Toujours plus. Les ménages continuent d'épargner à tout va, bien au-dessus de la moyenne historique. Certes, sur le premier semestre 2021, les flux d'épargne financière se normalisent progressivement alors que le crédit, notamment immobilier repart à la hausse. Mais le surplus d'épargne financière (par rapport à la tendance observée avant crise) reste élevé, de l'ordre de 40 milliards d'euros par trimestre en 2021. Au total, selon les estimations de la Banque de France, ce surplus d'épargne atteint, à la fin juin, quelque 157 milliards d'euros (111 milliards à la fin 2020).
Il devrait même atteindre son pic à la fin de l'année, selon Olivier Garnier, directeur des études à la Banque de France, « avant de se réduire progressivement à partir de 2022 ». Encore faut-il que le taux d'épargne passe en dessous de son niveau d'avant crise, autrement dit, que les Français puisent dans leur bas de laine. C'est (un peu) ce qu'ils commencent à faire, notamment pour des investissements liés à l'habitation (rénovation, équipement...).
C'est surtout un objectif pour les pouvoirs publics qui espèrent voir cette épargne accumulée se diriger (enfin) vers la consommation. Pour l'heure, ce surplus a davantage financé les déficits publics et, indirectement, les entreprises, via les mesures de soutien à l'économie.
Les dépôts à vue, grands vainqueurs
Les grands gagnants de l'épargne en ces temps de crise sanitaire ont bien été les dépôts bancaires, qui ont capté, l'an dernier, près de la moitié des flux d'épargne financière. Depuis la fin 2019, les encours des dépôts ont ainsi progressé de plus de 100 milliards d'euros. En gros, ce surplus d'épargne reste dans les dépôts bancaires, surtout les dépôts à vue. Une mauvaise nouvelle pour les banques qui doivent placer une partie de ces dépôts auprès de la banque centrale européenne à un taux négatif (malgré les mécanismes de compensation).
La place d'épargne réglementée est restée en effet stable dans le patrimoine financier des ménages, malgré l'effet surplus, autour de 15%. De fait, la normalisation des comportements d'épargne est encore très lente. Même le livret A, dont le taux de 0,5% est à son plancher réglementaire, continue pourtant de collecter, avec un encours qui atteint 344 milliards d'euros à la fin juillet (308 milliards à la fin décembre). Le livret A est même devenu le livret réglementé préféré des Français, devant le Plan d'épargne logement (PEL), qui plafonne autour de 290 milliards d'euros.
Les deux anomalies de l'épargne réglementée
Le succès du PEL est d'ailleurs une question qui devra se poser, un jour ou l'autre, aux pouvoirs publics. En effet, la rémunération moyenne des PEL ouverts avant 2011 atteint un taux « anachronique », selon l'expression d'Olivier Garnier, de 4,5%, ce qui pèse sur le bilan des banques. Ces PELs anciens, qui représentent un encours de 111 milliards d'euros, sont devenus des produits de placement, bien éloignés de leur vocation première de financement d'un achat immobilier.
Pour la Banque de France, le constat est clair, le coût plus élevé du passif des banques françaises par rapport aux banques allemandes s'explique pour partie par « l'effet PEL », ce qui renchérit le coût du financement à l'économie.
Une deuxième anomalie sur l'épargne réglementée concerne le livret d'épargne populaire (LEP), qui n'a toujours pas rencontré son public, malgré un taux supérieur à celui du livret A (et supérieur à celui de l'inflation). Un manque d'entrain à la commercialisation de ce produit, voire un défaut d'information des segments de clientèle concernés peuvent s'expliquer cet échec relatif.
Le retour de l'assurance-vie
Autre signe d'une normalisation de l'épargne, les flux nets vers l'assurance-vie, après une décollecte nette en 2020, retrouvent de la vigueur, comme en témoigne les derniers chiffres de collecte de la profession sur le mois de juillet, avec une collecte nette de 1,1 milliard et surtout de 2,7 milliards d'euros sur les fonds en unités de compte (UC), « un chiffre inégalé depuis 2007 », souligne la Fédération française de l'assurance (FFA).
La Banque de France a également noté ce mouvement de bascule, « de substitution », selon Olivier Garnier, de l'assurance-vie des fonds en euros vers les fonds en unités de compte, plus risqués et dont le capital n'est pas garanti. Le mouvement, engagé par les assureurs eux-mêmes depuis plusieurs années, semble brusquement s'accélérer depuis 2020.
Certes, en stock, les unités de compte pèsent que 20% de l'encours de l'assurance-vie mais le produit est en train de changer de nature. D'un produit simple et sécurisé, « l'assurance vie devient un produit plus sélectif et qualitatif, les assurés devant accepter une part de risque plus élevée », note ainsi Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne.
La faiblesse des taux d'intérêt et l'envolée de la Bourse y sont pour beaucoup. En cas de chute des marchés, l'appétit des assurés pour les unités de compte pourrait vite décroître. Mais les politiques commerciales des assureurs en faveur des unités de compte expliquent l'essentiel de ce virage.
Cette tendance en faveur des unités de compte est d'ailleurs soutenue à la fois par les transferts de contrats - longtemps un sujet tabou dans la profession et grandement facilité désormais par la loi Pacte - qui permettent d'augmenter sensiblement la proportion des UC dans les contrats, et par la mise en avant commercial des plans d'épargne retraite (PER), qui concentrent quelque 22 milliards d'encours, dont la moitié investi dans des unités de compte.
Sujets les + commentés