Epargne durable : une offre croissante pour les particuliers, mais toujours peu lisible

L'encours des fonds durables ouverts aux épargnants français a presque doublé en un an, à 278 milliards d'euros à la fin 2019. Si l'offre connaît une belle dynamique, elle pâtit encore d'un certain manque de lisibilité avec la coexistence de labels non obligatoires et dont l'objet est souvent mal compris.
Juliette Raynal
Créé en 2015 par le ministère des Finances, à la suite des Accords de Paris sur le Climat, le label ISR vient garantir la qualité des process d'analyse ESG (les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) mais ne vient pas attester une certaine composition du fonds.
Créé en 2015 par le ministère des Finances, à la suite des Accords de Paris sur le Climat, le label ISR vient garantir la qualité des process d'analyse ESG (les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) mais ne vient pas attester une certaine composition du fonds. (Crédits : DR)

La finance durable n'est pas uniquement l'apanage des investisseurs institutionnels. L'épargne durable distribuée auprès des investisseurs particuliers fait aussi son chemin. C'est ce que montre le dernier indicateur de Novethic, à la fois institut de recherche et média spécialisé dans la finance durable, publié le mardi 11 février.

Selon cette étude annuelle, l'encours des fonds durables ouverts aux épargnants français a presque doublé en un an. Il s'établissait à 278 milliards d'euros à la fin 2019, contre 149 milliards d'euros en décembre 2018. Le nombre de fonds durables accessibles aux investisseurs particuliers est lui aussi en nette progression. On en compte aujourd'hui 704, soit une hausse annuelle d'environ 50%. Parmi ces nouveaux fonds, une soixantaine sont des fonds qui existaient déjà mais qui ont obtenu un label.

"C'est un marché dynamique mais très protéiforme", a commenté Anne-Catherine Husson Traore, la directrice générale de Novethic, lors d'une conférence de presse. La notion d'épargne durable recouvre en effet des fonds très variés. Elle englobe les fonds labellisés ISR (investissement socialement responsable), les fonds labellisés GreenFin dédiés à la transition énergétique et écologique, les fonds thématiques qu'ils soient environnementaux (énergies renouvelables, gestion de l'eau, efficacité énergétique) ou sociaux (santé et alimentation saine, égalité homme femme, éducation) ou encore, les fonds indiciels ESG proposés par les grandes sociétés de gestion, prenant en compte les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.

La loi Pacte comme moteur

Selon Novethic, le boom du marché des fonds durables pour les particuliers en France est tiré par trois moteurs. Le premier est d'ordre législatif. Depuis le 1er janvier dernier, la loi Pacte oblige la diffusion d'au moins un produit labellisé (ISR, GreenFin ou solidaire) dans le cadre de l'assurance vie. Ensuite, "plusieurs sociétés de gestion ont adopté une logique de gamme. Trois acteurs du marché (BNP Paribas AM, La Banque Postale AM et Natixis IM) ont chacun fait labelliser plus de 20 fonds", indique Anne-Catherine Husson Traore.

Dernier facteur: l'apparition d'une course aux labels à l'échelle européenne. "Il y a une émulation très nette liée au lancement du label belge", observe Anne-Catherine Husson Traore. La Belgique a lancé en fin d'année dernière son propre label d'investissement durable baptisé Toward sustainability et a pour ambition de labelliser 200 fonds. A la différence du label ISR français, celui-ci est obligatoire. Autrement dit, une société de gestion ne pourra pas commercialiser un fonds durable s'il n'obtient pas ce label.

"Un vrai problème marketing"

Si le marché de l'épargne durable distribuée auprès des particuliers connaît aujourd'hui une forte croissance, sa taille reste encore modeste au regard de l'encours total de la gestion investissement responsable en France, qui s'établit à 1.458 milliards d'euros, selon le dernier décompte de l'Association française de la gestion financière (AFG). Les particuliers ne représente qu'environ 20% du marché de l'investissement responsable en France, encore largement dominé par les investisseurs institutionnels (les banques, les compagnies d'assurance, les fonds de pension, les caisses de retraite, etc.)

Par ailleurs, si l'offre disponible devrait encore se renforcer dans les mois à venir, la question de sa distribution est décisive. "Sur le marché des particuliers, les conseillers dans les réseaux ont un important rôle à jouer. Ils vont avoir un vrai rôle de levier dans la redirection des flux vers l'épargne durable", assure Lorène Moretti, analyste des produits financiers durables chez Novethic. Or, aujourd'hui, l'offre hétéroclite reste très peu lisible et les besoins en formation sont énormes, car "on ne vend pas des fonds durables de la même manière que les fonds classiques. Cela nécessite tout un bagage", souligne Anne-Catherine Husson Traore.

Les fonds thématiques plus lisibles mais plus risqués

"Le label ISR souffre d'une mauvaise compréhension", reconnaît la directrice générale de Novethic. Son taux de notoriété serait même inférieur à 10%. "Quel est le concept vendu derrière ce label ? Il y a un vrai problème de marketing", ajoute-t-elle. Créé en 2016 par le ministère des Finances, à la suite des Accords de Paris sur le Climat, le label ISR vient garantir la qualité des process d'analyse ESG mais ne vient pas attester une certaine composition du fonds. "C'est l'un des derniers labels où il n'y a aucune exclusion", souligne Anne-Catherine Husson Traore, qui se montre favorable à son évolution pour l'adapter aux transformations du marché. Total est ainsi présent dans environ 20% des fonds labellisés ISR.

A côté des fonds ISR, les fonds thématiques, dédiés à la réinsertion des personnes handicapées ou au financement des entreprises exclusivement dirigées par les femmes par exemple, apparaissent beaucoup plus compréhensibles. Avec eux, il est plus facile de répondre à une question fondamentale: où va mon épargne ? "Les fonds thématiques sont les plus parlants pour les particuliers mais ils ne sont pas diversifiés et donc plus risqués", nuance toutefois la dirigeante de Novethic.

Juliette Raynal

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Commentaires 3
à écrit le 13/02/2020 à 13:21
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Epargne durable Ce n'est pas la principe de l'épargne?

à écrit le 13/02/2020 à 10:40
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Combien d'épargnant sont ils dans la confidence? Heureusement qu'un marketing les renseigne pour verdir leurs actions et leurs consciences! Mais tout cela ne génère pas plus de confiance dans l'avenir puisque il est "toujours" question d'épargner "to...

à écrit le 13/02/2020 à 8:53
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"Le commerce est l'école de la tromperie" Machiavel Alors sachant que la finance n'en est qu'un enfant de ce commerce...

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