Aéronautique : Daher rachète AAA pour devenir numéro 1 français des prestations industrielles

Jusqu'ici identifiée comme une entreprise de taille intermédiaire, Daher veut changer de dimension. Après s'être renforcé dans ses métiers d'avionneur et d'industriel aux Etats-Unis, le groupe franchit un nouveau cap avec le rachat d'AAA dans le sud-ouest. Nouveau plan stratégique à l'appui, l'objectif est désormais d'assurer l'intégration de ces nouvelles entités et d'améliorer la rentabilité du groupe.
Didier Kayat a annoncé l'acquisition de AAA et le lancement d'un nouveau plan stratégique Take Off 2027.
Didier Kayat a annoncé l'acquisition de AAA et le lancement d'un nouveau plan stratégique Take Off 2027. (Crédits : Daher)

Les grandes manœuvres battent leur plein au sein de la supply chain aéronautique. Les annonces de rapprochements et d'acquisitions se sont multipliées dans le sud-ouest, comme le montrait à l'automne dernier La Tribune à travers plusieurs cartes interactives. Après Mecachrome devenu à la suite de plusieurs rachats un géant des pièces aéronautiques pesant plus de 450 millions d'euros de chiffre d'affaires et 4.000 salariés, la série d'acquisitions de Latécoère pour accroître sa force de frappe notamment en Amérique du Nord, c'est au tour de Daher de se lancer dans la consolidation.

Le groupe familial qui fêtera cette année ses 160 ans vient d'annoncer ce mardi 7 février l'acquisition du sous-traitant AAA (Assistance aéronautique et aérospatiale) pour devenir le numéro un en France des prestations de service industrielles dans l'aéronautique.

Le prestataire de services de 1.900 salariés dispose d'un siège social dans la région parisienne, de deux usines à Tarbes (Hautes-Pyrénées) et Carquefou (Loire-Atlantique). Mais la majeure partie de son effectif travaille sur les sites de ses clients (Airbus, Dassault, Safran, ATR, Latécoère, etc), à la fois à la production et à l'ingénierie. Frappé de plein fouet par la baisse des cadences durant le Covid et la réinternalisation des charges chez les donneurs d'ordre, le sous-traitant avait vu son chiffre d'affaires (260 millions d'euros en 2019) chuter grandement. L'entreprise avait réalisé en 2020 un plan social qui s'était traduit par près de 300 départs contraints en France.

« AAA a eu une année difficile pendant le Covid mais a fait une excellente année 2022 avec une activité remontée à 200 millions d'euros. Ce service industriel est acheté par les donneurs d'ordre pour produire un maximum d'avions. Le parachèvement permet de livrer des tronçons d'avions finis à 98% sur les chaînes d'assemblage de Hambourg et de Toulouse. Les 2% sont terminés par des intervenants comme Daher ou AAA.

Ce besoin va augmenter avec la montée en cadence. Nous pensons que l'activité va très vite retrouver son niveau d'avant-crise », a avancé Didier Kayat, directeur général de Daher.

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Nouveau plan stratégique

Cette annonce de rachat intervient alors que Daher vient de présenter son nouveau plan stratégique 2023-2027, baptisé Take Off 2027, à l'occasion de ses résultats annuels. Selon Didier Kayat, celui-ci doit faire de Daher une « grande entreprise internationale, rentable » avec l'objectif de dépasser les deux milliards d'euros de chiffres d'affaires. « Avec deux milliards de chiffre d'affaires, nous deviendrons l'une des 50 premières entreprises aéronautiques mondiales et l'une des 250 ou 300 plus grosses entreprises françaises », se réjouit d'avance Didier Kayat. Aujourd'hui, après avoir perdu « seulement » 15 % d'activité pendant la crise sanitaire, Daher est revenu à hauteur de ses résultats de 2019, voire légèrement supérieur avec un chiffre d'affaires de 1,3 milliard d'euros. C'est donc une croissance de plus de 50 % en cinq ans que prévoit Daher.

Dans cette optique, le groupe va chercher à équilibrer son activité entre ses quatre métiers : avions, industrie, services industriels et logistique. A terme, chacun devra représenter environ un quart du chiffre d'affaires, soit 500 millions d'euros chacun. L'acquisition de AAA entre dans cette logique. Et bien que 90 % du chiffre d'affaires vient du monde aéronautique, alors que le nucléaire et la logistique pour d'autres domaines industriels ne représentent plus que 10 % de l'activité, Didier Kayat assure que cette diversité de métiers avec des dynamiques différentes suffit à garantir une stabilité au groupe même en cas de recul fort du secteur comme ce fut le cas au début de la pandémie de Covid-19.

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Recherche de rentabilité

Le directeur général du groupe veut également augmenter la résilience du groupe en améliorant sa rentabilité : « Il y aura toujours des cycles dans l'aéronautique et la rentabilité nous permet avant tout de nous protéger des prochaines crises qui arriveront forcément. Nous sommes surtout protégés par notre modèle économique avec nos quatre métiers. » Il n'a pas donné d'objectif chiffré, mais semble déterminé à passer un cap en la matière avec Take Off 2027 : « Il faut que nous montions en valeur ajoutée. » Pendant la crise, Daher avait enregistré des pertes en 2020 avant de retrouver l'équilibre opérationnel dès 2021.

De même, le directeur général veut poursuivre « l'américanisation » du groupe, qu'il trouve encore trop « eurocentré ». Les Etats-Unis sont pourtant devenus son deuxième marché, juste devant l'Allemagne, avec environ un tiers du chiffre d'affaires réalisé outre-Atlantique. Cela tient notamment à l'acquisition du programme d'avion Kodiak en 2019, puis de l'usine d'aérostructures de Stuart en Floride en 2022 auprès du groupe américain Triumph. Boeing est ainsi devenu un client aussi important qu'Airbus dans l'activité de Daher.

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L'intégration avant de nouvelles acquisitions

Malgré ses fortes ambitions, Daher devrait quelque peu calmer le jeu de la croissance externe pendant les deux ou trois prochaines années après avoir réalisé les acquisitions AAA et l'usine de Stuart en quelques mois. Didier Kayat veut désormais assurer l'intégration de ces nouvelles entités. Une fois cette phase achevée, Daher devrait se repositionner sur le marché des fusions-acquisitions avec la volonté d'être actif avant la fin de Take Off 2027. Se développer sur le marché de la logistique aux Etats-Unis pourrait ainsi constituer un objectif.

Didier Kayat assure néanmoins que l'entreprise a encore la possibilité de réaliser de nouveaux rachats en cas de « cible stratégiquement incontournable ». Il pourrait s'appuyer pour cela sur une ouverture du capital par la famille Daher, qui possède aujourd'hui 87 % des parts après avoir repris 7,5 % à Bpifrance et Aerofund il y a quelques années pour permettre ce type d'opération. La seule « ligne rouge est que la famille Daher restera l'actionnaire majoritaire et de référence, et opérateur de l'entreprise », comme le précise le dirigeant.

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