Epargne : 2022 signe le retour en grâce des livrets réglementés

Le taux du Livret A va doubler pour atteindre 2% à partir du 1er août et il devrait à nouveau augmenter l’an prochain, selon la Banque de France. Ce niveau de rendement devrait, selon l’Observatoire de BPCE, accélérer les arbitrages des Français en faveur des livrets réglementés, au détriment des dépôts à vue, et sans mordre sur l’assurance-vie, le tout dans un contexte où le taux d’épargne restera élevé.
Le taux d'épargne des Français va rester à un niveau élevé, supérieur à celui d'avant la crise sanitaire.
Le taux d'épargne des Français va rester à un niveau élevé, supérieur à celui d'avant la crise sanitaire. (Crédits : DADO RUVIC)

L'inflation grimpe, le moral des ménages baisse. « Le sentiment de dégradation du pouvoir d'achat est plus fort que pendant la crise des gilets jaunes en février 2019 », remarque Alain Tourdjman, directeur des études économiques & prospective de BPCE lors de la présentation de la dernière édition du baromètre BPCE-Audirep sur les Français et l'épargne.

A cette perception négative s'ajoutent des préoccupations de plus long terme, comme la succession de crises à venir, une remontée anticipée des impôts ou la réduction du niveau de protection sociale, notamment la retraite. Le comportement de consommation commence à s'en ressentir, selon l'économiste, avec une capacité à épargner plus faible même si l'aspiration à épargner « reste forte ». Et ce pessimisme est « en train de se diffuser des catégories les plus modestes aux classes moyennes ». Bref, le tableau que dresse BPCE du comportement des Français face à l'inflation est plus que morose.

« L'inflation joue un rôle important sur l'épargne, du moins tant que cette inflation reste en-dessous d'un certain seuil, estimé entre 8 à 10% », avance Alain Tourdjman. Au-delà, l'effet « fuite devant la monnaie » domine et les ménages préfèrent consommer tout de suite plutôt que d'épargner. Pour l'heure, les Français ne semblent pas prêts à consommer leur « surépargne » accumulée en 2020 et 2021, un surplus largement concentré (70%) sur les 20% des ménages les plus aisés.

Tassement des flux de placements financiers

Selon les prévisions de BPCE, le taux d'épargne devrait donc rester à un niveau élevé en 2022, à 16%, certes loin derrière le pic du confinement de 2020 (27%) mais toujours supérieur à celui d'avant crise sanitaire (15%). Toutefois, le recul du pouvoir d'achat conduit à recul des flux de placements financiers (différence entre versements et remboursements, hors capitalisation des intérêts et valorisation boursière), estimés à 89 milliards d'euros en 2022 et 66,7 milliards en 2023 (contre 111 milliards en 2021). Ces montants fléchissent mais demeurent à des niveaux élevés, supérieurs à la moyenne de 44 milliards sur longue période (1993-2011).

Toutefois, note l'Observatoire, les Français ne savent pas trop comment réagir pour protéger leur épargne face à l'inflation. « Nous voyons une grande perplexité des ménages quant à la façon d'apprécier l'impact de l'inflation et la remontée des taux de l'épargne réglementée. Les repères sont brouillés et cela rend difficile la compréhension de ce qui est en train de se passer », estime Alain Tourdjman. La collecte de l'épargne est toujours tirée par les dépôts à vue et les livrets, surtout le Livret d'épargne populaire (LEP). L'assurance-vie se porte bien également, soutenue à la fois par la croissance rapide des plans d'épargne retraite (PER) et les unités de compte (UC) qui se substituent progressivement à la détention de titres via un compte-titres.

Mais le doublement, à partir du 1er août, du taux du Livret A à 2%, et surtout celui du Livret d'épargne populaire (LEP) à 4,6%, un niveau proche de l'inflation, pourrait changer la donne et enclencher des arbitrages plus massifs des dépôts à vue vers les livrets. La première hausse n'a pas eu vraiment d'impact sur les arbitrages, même si elle a donné un coup de fouet à la collecte sur le Livret A en février et mars. Pour le reste, pas de changement majeur dans le comportement d'épargne des Français.

D'une façon assez constante, le taux incitatif, à partir duquel les Français se déclarent intéressés pour réorienter leur épargne, est en effet compris entre 2 et 3%. Or, selon l'Observatoire, un tiers des Français déclare avoir des sommes inutilisées sur des dépôts à vue, un pourcentage qui grimpe à 49% pour les clients dits « patrimoniaux ».

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Un Livret A à 3 % ?

Le mouvement de remontée des taux ne fait que commencer. « Il se poursuivra en toute probabilité l'année prochaine », a prévenu François Villeroy de Galhau, gouverneur de la France, lors de la présentation, mardi dernier, du rapport annuel de l'épargne réglementée. Le taux du Livret A est revu tous les six mois, selon une formule qui repose sur la moyenne de l'inflation des six derniers mois et le taux interbancaire. Mais c'est Bercy qui décide en dernier ressort de l'appliquer strictement, ou de se donner une marge de manœuvre, à la hausse comme à la baisse. Cette décision reste donc avant tout politique.

La prochaine hausse est donc prévue le 1er février 2023. De combien ? Le gouverneur s'est bien gardé du moindre pronostic. Ce qui est certain est que la BCE va relever plusieurs fois ses taux directeurs d'ici là. Le scénario d'un livret A à 3% en 2023 n'est donc pas exclu si l'inflation devait se maintenir à un niveau élevé.

« Les arbitrages seront toujours guidé par la sécurité et la disponibilité, avec un déplacement relatif des dépôts à vue et de l'assurance-vie au profit des livrets, qui offrent de meilleurs rendements », estime Eric Buffandeau, directeur adjoint des Études chez BPCE. Ce déplacement pourrait ainsi se traduire, selon les calculs de BPCE, par 54,9 milliards de collecte nette sur les livrets fin 2022 (contre 46 milliards en 2021) au détriment des dépôts à vue et avec une forte accélération de la décollecte sur l'épargne logement.

L'assurance-vie serait peu touchée, ses ressorts restant inchangés. Un effet concurrence entre le fonds en euros et le Livret A pourrait simplement inciter les assureurs à doper le rendement du placement garanti pour éviter une trop forte déconnexion avec le marché. En encore, les prévisions ne prennent pas en compte le potentiel de collecte sur le LEP, toujours largement sous-utilisée (Bercy prépare une campagne de sensibilisation sur ce produit) ou les effets d'offre sur les autres livrets. 2023 pourrait donc bien être l'année des livrets d'épargne.

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Commentaires 4
à écrit le 21/07/2022 à 20:38
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Aucun intérêt de placer son argent dans un livret d'état au dividende social négatif (cf. hébergement de sonacs).

à écrit le 21/07/2022 à 12:09
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l'état vampirise l'épargne des français pour construire du logement social... ces livrets ne sont que des taxes déguisées. A éviter de toute urgence

à écrit le 20/07/2022 à 22:11
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Une épargne à taux négatifs donc... bienvenu dans le monde des contorsionnistes du langage... On attend la femme à barbe (mam Lagarde) dans cette fête foraine, cette foire du trône... La suite ? le train fantôme...

à écrit le 20/07/2022 à 18:58
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Ces livrets d'épargne sont des livrets captifs qui peuvent être vider par la décision d'un seul, la confiance des Français est primordiale!

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