Economie mondiale : pour le FMI, « le pire est à venir »

Le Fonds monétaire international a abaissé de 2,9% à 2,7% sa prévision de croissance mondiale pour 2023, justifiée par l'intégration des tensions liées à la guerre en Ukraine, à l'inflation et à la remontée des taux d'intérêt. Il avertit que la situation internationale pourrait nettement se dégrader. Pour 2022, il table toujours sur une croissance de 3,2%.
(Crédits : Reuters)

C'est un sombre scénario qu'évoque le Fonds monétaire international (FMI) dans ses nouvelles « Perspectives économiques mondiales », publiées ce mardi. Il prévoit qu'un tiers environ de l'économie mondiale va probablement se contracter en 2023. « Les trois plus grandes économies, les Etats-Unis, la Chine et la zone euro, vont continuer de caler », a déclaré son économiste en chef, Pierre-Olivier Gourinchas, dans un communiqué. « En bref, le pire reste à venir et pour beaucoup de gens, 2023 sera vécue comme une récession », affirme-t-il.

Le FMI prévoit un ralentissement de la croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial à 2,7% l'an prochain, contre 2,9% prévu en juillet, en raison de l'impact de la hausse des taux sur l'économie américaine, de l'envolée des prix du gaz en Europe et de la persistance en Chine des restrictions sanitaires comme des difficultés de l'immobilier.

Pour cette année, il maintient sa prévision à 3,2%, la croissance meilleure qu'attendu en Europe permettant de compenser le ralentissement américain. Mais ce chiffre traduit un ralentissement marqué après le rebond de 6% dont a bénéficié l'économie mondiale l'an dernier.

Aux Etats-Unis, la croissance ne devrait être que de 1,6% cette année, soit 0,7 point de pourcentage de moins que prévu en juillet, après la contraction inattendue du PIB au deuxième trimestre. Pour 2023, le Fonds maintient son estimation de croissance à 1% seulement. Un responsable du Trésor américain a déclaré avant la publication de ces chiffres que l'économie des Etats-Unis restait « assez résistante, même face à d'importants vents contraires ».

En zone euro, la croissance est prévue à 3,1% cette année, et 0,5% en 2023. La France, elle, devrait voir son activité progresser de 2,5% cette année, et de 0,7% l'année prochaine. Les pays de l'Union européenne subissent une crise énergétique qui pèse sur leur activité, en raison des sanctions imposées à Moscou après sa décision d'envahir l'Ukraine en février. La Russie devrait voir son PIB se contracter de 3,4% cette année, et de 2,3% en 2023.

« Le ré-alignement géopolitique des approvisionnements énergétiques à la suite de la guerre de la Russie contre l'Ukraine est important et permanent. L'hiver 2022 sera difficile pour l'Europe, mais l'hiver 2023 sera probablement pire », alerte le Fonds.

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L'inflation, problème numéro un

Le FMI explique que ses prévisions restent dépendantes de la capacité des banques centrales à lutter contre l'inflation tout en évitant un resserrement excessif des politiques monétaires qui risquerait de précipiter l'économie mondiale dans « une récession grave inutile », de perturber les marchés financiers et de pénaliser les pays en développement. Il reconnaît néanmoins que la lutte contre l'inflation reste la première des priorités.

« La crédibilité chèrement acquise des banques centrales serait fragilisée si elles commettaient une nouvelle erreur de jugement sur la persistance obstinée de l'inflation », avertit Pierre-Olivier Gourinchas. « Cela se révèlerait encore plus dommageable pour la stabilité macroéconomique future », souligne-t-il.

La Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne (BCE) ont longtemps considéré l'accélération de l'inflation comme un phénomène « transitoire », ce qui a retardé le début de la remontée des taux d'intérêt.

Le FMI estime que l'inflation à l'échelle mondiale devrait culminer cette année au troisième trimestre, à 9,5%, avant de refluer à 4,7% d'ici la fin 2023.

Il souligne aussi qu'une « combinaison plausible de chocs » incluant un bond de 30% des prix du pétrole pourrait faire chuter la croissance à 1% l'an prochain, un niveau qui entraînerait une diminution des revenus réels des ménages.

Ce « scénario sombre » intègre aussi une baisse marquée des investissements dans l'immobilier en Chine, un resserrement important des conditions financières lié à de fortes dépréciations des monnaies émergentes et des tensions persistantes sur les marchés du travail. L'économie du géant asiatique devrait progresser de 3,2% cette année et rebondir à 4,4% en 2023.

Le FMI estime à 25% la probabilité que la croissance mondiale tombe l'an prochain sous 2%, une situation qui n'a eu lieu qu'à cinq reprises depuis 1970, et à 10% celle d'une contraction du PIB mondial.

Les effets pénalisants de l'appréciation du dollar

Les chocs potentiels évoqués par le Fonds pourraient prolonger la phase actuelle d'inflation élevée, et donc sans doute l'appréciation du dollar, déjà au plus haut depuis le début des années 2000 face aux autres devises. Or, selon le FMI, une telle situation pénaliserait particulièrement les pays émergents car un dollar durablement fort accroîtrait le risque de défaut de certains de ces pays sur leur dette.

L'allègement de la dette des pays émergents devrait être l'un des principaux sujets de discussions lors des réunions du FMI et de la Banque mondiale qui débutent ce mardi à Washington. Pour Pierre-Olivier Gourinchas, les pays émergents doivent désormais se préparer à des temps difficiles.

Pour la plupart d'entre eux, a-t-il ajouté, la meilleure des stratégies doit conjuguer une politique monétaire donnant la priorité à la stabilité des prix, un ajustement des monnaies et « la préservation de réserves de change importantes en prévision du moment où les conditions financières empireront réellement ».

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