L’open banking : la nouvelle obsession des banques

A l'occasion de la 5ème édition du Paris Fintech Forum, qui se tient les 28 et 29 janvier, le groupe Crédit Agricole a annoncé avoir mis la main sur la fintech Linxo, spécialiste de l'agrégation de comptes bancaires. L'été dernier, Crédit Mutuel Arkéa s'est offert Budget Insight et BNP Paribas a récemment investi dans la startup suédoise Tink. Objectif de ces opérations: accélérer dans l'ère de la banque ouverte pour générer d'autres sources de revenus et fidéliser les clients dans un environnement très concurrentiel.
Juliette Raynal
Chaque année, fin janvier, le Paris Fintech Forum réunit les fintech et les banques. A l'occasion de cet événement, le groupe Crédit Agricole a officialisé le rachat de la fintech Linxo pour se renforcer dans l'open banking.
Chaque année, fin janvier, le Paris Fintech Forum réunit les fintech et les banques. A l'occasion de cet événement, le groupe Crédit Agricole a officialisé le rachat de la fintech Linxo pour se renforcer dans l'open banking. (Crédits : Juliette Raynal)

Comme chaque année, fin janvier, la startup Linxo, spécialisée dans l'agrégation et la valorisation des données de comptes bancaires, occupe un stand dans les allées du Palais Brongniart à l'occasion du Paris Fintech Forum, l'événement qui réunit les jeunes pousses de la finance et les banques. Mais cette fois-ci, la grand messe du secteur a une saveur un peu particulière. Linxo vient en effet de passer dans le giron du groupe Crédit Agricole, son actionnaire depuis 2015.

"Au terme de cette opération, le groupe Crédit Agricole détiendra plus de 85% du capital de la fintech. Cette participation sera portée par Crédit Agricole Payment Services et par Fireca (le Fonds d'Investissement et de REcherche du Crédit Agricole), partenaire historique de Linxo Group. Le solde du capital reste détenu par les dirigeants et fondateurs, qui seront associés au développement de l'entreprise", indique la banque verte dans un communiqué publié le 28 janvier.

Le montant de l'opération n'a pas été dévoilé, mais selon les informations de nos confrères de mind Fintech, cette acquisition valoriserait la jeune pousse, qui comptait aussi comme actionnaires Crédit Mutuel Arkéa et Maif Avenir, environ 20 millions d'euros. Ce serait près de deux fois moins qu'en 2017, lors de sa dernière levée de fonds. Une information que la fintech, qui n'a pas encore atteint l'équilibre financier, ne souhaite pas commenter, mais qu'elle ne dément pas non plus.

De l'appli grand public au marché B2B

Fondée en 2010, "Linxo est un dinosaure de la fintech", se plaît à dire son fondateur et directeur général Bruno Van Haetsdaele. Il y a dix ans, la jeune pousse développe une application mobile grand public permettant à un utilisateur de visualiser en un clin d'oeil l'ensemble des comptes bancaires qu'il peut détenir auprès de différents établissements et de mieux gérer ses dépenses grâce à un système de catégorisation (alimentation, transports, loisirs, etc.)

Pour mieux monétiser son activité, Linxo oriente ensuite son offre vers les banques et d'autres startups de la finance, qui, grâce à l'analyse des données de paiement, peuvent développer de nouveaux services à valeur ajoutée à destination de leurs propres clients. Aujourd'hui, Linxo compte une trentaine d'entreprises clientes, dont le groupe Crédit Agricole, HSBC, Crédit Mutuel Arkéa, Maif, mais aussi des pure players comme Meilleurtaux et Younited Credit.

"Avant d'octroyer un crédit, Younited Credit doit étudier l'historique des transactions du client. Grâce à notre technologie, elle peut aujourd'hui se connecter automatiquement à ses comptes bancaires et n'a alors plus besoin de lui demander de fournir ses relevés bancaires", illustre Bruno Van Haetsdaele.

L'urgence de l'open banking

Cette circulation des données de paiement, avec l'accord préalable du consommateur, marque le début de l'ère de la banque ouverte ou open banking en anglais. Une révolution pour les banques, qui toutes se sont construites comme de véritables forteresses. Si de nombreux établissements ont d'abord traîné des pieds vers ce changement de paradigme, l'heure est aujourd'hui à l'adoption.

