité. Le chantier ne fait donc que commencer.

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Commentaires 6
à écrit le 17/02/2021 à 18:32
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La seule fois où je mets les pieds dans une agence, c'est pour déposer un chèque (de plus en plus rare) ou pour un crédit immobilier. Sinon je fais tout en ligne.

à écrit le 17/02/2021 à 14:27
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Dans la "mauvaise" action dogmatique, c'est le retardataire qui obtiendra les meilleurs résultats!

à écrit le 17/02/2021 à 11:41
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L'agence tous risques (transférés par un mécanisme astucieux, le Credit default swap ou CDS pour les intimes, on appel cela de l'ingénierie financière ah ah ah, enfin entre nous le terme c'est plutot entourloupe). L'agence tous risques, c'est vrai...

à écrit le 17/02/2021 à 8:42
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Ah s'ils pouvaient prendre tout notre pognon sans que cela ne leur coûte quoi que ce soit, le rêve du fléau de notre monde sans doute.

à écrit le 17/02/2021 à 6:45
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Comme depuis un an nous sommes de pleins pieds dans le meilleur des mondes de 1984, il nous faut désormais traduire la novlangue en vieux français correct et intelligible."il est trop tôt pour enterrer l'agence bancaire" signifie que dans cinq ans en...

le 18/02/2021 à 4:05
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@ Panoramix. A propos de francais et de son usage. On ecris "plain pieds". Il y aura une grande diminution de ces bureaux, mais les banques ne pourront jamais les supprimer totalement. Imaginez Mme Michu sans son conseiller de rien du tout, elle...

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