
La menace apparaît suffisamment sérieuse pour mobiliser le ban et l'arrière-ban de l'industrie financière française. Dans un communiqué commun, publié ce lundi 5 juin, pas moins de 19 associations professionnelles, dont la Fédération bancaire française (FBF), l'Association française de la gestion financière (AFG) et France Assureurs, ont exprimé leur « grande inquiétude » sur le texte de la Commission européenne, divulgué le 24 mai, relatif au projet de directive Retail Investment Strategy (RIS).
L'objectif affiché de cette directive est de donner aux investisseurs particuliers les moyens de prendre des décisions d'investissement en fonction de leurs besoins et de leurs attentes, tout en les protégeant contre des tarifs abusifs ou d'éventuels conflits d'intérêt. Elle complète ainsi toute une série de réglementations européennes encadrant déjà la distribution de produits financiers, avec notamment la notion de « devoir de conseil » ou d'information sur les produits.
Rétrocommissions maintenues
Les discussions sur ce texte ne sont pas nouvelles et l'industrie financière européenne avait, semble-t-il obtenu gain de cause de Bruxelles pour éviter « la » mesure révolutionnaire : l'interdiction des rétrocommissions. Ces rétrocommissions sont généralement versées par le producteur d'un produit financier (gestionnaire d'actifs) au distributeur et elles sont ainsi défalquées de la performance globale. Pour les partisans des rétrocommissions, elles permettent de financer le conseil sans facturer des honoraires au client final.
Pour ses détracteurs, c'est un système de rémunération opaque et qui limite de surcroît la diffusion auprès du public les produits de gestion indicielle, dont les commissions sont très faibles (entre 0,1 et 0,2% contre en moyenne 2% pour la gestion active). En clair, les rétrocommissions permettraient surtout à un écosystème de vivre sur le dos des épargnants.
Un discours qui commence à faire mouche auprès de la classe politique et des superviseurs, comme en témoignent tous les efforts des autorités pour imposer davantage de transparence sur les frais des unités de compte dans les contrats d'assurance-vie.
Value for Money
Reste que le diable est toujours dans les détails. A la publication du texte de la Commission - « il nous aura fallu pas moins de huit juristes pour en comprendre tous les détails », avance avec ironie un représentant d'une association professionnelle - les professionnels estiment que les dispositions visant à encadrer les rétrocommissions les rendait en pratique « inapplicables », notamment pour les comptes-titres et l'assurance-vie. « En l'état, cela entraînerait la quasi-suppression du modèle fondé sur les commissions », prévient le communiqué, « privant les épargnants les plus modestes d'accès au conseil et privant également de nombreux épargnants de produits financiers ».
Beaucoup de professionnels en France avancent l'exemple des Pays-Bas où les rétrocommissions sont interdites avec pour conséquence, un conseil systématiquement facturé et une offre de produits raréfiée et quasi-exclusivement composée de produits indiciels.
Le communiqué précise ainsi qu'il est prévu dans le texte « de nombreuses dispositions extrêmement contraignantes », avec notamment « un véritable contrôle des prix sur un marché aujourd'hui très concurrentiel ». La Commission européenne a également introduit un nouveau concept, Value for Money, très inspiré de la réglementation britannique, et qui vise à introduire la notion de qualité/prix dans l'univers de la finance.
Une approche à laquelle les associations professionnelles ne sont pas forcément opposées mais pas à n'importe quelle condition (notamment élargir la comparaison sur des éléments qualitatifs et non pas uniquement le prix du produit). En fait, la Commission européenne semble lancer une nouvelle croisade sur la tarification des produits financiers - qu'elle juge manifestement trop élevée en Europe - à l'image de son combat dans le domaine des paiements, notamment transfrontaliers ou instantanés.
Ce texte de la Commission européenne sera soumis à consultation jusqu'au 25 juillet. Il devra passer ensuite entre les mains du Conseil européen et du Parlement européen. Les débats ne font donc que commencer.
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