Finance durable : un compromis d'attente sur la liste des actifs verts

A l'issue des réunions tripartites entre la Commission, le Parlement, le Conseil européens, un accord a été trouvé sur la taxonomie des activités économiques estampillées durables, avec des catégories intermédiaires "facilitatrices" et de "transition". Le charbon est explicitement exclu, le nucléaire et le gaz seront soumis à une évaluation d'ici à 2021.
Delphine Cuny
(Crédits : EU)

[Article mis à jour à 16h30]

Soulagement à Bruxelles jeudi soir. Une ultime séance des « trilogues », ces réunions tripartites entre la Commission, le Parlement et le Conseil européens, a abouti un accord sur la classification ou « taxonomie » des actifs verts, qui a fait l'objet d'âpres discussions entre Etats membres. Le commissaire européen aux services financiers, Valdis Dombrovskis, s'est dit « ravi que nous ayons pu parvenir à ce compromis ». Les pro et les anti-nucléaires notamment s'étaient écharpés sur le sujet.

« Cette taxonomie - compréhension partagée, classification et définitions des activités économiques vertes - est fondamentale pour toutes les politiques du Green Deal. Elle aidera à définir ce qu'est réellement l'investissement vert et aidera à lutter contre le greenwashing ("faux vert", si vous préférez) » a expliqué le commissaire letton sur son compte Twitter.

En attendant d'être formellement adopté par les Etats membres et le Parlement européen d'ici à la fin de l'année, l'accord n'est pas public. Mais plusieurs eurodéputés et des ONG en ont dévoilé certains aspects.

« Bien que ce ne soit pas encore la taxonomie complète que nous demandons, les négociateurs ont le mérite d'avoir trouvé des compromis équilibrés sur des questions épineuses telles que la transparence », a réagi Sébastien Godinot, économiste au bureau de politique européenne du WWF.

La barre trop haute pour le nucléaire ?

Lorsque cette taxonomie entrera en vigueur, les produits financiers devront indiquer la part des activités « durables », « de transition » ( « sans alternative zéro carbone à ce jour, comme l'acier » indique le WWF) et « facilitatrices » (telles que la fabrication d'éoliennes). Cette règle de transparence s'appliquera à tous les produits financiers : ceux qui ne sont pas verts pourront s'en exclure en publiant un avertissement. Cette obligation de publier la part des activités durables s'appliquera aussi aux très grandes entreprises (cotées en Bourse ou de plus de 500 salariés).

Le charbon est explicitement exclu de la liste des activités durables. En revanche, le compromis a porté sur le nucléaire, que la France, notamment, voulait inclure, et le gaz, poussé par l'Allemagne : des seuils (d'émissions de CO2 notamment) vont être définis qui serviront à classer ce type d'activités (dans la catégorie de transition par exemple). Le Groupe d'experts techniques (TEG) mis en place par la Commission avait estimé dans son rapport en juin qu'il était « impossible de conclure que la chaîne de valeur de l'énergie nucléaire ne porte pas préjudice à d'autres objectifs environnementaux à l'échelle de temps considérée » et donc de l'inclure « à ce stade » dans la taxonomie. Ce principe appelé « do not harm » (« absence de préjudice ») rend les députés écologistes optimistes.

« Les obstacles pour le nucléaire sont fixés tellement haut qu'il ne pourra pas trouver sa place dans les produits financiers durables. Le non au charbon et le non de facto au nucléaire sont essentiels au succès futur des produits financiers durables et à la confiance des investisseurs », a commenté Sven Giegold, eurodéputé vert allemand.

Une étude sera réalisée d'ici à 2021 pour évaluer s'il faut inclure des activités non durables. Le secteur financier fait valoir qu'il faut accompagner la transition de certains acteurs, entreprises et pays, et les encourager à faire des efforts pour réduire leurs émissions de CO2. A titre d'exemple, la banque Natixis a élaboré sa propre taxonomie de sept nuances du brun au vert, où le nucléaire est noté gris neutre, le gaz entre le brun et le gris

Lire aussi : Pour décarboner son bilan, Natixis s'applique un bonus-malus

L'association européenne de la gestion d'actifs (Efama) a réagi vendredi après-midi en soulignant la nécessité de disposer des bonnes informations de la part des entreprises pour que les sociétés de gestion puissent tenir leurs obligations de transparence.

« Une taxonomie de l'UE bien conçue est nécessaire pour clarifier ce qui constitue des investissements durables, améliorer la comparabilité pour les investisseurs et empêcher le greenwashing. Des informations ESG [environnementales sociales et de gouvernance, ndlr] fiables et accessibles au public sur les sociétés faisant l'objet d'un investissement sont une condition préalable au bon fonctionnement de la taxonomie de l'UE, en particulier compte tenu de l'étendue des obligations de divulgation élargies à tous les produits financiers. Il est donc essentiel que les sociétés faisant l'objet d'un investissement soient tenues de divulguer toutes les données clés nécessaires pour évaluer l'investissement par rapport à la taxonomie de l'UE » insiste l'Efama dans un communiqué.

Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 07/12/2019 à 10:50
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La finance "durable" c'est toujours faire travailler l'argent a notre place pour uniquement générer plus de cash inutile!

à écrit le 06/12/2019 à 14:45
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"Du brun au vert" Ca promet... -_-

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