La question énergétique peut contribuer à relancer l'Europe, par le bas

La question énergétique apparait comme une opportunité mobilisatrice sans précédent, porteuse d'un nouvel espoir pour le grand projet européen. Par Célia Blauel (Adjointe à la Maire de Paris, chargée de l'environnement, du développement durable, de l'eau, de la politique des canaux et du "plan climat énergie territorial") et Eckart Würzner (Maire de Heidelberg et Président d'Energy Cities, l'association européenne des villes en transition énergétique)
Eckart Würzner et Célia Blauel

Les initiatives locales et citoyennes n'ont pas attendu la COP21. Face au défi climatique mais aussi en réponse aux crises économiques et financières, la société civile se mobilise pour reprendre son destin en main. A travers de nombreux mouvements et campagnes comme celle du « désinvestissement », l'épargne publique tourne le dos aux énergies fossiles et avance résolument vers les renouvelables. Mais cette tendance ne trouve pas écho dans les hautes sphères de décision européennes.

Le marché roi

Malgré l'échec du système de quotas d'émissions, la législation communautaire s'engage de plus en plus dans une voie où le marché est roi et les procédures compétitives d'appels d'offre ne permettent ni de favoriser les investissements adaptés aux contextes locaux ni de concurrencer le monopole des grands groupes. Progressivement, les programmes de soutien aux renouvelables sont sacrifiés sur l'autel de la libre concurrence et ceux sur l'efficacité énergétique, comme la rénovation massive des bâtiments peinent à trouver leur « rentabilité » alors même qu'il est unanimement admis que c'est non seulement indispensable mais aussi largement bénéfique et créateur d'emplois.

C'est pourtant de tels programmes qui ont permis à des pays comme l'Allemagne et le Danemark d'organiser l'essor de ces technologies dont profitent désormais leurs voisins. En outre, certains types d'investissement ne peuvent être logés à la même enseigne que les autres, en raison de la plus-value qu'ils apportent au développement socio-économique dans son ensemble. Le coût réel de la transition énergétique doit donc être mesuré en prenant un grand nombre d'indicateurs en considération, parmi lesquels les émissions de gaz à effet de serre bien sûr, mais aussi le montant des investissements par rapport au risque de dérive de la facture énergétique, ou encore le nombre d'emplois associés.

6000 villes s'engagent

En parallèle, dans le cadre du mouvement européen de la Convention des Maires, plus de 6000 villes se sont engagées de manière volontaire à appréhender leur futur énergétique en élaborant des plans d'action pour une énergie durable, à l'horizon 2020, 2030 et souvent même 2050. Un exercice de prospective qui a permis à ces dernières de redécouvrir et se réapproprier les richesses de leur territoire, en mobilisant un réseau grandissant d'acteurs pour tirer parti d'opportunités infinies, qu'elles soient sous forme d'eau, de bois, de soleil, de vent, de géothermie, de récupération de chaleur et de valorisation des déchets, pour ne citer que quelques exemples.

Basés sur des programmes ambitieux d'économie d'énergie dans les transports et les bâtiments, ces milliers de plans offrent une occasion unique d'anticiper la demande énergétique du continent et de s'emparer pleinement des potentiels divers et dispersés de développement des énergies renouvelables. Mais l'enjeu va plus loin. Ces plans locaux, à travers les mécanismes d'engagement citoyens qu'ils comportent, permettent en outre d'activer le chainon manquant de la transition énergétique : l'acceptation sociale. Comme illustré récemment par de larges manifestations en Espagne ou en Italie, ce soutien public n'émanera pas d'une Europe ou d'Etats enfermés dans leurs bulles, imposant d'en haut leur longue liste de mégaprojets énergétiques.
A l'inverse, face aux nombreuses crises que traverse le continent et en dépit des tentations de repli sur soi, des dynamiques positives se développent. Une économie sociale et solidaire se renforce, basée sur le partage des ressources et la réappropriation des valeurs.

Un nouvel espoir pour le grand projet européen

Dans ce contexte, la question énergétique apparait comme une opportunité mobilisatrice sans précédent, porteuse d'un nouvel espoir pour le grand projet européen. Elle concerne notre avenir à tous et conditionne notre quotidien : notre chauffage, notre éclairage, l'air que l'on respire, nos déplacements, nos loisirs... Dessinant les contours d'une « démocratie de l'énergie », chaque jour se multiplient les exemples de communautés qui se réapproprient cette question à travers des coopératives citoyennes de parcs éoliens, d'énergie hydraulique, biomasse, solaire...

L'Europe doit s'en saisir. C'est pourquoi aujourd'hui, à l'ouverture de la COP21, nous avons tenu à unir nos voix, en tant qu'élus locaux de France et d'Allemagne, couple historique de la construction européenne. En tant que représentants de Paris - hôte de la COP21 - et de Heidelberg - ville présidente du réseau européen Energy Cities - nous appelons nos gouvernements à faire de la question de l'énergie et du climat l'opportunité d'une nouvelle gouvernance européenne, où les réalités du bas conditionnent les décisions du haut. Où les projets locaux et citoyens sont encouragés et non soumis à la loi unique du marché. Où la transition n'est pas confisquée par 1% de la population, mais animée et mise au service des 99% restants.

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