Deux raisons expliquent ce changement d'attitude. La première est réglementaire, avec la récente entrée en vigueur de la nouvelle directive européenne relative aux services de paiement (DSP2), qui contraint les banques à rendre accessibles ces données. La seconde est d'ordre économique: pressurisés par un environnement de taux durablement bas et concurrencés par l'arrivée de nouveaux acteurs, les établissements bancaires sont obligés de développer de nouveaux services, reposant justement sur l'open banking, pour générer d'autres sources de revenus et fidéliser leurs clients. Crédit Agricole explique ainsi que cette prise de participation "s'inscrit dans le cadre du projet du groupe", "qui vise à faire des paiements, un levier majeur de fidélisation et de conquête".

"Les premiers cas d'usage que nous développerons s'inscrivent dans le prolongement de l'agrégation de comptes bancaires. Nous pensons notamment à l'initiation de paiement, qui permet à un client de transférer son argent de compte à compte. L'idée est de coupler cette fonctionnalité au paiement instantané. Au-delà de ce prolongement immédiat, nous pensons à beaucoup d'autres applications", explique à La Tribune Bertrand Chevallier, directeur général de Crédit Agricole Payment Services, la tête de pont du métier des paiements dans le groupe.

Arkéa mise sur Budget Insight et BNP Paribas investit dans Tink

L'acquisition de Linxo par Crédit Agricole n'est pas inédite et illustre un mouvement de fond. L'été dernier, Crédit Mutuel Arkéa a ainsi mis la main sur un autre agrégateur de comptes: le français Budget Insight. Objectif affiché: se renforcer dans l'open banking, en développant des services personnalisés basés sur des données financières et extra-financières.

De son côté, BNP Paribas a choisi d'investir dans Tink, via son fonds Opera Tech Ventures, à l'occasion d'une levée de fonds de 90 millions d'euros officialisée au début du mois. Tink est l'équivalent suédois de Linxo, Budget Insight ou encore Bankin', le troisième agrégateur de comptes français dont Casino est au capital. Tink a néanmoins connu une croissance beaucoup plus importante et emploie aujourd'hui 280 personnes, contre 110 il y a un an. Depuis sa création en 2012, elle a levé près de 170 millions d'euros. Outre BNP Paribas, elle est également soutenue par d'autres grandes banques dont SEB au Danemark, et ABN Amro aux Pays-Bas, qui ont adopté sa solution.

Une réponse européenne à Visa

Pour BNP Paribas, cette prise de participation minoritaire se couple aussi d'un partenariat stratégique à l'échelle européenne, avec dans un premier temps des applications concrètes en Belgique, via sa banque Fortis, et en Italie.

"Dans le cadre de ce partenariat, le réseau de banque de détail italien de BNP Paribas, Banca Nazionale del Lavoro (BNL), commencera à mettre en œuvre les solutions de Tink pour l'agrégation des comptes, l'initiation des paiements et la gestion des finances personnelles", explique la banque française.

Outre-Atlantique l'open banking attise aussi les convoitises. Le 13 janvier dernier, Visa a annoncé l'acquisition du californien Plaid, spécialiste de l'open banking, pour la coquette somme de 5,3 milliards de dollars (environ 4,7 milliards d'euros), soit le double de sa dernière valorisation. Grâce à ce rachat, le géant américain des paiements entend opérer un vaste réseau qui permet d'organiser l'accès à la donnée bancaire.

"Il est important que les banques européennes aient un plan pour ne pas dépendre des entreprises américaines pour la partie accès aux comptes et elles s'en donnent les moyens aujourd'hui", estime Bruno Van Haetsdaele.

Juliette Raynal

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Commentaire 1
à écrit le 01/02/2020 à 7:35
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Je suis abasourdi par cet article : la circulation et l'exploitation des données de transactions bancaires, qui devraient être confidentielles... Opérations favorisées de surcroît par une nouvelle directive de l'ue !? Alors que, déja, l'exploitat...

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