UBS reconnaît devant ses actionnaires l’ampleur du chantier de fusion avec Credit Suisse

Le président de la première banque suisse, et demain de la quatrième banque mondiale par le bilan, Colm Kelleher, a reconnu le risque énorme autour de l'exécution de cette fusion décidée en urgence il y a quinze jours.
Le président d'UBS, Colm Kelleher, ne sous-estime pas les risques de la fusion avec Credit Suisse.
Le président d'UBS, Colm Kelleher, ne sous-estime pas les risques de la fusion avec Credit Suisse. (Crédits : Reuters)

Après l'assemblée générale des actionnaires de Credit Suisse mardi, une réunion en forme d'adieux et d'amertume, c'est au tour des dirigeants d'UBS de défendre devant leurs actionnaires le projet d'absorption de son éternel rival décidé en urgence. Un projet qui les a mis de les devant le fait accompli. Car, en matière de gouvernance, la Suisse, une place financière pourtant réputée, a fait fort : grâce à une loi votée à la va-vite, les actionnaires de Credit Suisse et d'UBS ne seront pas consultés sur le projet de fusion.

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Alors que les actionnaires de Credit Suisse n'ont plus que les yeux pour pleurer - la valeur de l'action a perdu plus de 90% en un an - ceux d'UBS pourraient, en toute logique, sabrer le champagne.

Un prix dérisoire

Le numéro un bancaire suisse met en effet la main sur le numéro deux pour un prix dérisoire (3 milliards de francs suisses), avec une garantie de l'Etat de 9 milliards sur litiges ou pertes, une annulation de créance (obligations AT1) de 16 milliards, une ligne de liquidités de 200 milliards, sans compter d'autres menus cadeaux comme la possibilité d'utiliser l'énorme « badwill » (différence entre le prix payé et le montant des fonds propres de Crédit Suisse) pour amortir les éventuelles pertes ou bien l'exception de surcharge en capital accordé à la nouvelle banque.

Bref, une bonne affaire en apparence. Mais les dirigeants d'UBS se gardent bien de tout triomphalisme. Ils cherchent même à rassurer sur la « première fusion de deux banques d'importance systémique », comme le rappelle le président d'UBS, Colm Kelleher. Il faut dire que l'opinion publique suisse a été choquée par ce sauvetage express et que de nombreuses questions se posent. Le Parquet fédéral a même confirmé l'ouverture de plusieurs enquêtes sur les conditions de la fusion.

Risque d'exécution

Et les actionnaires d'UBS sont loin d'être enthousiastes face à une fusion qui comporte, comme le reconnaît le président, « un énorme risque » d'exécution. « Il ne suffit pas d'additionner des chiffres mais bien comprendre que l'intégration des activités comporte un énorme risque », a-t-il avancé.

Il est vrai qu'en finance un plus un font rarement deux. Selon la presse suisse, la fusion pourrait se traduire par la suppression de 30 % de postes sur 120.000 dans le monde, dont 11.000 postes en Suisse. Lors de l'annonce de la fusion, il a été évoqué une réduction de moitié de la base de coût de Credit Suisse. « Nous avons fait un choix au nom de la Suisse, de la place d'UBS en Suisse et de ce qui était le mieux pour le système financier mondial », a soutenu Colm Kelleher devant des actionnaires sceptiques, voire effrayés par l'ampleur de la tâche.

Un régulateur droit dans ses bottes

De son côté, le régulateur suisse des marchés financiers, la Fimna, s'est déclaré, ce mercredi, convaincu que le rachat de Credit Suisse par UBS sera « finalisé », même si la tâche sera « herculéenne ». Très critiquée, la Fimna s'est justifiée par la gravité de la situation, déclarant qu'il n'y avait pas d'alternative au rachat par UBS, annoncé le 19 mars dernier. La fusion doit également obtenir le feu vert des régulateurs américains et britanniques. Au passage, la Fimna a réclamé davantage de pouvoirs de surveillance et surtout de sanctions.

Le régulateur suisse est vivement attaqué sur sa décision d'annuler la dette AT1 - « qui a tué le marché pour au moins deux ans et va contraindre les régulateurs à imaginer un nouveau format pour la dette la plus subordonnée », selon un gérant obligataire - même si le droit suisse en la matière est sensiblement différent du droit européen. En clair, les règles des AT1 en Suisse sont suffisamment larges pour permettre un certain degré d'interprétation par le régulateur, notamment en ce qui concerne les règles de résolution (sauvetage d'une banque).

Des questions sans réponses

Demain se posera néanmoins la question de la supervision d'un nouveau mastodonte de la finance, dont le total des actifs dépassera les 5.000 milliards de dollars (près du double du bilan de BNP Paribas).

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Il s'agira également de se pencher sur la pertinence des ratios prudentiels (ceux de Credit Suisse étaient excellents, même si la qualité du bilan pouvait interroger comme le montrait le spread important de sa dette senior), la réputation de la place suisse, notamment dans la gestion de fortune, vache à lait d'UBS et de Credit Suisse, et sur le traitement réglementaire de la dette subordonnée (dont la fonction première reste quand même d'encaisser les pertes en cas de choc). Cette fusion comporte beaucoup d'inconnues. Les leçons de cette faillite retentissante sont encore loin d'être tirées.

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Commentaires 4
à écrit le 06/04/2023 à 1:36
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Reponse simple. Elle ferait le joint avec tous les comptes de depots. Exit la garantie des 100k.

à écrit le 05/04/2023 à 20:43
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Coquille "Un projet qui les a mis de les devant le fait accompli." "Un projet qui les a mis devant le fait accompli". ?

à écrit le 05/04/2023 à 20:43
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Coquille "Un projet qui les a mis de les devant le fait accompli." "Un projet qui les a mis devant le fait accompli". ?

à écrit le 05/04/2023 à 18:24
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Si l'état Suisse ose ça, alors que ferait la France dans un cas similaire?

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