Le marché du crédit immobilier serait-il en train de changer de nature ? Les premiers signaux d'une transformation profonde du marché, sur fond de hausse des taux, d'incertitudes économiques et de contraintes imposées aux banques en matière d'octroi de crédit, semblent se confirmer mois après mois.
Selon la dernière étude de l'Observatoire Crédit Logement/CSA, la hausse sur les crédits immobiliers s'est brusquement accélérée en mai. Le taux moyen (hors assurance et sûretés) atteint ainsi 1,38%, contre 1,28% en avril, avec une durée moyenne des prêts plus longue de deux mois à 240 mois. Ce taux moyen frôle les 1,5% sur les crédits de plus de 25 ans.
Au total, souligne l'Observatoire, la progression des taux et nettement plus rapide depuis trois mois, de 32 points de base depuis décembre 2021, une hausse qui reste cependant nettement inférieure à celle de l'inflation (+139 points de base) ou de l'OAT à dix ans (+146 points de base). En clair, les banques se sont attachées à amortir le choc de la hausse des taux sur leur offre de crédit. La totalité des emprunteurs bénéficient donc toujours de taux de crédit très largement inférieurs à l'inflation, une situation inédite depuis la fin des années cinquante.
Taux d'usure dans le collimateur
Les banques sont également bridées dans leur capacité à augmenter leurs barèmes par le taux d'usure, actuellement de 2,40 % sur les crédits de plus de 20 ans. Révisé chaque trimestre par la Banque de France sur la base du taux moyen effectif pratiqué par les banques lors du trimestre précédent, intègre le prix de l'assurance emprunteur, ce taux d'usure limite d'autant lplus la possibilité de hausse pour les banques, à moins d'exclure du crédit immobilier les dossiers les plus fragiles. Entre la « vente à perte » (coût du risque et coût du refinancement) et le taux d'usure, la marge de manœuvre des banques est de plus en plus étroite.
C'est d'ailleurs ce que dénoncent certains banquiers et courtiers qui prônent une réforme du taux de l'usure. Selon l'agence AEF, Bercy ne serait pas fermé à l'idée d'une évolution législative et le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a reconnu mardi, lors de la présentation du rapport annuel de l'ACPR, que « le sujet est plus sensible dans la phase de retournement des taux que nous vivons actuellement ». Certains professionnels avancent notamment la proposition d'exclure le coût de l'assurance-emprunteur du calcul du taux de l'usure.
Effet d'éviction
Pour l'Observatoire, l'allongement de la durée moyenne d'un crédit (à 20 ans) - deux tiers des crédits accordés sont d'une durée supérieure à 20 ans - a permis d'amortir à la fois l'augmentation des prix de l'immobilier mais aussi la contrainte imposée aux banques de respecter un taux d'effort (remboursement sur revenu) des nouveaux emprunteurs sous le seuil des 35%. Mais, souligne l'Observatoire, le marché du crédit immobilier continue de se dégrader, surtout depuis le début de la guerre en Ukraine.
Sur trois mois glissants (mars à mai), la production a chuté de 14 %, en volume et en valeur. Le nombre de prêts retrouve son niveau de septembre 2020 (en première sortie de confinement) ou du printemps 2015. En mai, le nombre de crédits a même chuté de 27% en glissement annuel (-20% pour la production).
Hausse de la part des ménages aisés
« Depuis mars, la transformation des clientèles est plus marquée (...) et la part des ménages aisés se renforce », indique l'Observatoire dans sa note. Ainsi, le coût moyen d'une opération immobilière augmente fortement (de 8,4% depuis le début de l'année, en glissement annuel).
Autrement dit, les ménages les plus modestes voient les portes du crédit immobilier se refermer alors que les projets immobiliers des ménages les plus aisés sont de plus en plus chers. Un effet d'éviction que contestent les pouvoirs publics et la Banque de France, du moins comme conséquence de la réglementation du Haut conseil de stabilité financière (HSCF). Même sur la question du taux d'usure, le gouverneur de la Banque de France ne voit pas encore « d'évidence ».
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