Il y a ceux qui se réjouiront de l'accord trouvé entre Dassault Aviation et Airbus sur la phase 1B du SCAF (Système de combat aérien du futur). Ils auront raison. C'est effectivement une bonne nouvelle. « L'accord politique sur le SCAF est un grand pas en avant et - surtout dans le contexte international actuel - un signal important de l'excellente coopération entre la France, l'Allemagne et l'Espagne », a assuré l'Élysée dans un communiqué. Puis, il y a ceux qui expliqueront que cet accord n'ouvre pas encore la voie à un succès définitif de ce programme, qui est le plus emblématique dans la coopération européenne (Allemagne, Espagne et France). Ils auront également raison. Car rien n'est véritablement et définitivement réglé aujourd'hui.
Le Bundestag, l'arbitre suprême
Pourquoi rien n'est réglé ? Le lancement de la phase 1B (études détaillées pour aboutir à la définition d'un démonstrateur), qui doit s'étaler sur trois ans, reste suspendu au vote de la toute puissante commission budgétaire du Bundestag, qui a un droit de regard sur tous les contrats de plus de 25 millions d'euros signés par l'État allemand. Perméable au lobbying des industriels allemands, elle a donc encore le pouvoir de faire capoter cet accord. Et elle le fera sans aucun état d'âme si elle juge que les intérêts des industriels allemands ont été bradés par Berlin. Pour les protéger, Cette commission a formulé plusieurs exigences dès le début des programmes SCAF et MGCS (char du futur).
La commission budgétaire du Bundestag exige sur le SCAF une répartition équitable des travaux technologiques du programme sur deux niveaux, les États et les industriels. Elle exige en outre des avancées parallèles pour ces deux programmes - ce qui semble impossible à ce stade -, et la consolidation de l'armement terrestre, qui est tout aussi irréaliste. Ces deux exigences ne sont donc pas actuellement remplies. Par ailleurs, la réalisation de la phase 1B ne rend pas non plus encore irréversible le SCAF.
Alors pourquoi un accord maintenant ?
Sur la phase 1B, tout est réglé depuis mars dernier entre Airbus et Dassault Aviation, y compris sur les commandes de vol sur lesquelles les deux industriels se sont longtemps déchirés. Dassault Aviation a donc veillé à ce que le contrat reflète bien l'accord trouvé en début d'année entre les deux industriels. Les commandes de vol seront fournies sur étagère par l'avionneur tricolore pour équiper le démonstrateur. Mais Airbus et Dassault Aviation se sont surtout bagarrés au printemps et à l'été sur l'après démonstrateur quand les enjeux pour les deux industriels seront alors majeurs. Airbus Allemagne, qui exigeait plus de responsabilités sur les commandes de vol du NGF (Next Generation Fighter) pour soutenir ses bureaux d'études de Manching, voulait obtenir des engagements fermes de Dassault Aviation sur l'après démonstrateur. L'avionneur tricolore n'aurait pas cédé face aux demandes pressantes d'Airbus.
Pourquoi un accord maintenant ? Parce qu'il y a des crédits budgétaires à dépenser et qui sont disponibles. En août 2021, Berlin, Madrid et Paris avaient expliqué qu'ils allaient financer à hauteur de 3,6 milliards d'euros la phase 1B, soit 1,2 milliard chacun, avait-on alors assuré au cabinet de l'ancienne ministre des Armées, Florence Parly. La France a programmé entre 2023 et 2025 1,26 milliard d'euros de crédits de paiement (372,8 millions en 2023, 471,17 millions en 2024 et 416,51 millions en 2025). Étant par nature très pragmatiques, les industriels, y compris Airbus, n'ont pas eu envie de voir filer sous leur nez ces crédits budgétaires disponibles. Pour l'avionneur européen, il sera alors temps de revenir plus tard à la charge pour obtenir ce qu'il n'a pas eu cette fois-ci.
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