Eolien flottant : Nenuphar tient son cap

Avec plus de 15 millions d’euros de fonds levés depuis sa création en 2009, Nenuphar compte parmi les start-up cleantech françaises les plus attendues. Après plusieurs prototypes à terre, elle annonce son premier test offshore pour 2017. Explications avec son CEO, Olivier Jaboulay.

Cleantech Republic : Nenuphar a atteint l'âge de raison. Quel regard portez-vous sur ce parcours ?

Olivier Jaboulay : C'est un long chemin que la création d'un nouveau mode de production d'électricité à l'échelle industrielle. D'autant plus pour une start-up ! En sept ans, nous avons essentiellement conçu, construit, et testé à terre, trois prototypes de 35KW à 600KW. Les données recueillies nous ont permis d'une part de valider et/ou d'amender nos modèles de simulation numérique, et d'autre part de déterminer le point d'équilibre du modèle économique de nos futurs clients exploitants. Beaucoup d'ingénierie donc... et des embauches puisque nous sommes aujourd'hui plus de 40 personnes.

Votre « roadmap » correspond-elle aux évolutions du secteur ?

Tout à fait. On parle beaucoup de l'éolien offshore en France du fait des six projets poussés par les pouvoirs publics, mais à l'échelle mondiale - qui est bien sûr est notre terrain de jeu - le Nord de l'Europe est plutôt précurseur. L'offshore posé est en plein essor, et le flottant - qui ouvrira considérablement le nombre de sites éligibles - en est au début de son histoire industrielle. On estime qu'il sera mûr vers 2030, avec entre 30 et 40 GW installés dans le monde. Notre roadmap prévoit un premier prototype en mer de 2 MW en 2017, un second de 5 MW en 2019, et une ferme pilote post-2020. Nous sommes donc complètement en phase avec l'éclosion de ce nouveau marché.

Vous annoncez un prototype birotor d'un nouveau genre...

Effectivement les retours d'expérience de notre troisième prototype - encore en étude à Fos-sur-Mer - ont été riches d'enseignements technico-économiques et nous poussent à deux évolutions majeures. D'abord, côté rotor, avec le passage de 3 pales twistées à 2 pales droites pitchées.

Là, nous allons avoir besoin d'explications...

Les pâles twistées - c'est-à-dire de forme complexe, proche d'une hélice - sont performantes mais très chères à fabriquer. Nous avons donc cherché et trouvé une meilleure équation technico-économique avec des pales au profil très simple (plus proche d'une aile d'avion) assorties d'un « pitch », c'est à dire la possibilité de modifier la position des pales en rotation pour travailler à l'optimum de rendement de l'ensemble rotor/générateur.

Et la deuxième innovation donc ?

Elle se situe à l'échelle de l'éolienne et se nomme TwinFloat. Nous avons adapté à l'éolien un concept bien connu en aérodynamique : l'utilisation simultanée et synchronisée de deux rotors tournant en sens inverses. Les avantages techniques pour développer la compétitivité sont nombreux. D'abord, le flux d'air se concentre entre les deux rotors, ce qui dope le productible. Ensuite, l'effet de sillage (état instationnaire) s'avère très peu pénalisant et se dissipe rapidement, ce qui permet une quasi annulation des pertes correspondantes et un layout (ndlr : le plan d'un parc éolien) plus dense, donc moins d'emprise en mer et moins de câbles sous-marins. De plus, les efforts de renversement sur le flotteur s'annulent partiellement, ce qui permet d'en réduire significativement la taille. Enfin, le concept TwinFloat présente également un important intérêt économique : la possibilité d'atteindre a minima 5 MW par unité de production à partir de composants standards, éprouvés, et moins chers que le sur-mesure.

Pouvez-vous chiffrer ces avantages pour l'exploitant ?

Pas encore avec une grande précision, car c'est justement l'objet des futurs prototypes. Mais nous attendons un LCOE (Levelized Cost of Energy) inférieur de 30% comparé à la concurrence en flottant, pour des parcs de l'ordre de 500 MW, soit un coût de l'électricité entre 110 et 130 € du MWh. Dans le détail, nous estimons l'économie d'investissement entre 5 et 10%,  des coûts d'exploitation similaires (annuellement 4 à 6% de l'investissement initial) et un productible de 15 à 20% supérieur. Une performance obtenue par le design de l'éolienne lui-même, mais aussi par nos algorithmes (brevetés) temps réel de gestion du pitch et de la synchronisation des rotors.

Vous avez levé plus de 15 millions d'euros en 2014. Est-ce suffisant pour aller jusqu'à la commercialisation ?

Rappelons d'abord que nos investisseurs nous soutiennent financièrement (Areva, BPIFrance, IDinvest, l'ADEME, la Région PACA, la Commission Européenne), mais sont aussi tous très actifs et compétents sur le secteur cleantech. Cela rassure nos interlocuteurs et nous donne la visibilité nécessaire. Nous préparons effectivement une levée de fonds significative pour cette année, essentiellement pour continuer les développements techniques, mais aussi pour consolider notre présence commerciale à l'international. Il nous faut être actifs et visibles dès maintenant pour exister dans l'écosystème des pays qui passeront à l'acte en premier. Nous menons d'ailleurs des approches préliminaires intéressantes en Asie, notamment au Japon et en Chine... Mais vous n'en saurez pas plus !

Nenuphar en bref...

  • Date de création : 2009
  • Effectifs : 42 (en croissance) répartis sur 3 sites : Lille, Paris et Aix en Provence
  • Financement : 15M€ levés en 2014 (Fonds Ecotechnologies géré par Bpifrance, Areva, Idinvest Partners)
  • Lauréat du concours « les 21 startups des cleantech ambassadrices de la French Tech à la Cop21 » dans la catégorie « Energies Propres »

TwinFloat en bref :

  • Puissance : 5 MW
  • Dimensions : hauteur : 120m / diamètre : 60m / entraxe : 90m
  • Flotteur : moins de 1500 tonnes d'acier,
  • Profondeur max : pas de limite technique

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