Procès Kerviel : "Comment un trader peut-il supporter de gagner 1,4 milliard ? "

La sixième journée du procès en appel de Jérôme Kerviel a commencé ce jeudi 14 juin. A la barre : Philippe Houbé, le fameux témoin de la défense qui accrédite la thèse du complot ...
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16h. « Comment un trader peut-il supporter de gagner 1,4 milliard ? »

La cour entend à présent en qualité de témoin, cité par l'Avocat général, Jean-François Lepetit, ancien président de la Commission des opérations de Bourse (COB), créateur de l'Autorité des marchés financiers (AMF), administrateur de BNP Paribas, chargé de mission au ministère de l'Economie et des Finances en 2008.

L'Avocat général : Etait-il nécessaire que la Société Générale déboucle les 50 milliards d'euros de positions acheteuses de Jérôme Kerviel, en janvier 2008 ? Pourquoi ?
JFL : C'était une situation mortelle. Il n'y avait pas une seconde à perdre pour liquider une position de ce genre. 50 milliards d'euros, c'est une très très grosse position. Raison de plus si le marché n'était pas bon. Si les hedge funds (fonds spéculatifs) ont connaissance que vous avez une très grosse position à dénouer, vous êtes dans une situation mortelle.
Mireille Filippini, présidente de la Cour d'appel : Donc la Société Générale n'a pas eu tort de faire cela et de n'en parler à personne avant d'avoir débouclé ? Qu'auriez-vous fait à sa place ?
JFL : J'aurais vendu la position de 50 milliards d'euros dès le lundi matin, dans la confidentialité. Si la Société Générale ne l'avait pas dénouée tout de suite, de plus dans un marché défavorable, elle aurait pu perdre beaucoup plus (que les 4,9 milliards d'euros perdus ; Ndlr). Le débouclage de la position de 50 milliards d'euros de Kerviel a sûrement beaucoup fait varier le marché mais il n'y avait pas d'autre solution.
Me Veil, avocat de la Société Générale: On a beaucoup dit que la banque connaissait les positions de son trader en 2007 (30 milliards d'euros à deux reprises). Pensez-vous que celui soit vrai ?
JFL : Je ne l'imagine pas. Je n'imagine pas que la hiérarchie d'une salle des marchés accepte qu'un trader prenne des positions aussi importantes. On ne joue pas avec cette dynamite qu'est le risque de marché.
Me V. : à la fin du premier trimestre 2007, Kerviel a engagé 30 milliards d'euros et a une perte latente de deux milliards. Pensez-vous que la Société Générale, si elle avait eu connaissance des agissements de son trader, aurait délibérément présenté des comptes faux à ses actionnaires, au marché, au premier semestre 2007 ?
JFL : Cela ne me paraît pas très réaliste.
Me Reinhart, avocat de la Société Générale : La défense dit qu'il y a eu une machination dont M. Kerviel a été victime. Pourquoi un trader, métier que vous avez exercé, se met à prendre des positions extravagantes, à sortir de son métier normal ?
JFL : C'est une question difficile. C'est assez rare car les traders sont bien formés. Dans les débuts de leur carrière, on apprend la discipline. En revanche, le middle-office (d'où vient Jérôme Kerviel) ne donne pas une formation particulière au front-office (les traders). Quand un trader diverge, neuf fois sur dix, c'est parce qu'il a dépassé les limites imposées, a commencé à perdre de l'argent, et veut se rattraper, comme un joueur.
Me R. : Pensez-vous que Kerviel a voulu détruire son gain de 1,4 milliard d'euros, comme une montre très chère qu'on a volée mais qu'on n'ose pas porter ?
JFL : Lorsque cette affaire est sortie, je me suis demandé comment un trader pouvait supporter d'avoir gagné 1,4 milliard d'euros. Cette somme est très considérable car aucun desk, dans son ensemble, ne peut réaliser pareil profit.
Me Koubbi , avocat de Jérôme Kerviel: Vous êtes cité comme témoin par l'avocat général, un ancien de l'AMF. Avez-vous travaillé avec lui sur le dossier Kerviel ?
JFL : Non, j'ai travaillé avec lui, mais de 2002 à 2004.
Me K. Les autorités bancaires de tutelle étaient-elles au courant des déboires de la Société Générale, en janvier 2008 ?
JFL : Je le pense.
Me K. : Faisait-il partie des attributions de ces autorités de ne pas signifier les déboires de la Société Générale aux plus hautes autorités de l'Etat, à savoir Bercy et Nicolas Sarkozy, président de la République en 2008?
JFL : Je n'ai aucune information sur ce sujet.
Me K. : Le rapport de la Commission bancaire sur l'affaire Kerviel a été dressé sur la base des données de l'Inspection générale de la Société Générale ? Y voyez-vous un problème ?
JFL : Pas du tout car l'inspection générale est indépendante des métiers de la banque.
Me K. : Ne regrettez-vous pas que les limites posées aux traders ne soient pas formalisées ? N'est-ce pas très dangereux ?
JFL : Je ne crois pas un seul instant que M. Kerviel ne connaissait pas ses limites.
Me K. : Si on transposait les défaillances des contrôles de la Société Générale à une centrale nucléaire, que se passerait-il ?
JLF : Je ne suis pas compétent pour répondre à cela.

14h40. « Il n'était plus au contact des réalités »

11h50. « On veut nous faire croire que la Société Générale gagne des milliards sans s'en rendre compte ? » ...

Retrouvez l'intégralité de cette sixième journée d'audience, les clés pour comprendre le procès (les noms des protagonistes et les explications techniques) et plus encore dans notre dossier spécial sur l'affaire Kerviel. 

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Commentaires 3
à écrit le 14/06/2012 à 19:29
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JFL n a aucune compétence de marché pourquoi est i interrogé? la seule solution la position aurait du etre hedgée pour etre delta neutre avant d etre débouclée Apres 10 mn les contrepartistes on t compris et joué la position comme pour la baleine d...

le 14/06/2012 à 20:04
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Parce que la pacquage n'était pas débouclé et le desk hedgée. Sauf à compenser, la position était intenable..

à écrit le 14/06/2012 à 19:28
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Les pratiques douteuses sont habituelles et même conseillées dans le milieu bancaire. Cependant, il arrive que le système dérape. Dès lors tous s'insurgent, se parjurent, se calomnient, sans aucun scrupule.

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