
Tout va bien. Face à une avalanche de mauvaises nouvelles - une guerre qui se prolonge en Europe, une économie mondiale au bord de la récession, une chute des marchés dans une forte volatilité - le superviseur français du secteur financier se veut rassurant. Pourtant, la Banque centrale européenne a une nouvelle fois adressé une mise en garde aux banques européennes, jugeant notamment leurs prévisions économiques bien trop optimistes.
Après une année 2021 exceptionnelle, « la situation s'est considérablement modifiée en 2022 et il faut être vigilant », reconnaît Dominique Laboureix, secrétaire général de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), en charge de la supervision du secteur financier en France, avant de mettre en avant la solidité du secteur en France, en particulier sur le niveau de solvabilité, tant pour les banques que pour les assureurs.
Résilience face aux chocs
« Il n'y pas aujourd'hui de signal d'alerte sur un risque systématique. Une succession d'événements très divers, comme la crise de l'énergie, créé des situations de tensions, mais pour l'instant la capacité de résistance de notre système financier aux chocs est forte », poursuit le superviseur, lors de la présentation du rapport 2021 sur les chiffres du marché français de la banque et de l'assurance. « Nous avons un système financier robuste qui est prêt à faire face aux incertitudes à venir », insiste-t-il.
Toutefois, les « points de vigilance » ne manquent pas. Et en premier lieu, celui de l'évolution du risque de crédit. « La remontée rapide des taux peut créer des chocs de solvabilité chez certains emprunteurs », indique Dominique Laboureix, alors même que la récession menace en zone euro, et même au niveau mondial. Pour l'instant, rien d'alarmant, estime le superviseur. Au premier semestre 2022, le coût du risque a bien augmenté de 17 % à 5 milliards d'euros (contre 4,2 milliards un an plus tôt), mais il reste « modéré », selon Emmanuelle Assouan, directrice générale déléguée de l'ACPR.
Coût du risque en hausse
Il est vrai que ce coût du risque part d'un niveau exceptionnellement bas en 2021 et que les banques n'ont guère entamé leurs stocks de provisions constitués en 2020. Pour rappel, les créances douteuses représentaient, en 2021, moins de 3 % des encours de crédit, ce qui est très faible. Donc rien d'anormal à ce que ce coût du risque augmente en 2022 et 2023. Les résultats des banques au troisième trimestre donneront une projection plus fine.
Les risques opérationnels, notamment le risque cyber, sont également scrutés avec soin par le régulateur en cette période de fortes turbulences. « Nous n'avons pas constaté de gros incidents (de risque cyber) au cours des derniers mois, mais il y en a eu... », glisse Dominique Laboureix.
Enfin, une brusque remontée des taux entraîne toujours des chocs imprévus dans le système financier. La crise sur la dette britannique, qui a contraint la Banque d'Angleterre à intervenir, en est un exemple. La gestion des fonds de pension, pour le moins contraire à tous les principes de saine gestion (faible diversification du risque, couverture excessive) n'avait pourtant pas suscité auparavant de remarques particulières du superviseur britannique.
Pas d'inquiétudes sur les dérivés de crédit
Alors que les banques françaises sont de gros opérateurs sur les dérivés de crédit, là aussi le superviseur se veut rassurant. Tout d'abord parce qu'il n'existe pas en France de situation comparable à celle du Royaume-Uni. Ensuite, parce que les superviseurs sont très vigilants sur l'utilisation des dérivés depuis la crise financière de 2008. Et, enfin, « parce que les expositions nettes des banques françaises sur les dérivés sont assez limitées », remarque Laurent Clerc, directeur des études à l'ACPR. « Nous l'avons constaté cet été avec des chocs très violents sur les acteurs de l'énergie, confrontés à des appels de marge très importants et où les banques ont plutôt joué un rôle de stabilisation », précise-t-il.
Cette hausse des taux ne provoque pas non plus d'inquiétude du superviseur sur l'équilibre des fonds euros de l'assurance-vie. « Nous n'avons pas constaté de mouvements de rachats massifs », souligne Dominique Laboureix, qui insiste cependant sur l'importance du lien de confiance des ménages à l'égard de l'assurance-vie qui n'a finalement pas vraiment de concurrent comme placement financier, hormis les actions.
« Il n'y pas d'incitation immédiate à retirer des capitaux du fonds euros pour le placer ailleurs. Le rendement est attaqué par la hausse des taux mais certains assureurs pourraient utiliser la provision pour participation aux bénéfices (PPB, qui doit être consommée au bout de huit ans, NDLR) pour gérer la rémunération du fonds euros dans le temps et préserver ainsi la relation de confiance avec les assurés », suggère le superviseur.
La confiance est sans doute le maître mot de cette crise qui ne s'exprime pas encore. C'est la grande différence avec 2008. La bonne santé des banques (et des assureurs) est aujourd'hui une force de rappel capital pour éviter que la situation ne tourne vraiment au vinaigre.
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