Zone euro : le spectre de la crise de 2011 fait paniquer la BCE

A quelques heures de la réunion du comité de politique monétaire de la Fed, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) s’est réuni en urgence face à l’envolée du taux de la dette italienne sur les marchés, ravivant le spectre de la crise de l’euro de 2011. La BCE a réaffirmé son message de la semaine dernière, à savoir son intention, si besoin, d’allouer des réinvestissements au soutien de la dette périphérique, et de créer un instrument spécifique, aux contours encore flous, pour lutter contre l’élargissement des écarts de taux au sein de la zone euro.
La BCE souhaite augmenter ses taux sans provoquer une fragmentation du marché de la dette souveraine en zone euro.
La BCE souhaite augmenter ses taux sans provoquer une fragmentation du marché de la dette souveraine en zone euro. (Crédits : Ralph Orlowski)

La séance de mardi avait tous les atours d'un beau krach obligataire en zone euro. Sous le poids des anticipations très agressives du marché sur les taux, à la veille d'une réunion (de tous les dangers) du comité de politique monétaire la Fédérale Réserve (FOMC), les taux souverains européens ont explosé, propulsant le taux du Bund allemand à dix ans au-delà des 1,7% (et le taux à deux ans proche de 1%) et l'OAT français au-dessus de 2,2%.

Mais c'est surtout le taux italien (l'Italie est un des principaux émetteurs en zone euro) qui a suscité toutes les inquiétudes : ce dernier s'est envolé au-dessus des 4 %, une première depuis 2014, creusant du coup le spread (écart de taux) avec le taux de référence allemand à plus de 200 points de base. Inacceptable pour la Banque centrale européenne qui fait de la lutte contre « la fragmentation » du marché européen de la dette souveraine (écarts trop importants entre les coûts d'emprunt des pays du Nord  les plus solides et ceux des pays du Sud de la zone euro, les plus fragiles) une priorité depuis la crise de la zone euro de 2011. Un écart qui empêche à la bonne application à l'économie de la politique monétaire.

La dette italienne ciblée

Certes, l'écart de 200 points de base est encore loin des 600 points de base atteints au plus fort de la crise de 2011. Mais l'alerte était suffisamment sérieuse pour contraindre la BCE à sortir du bois, surtout le jour de la réunion de la Fed tant attendue par les marchés. Réuni en urgence ce mercredi, le Conseil des gouverneurs s'est donc engagé « à agir contre la résurgence des risques de fragmentation », selon le communiqué diffusé par l'institut monétaire européen. Un message déjà martelé par Christine Lagarde, présidente de la BCE, lors d'une conférence de presse le 9 juin dernier.

Comme attendu, la BCE va donc « appliquer une certaine souplesse dans le réinvestissement des remboursements arrivant à échéance dans le portefeuille PEPP (le programme de la BCE de rachat d'actifs qui prend fin, NDLR) en vue de préverser le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire ». En clair, ces réinvestissements (la BCE n'est pas engagée dans une réduction de la taille de son bilan comme la Fed) seront ciblés sur la dette italienne, ou d'autres pays périphériques, pour réduire la pression. Le taux italien s'est aussitôt détendu pour repasser sous les 4%. Toutefois, le spread avec l'obligation allemande est resté peu ou prou inchangé.

Instrument anti-fragmentation

Pour éviter de tirer une cartouche à blanc, la BCE a surtout confirmé son intention de réunir « les comités compétents » de l'Eurosystème pour « accélérer l'achèvement de la conception d'un nouvel instrument anti-fragmentation qui sera soumis à l'examen du Conseil des gouverneurs ». Il s'agit de trouver un moyen pour lutter contre un élargissement des spreads en zone euro permanent.

