Assurance-vie : les contrats en unités de compte bondissent, mais sont-ils vraiment la panacée ?

Selon le dernier baromètre de l’épargne vie individuelle de Facts & Figures, la performance nette des unités de compte (UC) sur dix ans superforme de peu celles des fonds en euros. En cause, un empilement de frais de gestion qui grève la performance, surtout lorsque les UC optent pour une gestion prudente. Ce qui pose à nouveau la question de la transparence des frais et des pratiques commerciales des assureurs, souvent agressives, en faveur des UC. Décryptage.
Les Français restent attachés à l'assurance-vie, y compris en 2020, année de décollecte. En effet, le niveau des rachats est restée stable.
Les Français restent attachés à l'assurance-vie, y compris en 2020, année de décollecte. En effet, le niveau des rachats est restée stable. (Crédits : TONY GENTILE)

Depuis près d'un an, les contrôleurs de la direction des pratiques commerciales de l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de régulation), le gendarme des assureurs, arpentent les couloirs des assureurs de la place. Leur mission ? Bien vérifier que les professionnels respectent à la lettre leur devoir de conseil et de transparence dans la promotion qu'ils font depuis plusieurs années des Unités de compte (UC) dans les contrats d'assurance-vie.

Pour rappel, contrairement à un contrat dit "monosupport" où le capital est placé sur un fonds euro garanti, un contrat "multisupport" permet d'investir sur les marchés financiers et (ou) immobilier, et ce en utilisant des unités de compte, appelées "UC", qui sont des supports d'investissement (actions, obligations, produits monétaires...)- dans lesquels l'épargne du souscripteur est investie.

L'objectif du gendarme des assureurs est clair : éviter les dérapages qui pourraient entraîner l'épargnant non averti dans de sérieuses déconvenues, surtout en cas de retournement des marchés. Le régulateur regarde plus particulièrement comment sont construits les profils de gestion et les algorithmes qui permettent de segmenter les assurés en fonction du risque qu'ils sont prêts à prendre.

Chacun le sait désormais, dans un environnement de taux bas, les assureurs veulent limiter les souscriptions en fonds euros et assurer la promotion des unités de compte (UC). La bascule est particulièrement marquée depuis 2018 et elle s'accélère cette année avec la hausse des marchés actions. En mai 2021, le taux d'UC a atteint le niveau inégalé de 40 % de la collecte de l'assurance-vie, contre une moyenne 35% en 2020.

Hausse en flèche du taux d'UC dans la collecte

C'est un taux moyen qui reflète des situations contrastées selon la nature des contrats. Selon les données compilées par le cabinet Facts & Figures, dans la douzième édition de son baromètre de l'épargne-vie individuelle en 2020, le taux d'UC peut ainsi varier entre 24 % sur un contrat d'épargne « standard » (19.000 euros d'encours moyen) à 37% sur un contrat « patrimonial » (65.000 euros), voire dépasser les 40% sur un contrat « gestion privée » (195.000 euros).

Les assureurs misent également sur les nouveaux plans d'épargne retraite (PER), lancés en octobre 2019, dont le taux d'UC frôle désormais les 60% de la collecte. Le succès commercial est au rendez-vous. A la fin 2020, environ 4,5 millions de personnes avaient souscrit ce plan d'épargne, pour un encours de 32 milliards d'euros.

Au total, l'assurance-vie accélère sa mue : plus complexe, moins garantie, moins transparente sur les frais et, de plus en plus haut-de-gamme. La majorité de la collecte en 2020 (56%) est désormais assurée par la tranche des 10% des Français les plus riches.

« L'environnement a changé. Il faut cesser de comparer des époques qui ne sont plus comparables, notamment lorsque la dette de l'Etat était rémunérée à 2 ou 3%, voire plus », reconnaît Jean-François Garin, directeur général vie chez Groupama.

Mais, selon l'assureur, « la place relative de l'assurance-vie dans l'offre d'épargne est restée la même, c'est-à-dire un juste équilibre entre la sécurité et la performance ».

Un taux servi des fonds euros de 0,9% en 2021

Le discours des assureurs est répété à l'envi : pour assurer un rendement, il faut sacrifier de la sécurité du fonds en euros pour faire place aux unités de compte, plus diversifiées, notamment en actions. Les chiffres leur donnent raison, du moins sur la performance du fonds euros, qui pèsent toujours 75% de l'encours de l'assurance-vie.

Selon les calculs de Facts & Figures, le taux moyen des fonds en euros (épargne individuelle) a été de 1,08% en 2020 et il devrait tangenter les 0,9% en 2021. « Nous assistons à une convergence entre le taux servi sur le fonds en euros et le rendement glissant d'un portefeuille d'OAT (obligations assimilables du Trésor) à 10 ans, ce qui n'est guère étonnant car les assureurs limitent la collecte depuis plusieurs années. Si la tendance se poursuit, il pourrait y avoir un effet de relution avec un rendement du fonds en euros égal ou supérieur à celui d'un portefeuille d'OAT », constate Cyrille Chartier-Kastler, président de Facts & Figures.

Reste que la performance, nette de prélèvements sociaux, se rapproche de celle du Livret A. Exit donc les fonds en euros, dont la garantie en capital coûte si cher aux assureurs.

« Ce qui a vraiment changé en 2020, c'est la politique commerciale des assureurs sur la clientèle patrimoniale et privée : alors que les assureurs continuaient à servir traditionnellement des taux compétitifs sur les gros contrats, ils ont nettement réduit l'accès au fonds en euros l'an dernier », relève Cyrille Chartier-Kastler.

