COP21 : Pékin fait déjà la pluie et le beau temps... à Paris

[ #COP21 ] Son poids économique et sa position auprès des pays en développement font de la Chine un interlocuteur particulier dans les négociations climatiques. Et un gigantesque marché pour les groupes français de services à l’environnement
Dominique Pialot
Peu avant la COP21, placée sous le signe de la croissance verte, la visite de François Hollande en Chine, ici avec le président Xi Jinping, n’aura pas été vaine. Quarante chefs d’entreprise français l’y ont accompagné.

La visite de François Hollande en Chine en début de semaine s'inscrit dans un programme de « diplomatie climatique » qui s'accélère à moins d'un mois de la COP21. Mais, après ses déplacements aux Philippines,
aux Caraïbes, en Afrique subsaharienne ou encore en Finlande, ce voyage prend un relief particulier. Et ce, pour des raisons aussi bien structurelles que conjoncturelles.

Avec 1,5 milliard d'habitants et 15 % du PIB mondial, chaque décision prise par l'empire du Milieu fait pencher la planète tout entière d'un côté ou de l'autre. Cet adage se vérifie en matière de cli- mat tout autant que dans les sphères économique et financière. Premier émetteur de gaz à effet de serre devant les États-Unis depuis 2010, le pays est aussi le premier investisseur en matière d'énergies renouvelables, et sera bientôt le plus grand marché du carbone au monde devant l'ETS (European Trading Scheme) européen lancé en 2005. Examinées à la loupe, les variations de ses importations de charbon, en chute de près de 30 % sur les neuf premiers mois de l'année, annoncent ainsi de sombres perspectives pour le secteur au niveau mondial.

Responsable d'au moins un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, la Chine est un acteur incontournable de la lutte contre le changement climatique, et sans elle rien de sérieux ne peut être entrepris. En 2009, elle avait été tenue en grande partie responsable de l'échec de la conférence sur le climat de Copenhague, que le président d'alors, Hu Jintao, avait dédaignée. Elle ne pouvait déjà plus vraiment être assimilée à un pays en développement comme en 1997, lors de l'élaboration du protocole de Kyoto. Mais ses dirigeants ne semblaient pas prêts à endosser un rôle et des responsabilités plus importants.

Un problème majeur de santé publique

De ce point de vue, tout a changé, et Xi Jinping ne rate plus une occasion de faire jeu égal avec les États-Unis sur l'échiquier climatique. Depuis un an, il a ainsi effectué la plupart de ses annonces à ce sujet sur le sol américain, notamment le prochain élargissement du marché carbone à l'échelle nationale ou encore la contribution du pays au fonds vert pour le climat, alignée sur la somme promise par les États-Unis. La déclaration commune publiée fin septembre à Washington par deux puissances qui représentent ensemble près de la moitié des émissions de la planète, est révélatrice de ce changement de posture.

Outre que la Chine entend désormais jouer sur la scène diplomatique internationale un rôle à la mesure de son poids économique, l'environnement est devenu un enjeu particulièrement épineux ces dernières années dans le pays lui-même. Au-delà de ses émissions de gaz à effet de serre, qui explosent mais restent encore modestes ramenées à sa population, le pays souffre de pollutions en tous genres de ses fleuves, ses sols et ses eaux souterraines. Sans parler des particules fines, dues à la prépondérance du charbon dans la production d'électricité, qui rendent l'air quasi irrespirable, notamment à Pékin. Mais les scandales à répétition liés à cette situation, notamment la pollution de l'air difficile à occulter, sont devenus au fil du temps un problème majeur de santé publique et le gouvernement chinois a commencé à en mesurer le risque pour sa croissance économique.

D'un autre côté, après avoir inondé la planète de leurs panneaux solaires à bas coût, les entreprises chinoises des énergies renouvelables ont trouvé sur leur marché intérieur de gigantesques débouchés pour des produits de plus en plus élaborés. Le pays est devenu en quelques années le champion incontesté de la croissance verte. On lui doit ainsi près de 30% des quelque 279 milliards de dollars (250 milliards d'euros) investis dans l'éolien et le solaire en 2014. D'ailleurs, le nouveau plan quinquennal pour 2016-2020 rendu public il y a quelques jours, qui introduit le concept de « civilisation écologique », prévoit d'accentuer encore l'effort dans ces secteurs au détriment du charbon.

Une déclaration commune largement saluée

Côté français, on a pris garde de caler ce déplacement le plus près possible de la COP21, histoire de s'assurer les bonnes grâces de la Chine sur quelques points épineux de l'accord en gestation. À l'exception de quelques ONG dénonçant un pur coup de communication, la déclaration commune publiée lundi 2 octobre par les deux présidents a été largement saluée. Son contenu, âprement négocié jusqu'à la der- nière minute, confirme plusieurs principes clés. Il évoque notamment la nécessité d'un accord juridiquement contraignant, un mécanisme de révision des ambitions tous les cinq ans, l'importance égale des efforts d'adaptation et d'atténuation, le concept d'objectif de long terme et de stratégies bas carbone, et le projet d'un état des lieux établi dès 2017 ou 2018, soit avant même l'entrée en vigueur du nouvel accord à compter de 2020.

Certains de ces points restent flous et d'autres difficilement envisageables, puisque le Congrès américain refuse par exemple le principe d'un accord contraignant. Mais le symbole reste fort, car cette déclaration commune prouve que la Chine a nettement assoupli sa position sur ces sujets. Ce faisant, elle laisse en outre espérer à la présidence française de la COP21 son entremise pour entraîner l'adhésion du G77, qui regroupe plus de 130 pays, notamment les grands émergents, les pays arabes, les petits États insulaires, les pays africains, les pays les moins avancés... Une alliance d'autant plus précieuse que les tensions historiques entre pays riches et pays pauvres sur la question du climat se sont ravivées lors de la dernière inter-session de négociations à Bonn la semaine dernière.

Quelle que soit l'issue de la COP21, cette visite en Chine, placée plus largement sous le signe de la croissance verte, n'aura pas été vaine. C'est accompagné de 40 chefs d'entreprises français que François Hollande s'est d'abord rendu à Chongqing avant de rencontrer son homologue à Pékin. De nombreux groupes français sont déjà présents depuis plusieurs années dans cette mégalopole de 33 millions d'habitants. À l'occasion de cette visite, le président a d'ailleurs officialisé la création de Derun Environment. Issu d'un accord de coopération entre Suez et son partenaire New World Services d'une part, et Chonqging Water Assets d'autre part, Derun Environment ambitionne de deve- nir incontournable dans le secteur écologique en Chine. En plus d'être un allié de taille dans les négociations climatiques, les ambitions de « verdissement » du pays en font aussi un formidable marché pour les entreprises spécialisées, où la France compte plusieurs chefs de file mondiaux.

Dominique Pialot

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