Des colorants bio ET industriels avec PILI

Des colorants et encres industriels mais écologiques, produits par des micro-organismes… C’est ainsi que les fondateurs de PILI imaginent l’avenir coloré de l’industrie, à commencer par le textile et l’impression. Rencontre avec Jérémie Blache, DG cofondateur de la start-up parisienne.

Cleantech Republic : Quelles sont les spécificités de vos colorants innovants ?

Jérémie Blache : Pour faire simple : il s'agit de produire des molécules colorantes par biosynthèse, à partir d'un carbone renouvelable. Concrètement, dans une cuve (du même type que celles que vous trouvez chez un brasseur de bière), nous faisons fermenter des micro-organismes (typiquement des bactéries) qui, en dégradant de la biomasse, produisent des molécules d'intérêt, dont l'une des propriétés est un fort pouvoir de coloration. Le liquide aqueux produit par le fermenteur est ensuite traité pour en extraire ces molécules, puis conditionné pour obtenir une poudre ou une pâte colorante en fonction des besoins industriels.

Est-ce vraiment nouveau ? La littérature scientifique contient de nombreuses références à ce type de biosynthèse...

Le principe est effectivement bien connu des scientifiques, mais à l'échelle du laboratoire, et pour certaines couleurs seulement. Qui sont d'ailleurs souvent découvertes de manière incidente. Nous pensons que le timing est bon pour passer à l'échelle industrielle, c'est-à-dire élaborer des procédés de fabrication en masse, créer une gamme de couleurs cohérentes et trouver les micro-organismes et formulations permettant d'obtenir des performances qualifiées pour les industriels.

Pourquoi est-ce le bon moment ?

Tout simplement parce que la pression réglementaire et l'éthique poussent le marché vers des produits moins toxiques pour l'environnement et la santé. Les colorants sont aujourd'hui quasi exclusivement issus de la pétrochimie. Leur fabrication génère jusqu'à 26 Kg d'équivalent CO2 par Kg produit ! Leur toxicité rend leur manipulation compliquée et très réglementée. Quant à leur fin de vie... c'est tout simplement catastrophique. Une étude belge a récemment démontré que 70% de la faune aquatique du pays était contaminée par les colorants - principalement issus de l'industrie textile - même lorsque les industriels respectent la réglementation.

Il existe des colorants végétaux...

Oui, mais pas pour toutes les couleurs... De plus la production végétale offre des rendements trop faibles à l'échelle de la demande. Un exemple : l'indigotier, qui produit la couleur des jeans, présente un rendement de l'ordre de 50 kg/ha/an. La demande mondiale annuelle dépasse les 80 000 tonnes. Il faudrait donc recouvrir intégralement l'Allemagne d'indigotiers pour y pourvoir ! Sans parler des pesticides qui viennent (ou plutôt partent) avec ce type de production.

A quel stade de développement êtes-vous ?

Depuis le début du projet fin 2014, nous avons produit plusieurs batches de colorants en laboratoire et testé diverses applications : encre pour stylo, encre pour imprimante, et teinture textile. Cela fonctionne bien. Nous passons donc à l'échelle supérieure cette année avec des fermenteurs de 300 litres et des tests en conditions réelles chez des industriels partenaires dans le textile médical et la maroquinerie. L'objectif de ces pilotes est de faire progresser nos rendements de production et d'extraction, de valider (et amender si nécessaire) les protocoles d'utilisation et d'intégration de nos produits dans les chaînes de production de nos partenaires, et enfin de qualifier précisément les résultats (tenue dans le temps, résistance aux frottements, aux UV, au lavage...).

Quid de la sécurité et de l'acceptabilité sociale ? Un jean aux bactéries peut faire peur...

Nous n'avons pas d'inquiétudes particulières : nous identifions des colorants sans risques. La question est néanmoins légitime car le « naturel » n'est pas nécessairement inoffensif. Les tests de conformité qui composent la règlementation REACH font partie intégrante de notre processus de développement et permettent de garantir très en amont la sécurité des procédés et des produits développés chez PILI. D'autre part, nous travaillons avec des micro-organismes non-pathogènes et non-nocifs pour l'environnement, ne serait-ce que pour la sécurité de nos équipes et celle des riverains de nos futures usines. Pour ce qui est des jeans aux bactéries, soyez rassurés : nos produits n'en contiennent plus une seule, on les garde chez nous !

Vous allez donc produire vous même vos colorants ?

Tout à fait, notre modèle économique sera très classique : conception, production, et commercialisation de colorants biosynthétisés. Nous pensons créer notre première gamme en 2017, et lancer concomitamment production et commercialisation dès 2018, initialement sur le marché du textile. Notre première couleur sera le bleu, rapidement suivi d'autres teintes.

Comment comptez-vous financer le projet ?

Il faut effectivement des investissements conséquents pour lancer une activité industrielle.  La R&D de notre premier colorant bleu est déjà assurée. Pour la suite, nous cherchons actuellement à lever entre 500 et 700 K€, idéalement auprès d'un fonds d'investissement cleantech et d'un business-angel connaissant bien nos marchés cibles. Nous cherchons donc de l'argent, mais aussi de véritables partenaires pour accompagner notre développement !

PILI en bref...

  • Création : 2015
  • Fondateurs : Jérémie Blache, Marie-Sarah Adenis (designer et biologiste), Thomas Landrain (par ailleurs président de La Paillasse)
  • Effectifs : 6 personnes
  • Partenaires : La Paillasse, Génopole, Indie Bio, Toulouse White Biotech, Techtera
  • En vidéo : découvrez le workshop « Faites pousser votre encre » en partie à l'origine de PILI

Cleantech Republic

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Commentaire 1
à écrit le 18/02/2017 à 21:28
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J'ai demande a votre societe d'implanter une agence chez nous car opportinutes y sont J'attends tjr votre bonne reaction

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