« Bien que la conception de cet outil soit encore floue, l'annonce de sa mise en place devrait soulager quelque peu les marchés », estime dans une note Ulrike Kastens, économiste chez DWS. Mais, précise l'expert, cela devrait également offrir à la BCE une plus grande marge de manœuvre pour augmenter ses taux directeurs de manière plus agressive. Pour mémoire, la BCE devrait augmenter ses taux en juillet de 25 points de base, puis de 50 points de base, selon les anticipations du marché, en septembre.

Equation insoluble

De son côté, Franck Dixmier, responsable mondial de la gestion des taux chez Allianz GI, porte un regard sévère sur la communication de la banque centrale : « la BCE semble perdre ses repères. La convocation d'une réunion d'urgence à quelques heures du FOMC de la Fed, préemptant de fait l'attention des marchés, ne s'est en fait traduite par rien de nouveau par rapport à ce qui avait été communiqué la semaine dernière lors de son dernier meeting ». Beaucoup de bruit pour rien donc, et « une crédibilité qui n'en sort pas grandi ».

Pour autant, estime Laurent Denize, directeur des Investissements de Oddo BHF AM , « les banques centrales ne dévieront pas de leur objectif de casser dans l'œuf l'inflation et nous sommes dans une sorte de prise de conscience chez les investisseurs que le rythme d'inflation est et restera élevée ».

Les banques centrales devraient donc continuer de mettre en place leur politique monétaire restrictive. La Fed devrait annoncer ce soir une hausse de 75 points de base, comme le suggère ce matin le Wall Street Journal. La BCE est bien désormais dans la même épure, même si elle est partie très retard sur le cycle. Les anticipations de hausse des taux portent sur 125 à 150 points de base, qui va forcément se heurter avec le risque de fragmentation, un risque d'autant plus grand que le cycle de hausse est rapide. La BCE se trouve bien face à une équation insoluble.

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Commentaires 8
à écrit le 16/06/2022 à 4:59
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Le plan diabolique de cette guerre fabriquée en Ukraine porte ses fruits, le dollar restera la monnaie d'échange internationale, l'UE va s'enfoncer comme jamais dans la crise, les pipelines nord Stream sont fermés .Sauf que les chinois regardent et T...

à écrit le 15/06/2022 à 22:26
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L'Italie c'est une chose, la France une autre, hors cette dernière emprunte plus que l'italie... Pour rembourser la part de sa dette arrivant à échéance, L'état français emprunte de l’argent sur les marchés financiers notamment par le biais d’obligat...

le 16/06/2022 à 8:21
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La dette italienne est plus élevée que la dette française .. de plus l épargne des français - prise en compte dans les calculs des investisseurs = capacités de remboursements du pays, est 2 fois plus elevee que celle des ménage s italiens … en éco...

le 16/06/2022 à 8:24
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La dette italienne est plus élevée que la dette française .. de plus l épargne des français - prise en compte dans les calculs des investisseurs = capacités de remboursements du pays, est 2 fois plus elevee que celle des ménage s italiens … en éco...

le 16/06/2022 à 10:39
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@Brehat En valeur absolue la dette française a dépassé la dette italienne (2.800 milliards et 2.700 milliards). La valeur nette de la richesse privée des français (actifs financiers et non-financiers moins passifs financiers) est d'environ 13.000 m...

à écrit le 15/06/2022 à 21:00
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melenchon est content lui il veut 400 milliards de depenses en plus finacees par inflation payee par personne par les allemands, pas comme au VENEZUELA ou il n'y a pas d'allemand harengs pour payer l'addition ( ce qui prouve que le racisme est tolera...

le 16/06/2022 à 1:24
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c est 250 milliards c est pas 400 on vous a mandaté pour écrire des contre vérité .quand au reste quand on va vous présentez la note macron a payer en septembre celle-ci sera vraiment de droite libérale .

le 16/06/2022 à 8:34
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Avec vous les arrondis sont hyper inflationnistes… mais je suis d accord Une partie de ce que vous dites : Melenchon qui n a aucun fait d’ arme politique durant sa très très longue carrière d apparatchik du système politique français , va plomber...

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