Des UC qui peinent à superformer le fonds en euro

Alors, la solution passe-t-elle par les UC ? Pour les assureurs, certainement. C'est moins évident pour les assurés. Selon Facts & Figures, sur les dix dernières années, la performance annuelle moyenne des UC, nette de frais, s'élève à 3,23 %, à comparer à 2,08 % sur le fonds en euros sur la période. «La prise de risque semble peu valorisée sur la période », résume Cyrille Chartier-Kastler. Certes, les moyennes n'ont pas grande signification, tant les écarts de performance peuvent être importants selon les UC et les classes d'actifs.

Mais le baromètre montre clairement que les UC les moins exposés au risque (gestion flexibles ou prudentes, gestions obligataires) peinent à superformer le fonds en euros, notamment en raison des frais de gestion élevés qui grèvent le rendement. En revanche, sans grande surprise, les classes d'actifs plus risquées (gestions profilées agressives, actions françaises et internationales, obligations high yield) s'avèrent beaucoup plus intéressantes sur longue période.

« Les UC ne sont pas inintéressantes en soi, mais compte tenu des frais de gestion et de la volonté des assureurs de limiter la volatilité, il y a beaucoup de classes d'actifs pour lesquelles la performance n'est clairement pas au rendez-vous pour l'épargnant », estime Cyrille Chartier-Kastler. « Les UC ne font donc sens qu'à la condition de prendre réellement du risque », insiste-t-il.

Les assureurs sont eux-mêmes tiraillés entre leur volonté de diversifier les portefeuilles et leur souhait de ne pas faire prendre trop de risque à leurs assurés, tout juste convertis (de gré ou de force) aux bienfaits des UC. Ils se savent en outre surveiller de près par le régulateur, qui ne souhaite pas voir transformer l'assurance-vie en succédanée de compte titres. Surtout lorsque les marchés sont si hauts ! Le retour de bâton risque alors d'être rude pour les épargnants.

« Nous avons évidemment des écarts de performance assez significatifs, selon les profils, surtout dans cette période de forte hausse des marchés actions. Mais la grande majorité des clients reste attachée aux UC les moins risquées, avec une forte composante de fonds diversifiés. C'est avant tout leur choix mais qui répond aussi à l'image de sécurité de l'assurance-vie », explique Jean-François Garin.

L'ennemi, les frais de gestion !

Au-delà de la performance intrinsèque des UC, c'est l'empilage des frais, peu transparent, des contrats multisupports, et « davantage encore dans certains PER », souligne Facts & Figures, qui cape la performance nette positive, sur longue période.

Ces frais sont d'autant plus élevés que la gestion est dynamique. Toujours, selon le baromètre, les frais internes courants dépassent en moyenne les 2 % sur les UC Actions (dont 0,79% de rétrocommissions versées aux distributeur) et représentent 1,89% sur les gestions profilées (dont 0,72% de rétrocommissions).

Cet empilement des frais sur les UC est régulièrement dénoncée par les associations de consommateurs. Et le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a publié, le 20 juillet dernier, sur la base d'une étude réalisée par Sémaphore Conseil, un rapport sévère qui pointe les « nombreux frais dont l'accumulation pèse sur les rendements » des PER.

« Le PER est un produit encore jeune mais qui rencontre son public. Laissons jouer la concurrence et les comparaisons. Et, comme pour l'assurance-vie, les frais réels d'entrée finiront par baisser progressivement », tempère cependant Jean-François Garin.

Rémunérer la distribution

« La question des frais se pose inévitablement quand les taux sont aussi bas. Ce débat est sain et nous devons faire preuve de pédagogie autour d'une question simple : à quoi servent les frais ? Au passage, nous sommes sans doute la seule profession à qui l'on pose cette question ! », poursuit l'assureur.

« Ce que les Français doivent savoir est que l'immense majorité des frais sert à financer le réseau de distribution, qui coûte de plus en plus cher avec les exigences de plus en plus grandes de la réglementation. Or la distribution, c'est la garantie de l'accès à l'assurance-vie, et ce pour tous les épargnants. C'est sans doute le prix à payer, même si les efforts de transparence en matière de frais doivent être permanents », reconnaît le professionnel.

En attendant, l'assurance-vie retrouve des couleurs, avec une collecte nette positive de 7,6 milliards d'euros sur les cinq premiers mois de l'année. L'assurance-vie reste le placement favori des Français.

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Commentaires 7
à écrit le 28/07/2021 à 15:43
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Moi je fais de la re de instance je refuse le transfert de mon compte dans les unités c décomptes hasardeuses … le joir ou j y serai contraint , je retire tout de chez l’ assureur

à écrit le 28/07/2021 à 15:42
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Moi je fais de la re de instance je refuse le transfert de mon compte dans les unités c décomptes hasardeuses … le joir ou j y serai contraint , je retire tout de chez l’ assureur

à écrit le 28/07/2021 à 15:42
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Moi je fais de la re de instance je refuse le transfert de mon compte dans les unités c décomptes hasardeuses … le joir ou j y serai contraint , je re tu ure tout de l assureur

à écrit le 28/07/2021 à 14:26
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Marc 469 a raison. L'euro devient une monnaie de singe. L'inflation fera le reste...

à écrit le 28/07/2021 à 12:20
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Le Francais est redevenu la lingua franca du monde francophone, un genre de créole anglo-francais, de sabir flou et embrouillé. D'origine c'est du bas latin hein... aujourd'hui du bas anglais... Ça aide pas à comprendre les produits souvent glauque...

à écrit le 28/07/2021 à 9:52
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L'assurance vie n'est adaptée qu'à une gestion précautionneuse, donc des fonds en €uros. Une gestion active en unites de compte comporte des risques que ne peuvent assumer les assureurs vie.

le 28/07/2021 à 13:31
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C'est tout le contraire. Le risque est pour l'assuré pas pour l'assureur.

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