La nouvelle a fait l'effet d'une bombe sur les marchés. Mardi 3 mars, au sortir d'une réunion décevante des ministres des Finances et des banquiers centraux du G7 qui promettent une action concertée mais aucune annonce concrète, la banque centrale des États-Unis (Fed) annonce, à la surprise générale, qu'elle baisse d'un demi-point de pourcentage ses taux, lesquels évoluent désormais entre 1% et 1,25%. Que la Fed prenne une telle décision sans attendre sa prochaine réunion du 17 mars, c'était du jamais-vu depuis la crise financière de 2008.
Si la Fed a décidé de réduire ses taux, c'est pour que les banques commerciales américaines abaissent, à leur tour, le coût du crédit. De quoi doper la consommation des ménages et favoriser l'investissement des entreprises pour stimuler l'économie. Toutefois, de telles décisions n'ont pas un impact immédiat dans l'économie réelle, et il faudra attendre quelques mois pour mesurer l'efficacité du "coup de fouet significatif à l'économie" espéré par Jerome Powell, le président de la Fed.
Une mesure précipitée
Par ailleurs, le patron de la banque centrale américaine suggère lui-même que cette action risque d'avoir peu d'effets sur une crise qui affecte l'offre.
« Nous reconnaissons qu'une baisse de taux ne réduira pas le taux d'infection et que cela ne résoudra pas les problèmes de chaînes d'approvisionnement. Nous avons cela en tête », a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse improvisée.
Mêmes doutes concernant l'efficacité d'une telle mesure sur la demande.
"Si vous ne voulez pas faire un voyage d'affaires ou aller à un concert, le fait que la Fed abaisse ses taux ne changera probablement pas votre décision, qui se fonde sur votre peur du virus", commentait, à l'AFP, Karl Haeling de la banque allemande LBBW.
Pis encore, de nombreux spécialistes s'interrogent sur les risques de cette décision précipitée, craignant que la Fed se retrouve dans les semaines à venir "sans aucune munition" pour agir si l'épidémie perdure. "La capacité des banques centrales à faire face à un choc est très réduite et cela participe à l'envolée du stress sur les marchés", analyse l'économiste indépendante Véronique Riches-Flores, pour qui cette décision "incompréhensible, sinon stupide", prise sous la pression insistante de Donald Trump, "risque fort de se retourner contre la Fed sous peu".
Des marges de manœuvre limitées
La Réserve fédérale américaine n'est toutefois pas la seule à avoir assoupli sa politique monétaire. Mardi, deux autres banques centrales sont passées à l'action. En Australie, la Reserve Bank of Australia (RBA) a diminué son taux directeur à 0,50%, contre 0,75% précédemment, un niveau historiquement bas, dans l'objectif affiché d'amortir l'impact économique de l'épidémie. En Malaisie, la Bank Negara Malaysia a réduit de 25 points de base son taux à 2,5%, son plus bas niveau depuis 2010.
Dans l'optique de rassurer les marchés, les autres banques centrales (du Japon, d'Angleterre, la BCE) ont, quant à elles, promis de se coordonner et de "prendre des mesures appropriées et ciblées" pour répondre à l'épidémie, mais aucune n'a encore annoncé d'action concrète. La dernière à le faire sera sans doute la BCE, dont la marge de manoeuvre est la plus étroite, ses taux étant quasiment au plus bas possible. Selon les analystes, l'institution pourrait néanmoins augmenter ses achats d'obligations sur le marché et choisir de baisser davantage son taux sur les dépôts excédentaires, situé actuellement à -0,5%.
"Nous arrivons au bout de l'élasticité de la demande de crédit aux taux d'intérêt", prévient un banquier.
Sujets les + commentés