Le ministère des Armées prépare un plan de relance, les industriels de la défense en rêvent

La ministre des Armées préparent un plan de relance. Les industriels de la défense évoquent des pistes : maintien de la loi de programmation militaire a minima, nouvelles commandes, plan pour l'innovation et implication de la Commission européenne.
Michel Cabirol
Il faut bien équilibrer entre un grand futur, un moyen terme, et les mesures de court terme pour éviter que certaines sociétés fassent faillite ou soient rachetées, avertit le président du GIFAS et PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier.
"Il faut bien équilibrer entre un grand futur, un moyen terme, et les mesures de court terme pour éviter que certaines sociétés fassent faillite ou soient rachetées", avertit le président du GIFAS et PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier. (Crédits : skeeze / Pixabay / Creative Commons CC0.)

"Nous travaillons déjà avec le ministère des Armées et la DGA (direction générale pour l'armement, ndlr) sur les modalités" d'un "plan de relance". Cette confidence lâchée au cours de son audition par la commission de la défense de l'Assemblée nationale par le président du GICAT et PDG de Nexter, Stéphane Mayer, prouve que l'Hôtel de Brienne travaille bien sur un plan de relance. Un plan à plusieurs étages : à court terme, puis à moyen et long terme. D'autant qu'un certain consensus s'est dégagé sur la valeur du multiplicateur de croissance de l'investissement de défense : en moyenne 1,27 à court terme et 1,68 à long terme.

"Il faut bien équilibrer entre un grand futur, un moyen terme, et les mesures de court terme pour éviter que certaines sociétés fassent faillite ou soient rachetées", avertit le président du GIFAS et PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier.

"Lorsque nous examinerons le prochain budget, je ne doute pas que certains de nos crédits de paiements auront augmenté afin d'amplifier la relance", avait d'ailleurs assuré le 10 avril lors de son audition au Sénat la ministre des Armées Florence Parly, mais sans révéler l'existence d'un plan de relance. Évidemment, tous les industriels de la défense sont preneurs. Ils suggèrent "une politique budgétaire volontariste au travers de la révision de la LPM et de la loi de finance 2021 en exprimant des montants en valeur absolue et plus seulement en pourcentage du PIB". Car avec le Covid-19, le dogme du PIB est tombé...

A court terme, au moins le maintien de la LPM

Lors de la même audition, les présidents du GIFAS et du GICAN, respectivement Eric Trappier et Hervé Guillou, ont tenu à défendre les intérêts de la filière défense dans le cadre d'un futur plan de relance. "Pour la LPM (loi de programmation militaire, ndlr) nous souhaitons son maintien et que des idées soient données pour ajuster ces programmes dans le but d'alimenter notre industrie de défense", souligne Eric Trappier. "Il y a une nécessité d'un plan de relance de l'économie comme en 2008 car la commande publique est le meilleur moyen de redémarrer l'économie, rappelle Hervé Guillou. Nous nous préparons à faire des propositions pour un plan de relance ambitieux car des territoires dépendent de l'industrie navale". D'une manière générale, Eric Trappier, estime que "si un plan de relance peut être établi, il faut aller chercher une problématique capacitaire".

Sur le court terme, à savoir l'exécution du budget 2020 et la préparation de la loi de finances initiale (LFI), "il s'agit, selon Stéphane Mayer, de continuer, négocier les contrats, à passer des commandes, à réceptionner des matériels qui peuvent être livrés; C'est valable pour les équipements, pour le soutien et le MCO". Les industriels par la voix du président du GICAT plaident également pour un affermissement "de façon anticipée" des tranches conditionnelles de programmes "pour améliorer la visibilité des entreprises et notamment des petites". Pour le domaine terrestre, cela pourrait être les véhicules du programme Scorpion avec le Griffon, le Jaguar et le Serval. Au-delà, Stéphane Mayer évoque "la confirmation de nouvelles commandes inscrites dans la LPM. Pour le domaine terrestre ce sont des Caesar (système d'artillerie autotracté, ndlr), des hélicoptères, des drones mais aussi les autres opérations d'armement qui sont importantes pour le fonctionnement de l'armée de Terre".

Pour Eric Trappier, "il faut être capable de relancer notre économie sinon il y a un risque pour l'emploi et l'activité. Je suis très attaché à l'emploi dans les territoires donc avant de parler de relocalisation, l'industrie de défense se situe déjà en France". Pour l'industrie navale, "cela passe non seulement par la LPM mais aussi par le comité interministériel de la mer avec l'action de l'État sur cet espace (gendarmerie, affaires maritimes, douanes...)", insiste Hervé Guillou. Le président du GICAN rappelle qu'il est par ailleurs "très important de relancer l'export pour rester compétitifs car nous connaissons une situation d'hyper concurrence avec l'Allemagne et la Chine. Cette dernière n'a pas arrêté son activité et se repositionne sur les appels d'offre".

"Côté défense, avoir un minimum de commandes permettrait d'équilibrer les activités des entreprises du secteur et de les stabiliser. Le but est que cet écosystème de l'aéronautique puisse passer le cap. Avec des mesures court terme, c'est en train d'être fait", note le président du GIFAS.

A moyen et long terme

Les industriels de la défense plaident pour un plan de relance la base industrielle et technologique de défense (BITD) à l'image de ce qui avait été réalisé après la crise de 2008, qui avait beaucoup moins forte. Car au-delà du court terme, c'est-à-dire la fin de la LPM (2021-2025) et l'horizon 2030, "il me semble qu'il convient de maintenir les grands programmes voir d'augmenter les budgets de ces derniers dans la LPM, juge Stéphane Mayer. Pour le domaine terrestre, c'est Scorpion et ses incréments, les programmes en coopération comme le char du futur le char du futur (MGCS, Main Ground Combat System) et les moyens du soutien et du maintien en condition opérationnelle ainsi que les moyens dédiés à la recherche et la technologie.

"Soutenir l'industrie de défense c'est assurer des armées plus performantes au service des citoyens, une indépendance stratégique et une souveraineté française. Des valeurs que la crise actuelle éclaire particulièrement", affirme le président du GICAT.

Un consensus se dégage pour les industriels pour flécher les crédits vers la Recherche et Développement (R&D). "Il ne faut pas oublier la R&D et préparer le futur. C'est le bon moment pour développer de nouveaux avions. Cependant, avec des étapes, car on ne pourra tout faire, au moment même où nous traversons une grande crise et n'avoir aucun retour d'activité économique, du chômage... qui serait désastreux pour les territoires", explique Eric Trappier. Car, rappelle Stéphane Mayer, l'industrie de défense assure  des emplois hautement qualifiés à plus de 80% dans les régions françaises.

Enfin, Eric Trappier estime que l'Union européenne, qu'il juge absente du débat, doit "jouer son rôle et des discussions sont en cours avec Thierry Breton". Le Fonds européen de défense doit être utilisé pour aider en Europe et ne doit pas être diminué. C'est loin d'être gagné. Car la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a semble-t-il complètement oublié son passage au ministère de la Défense allemand et ne jure que par un "Green deal"...

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 29/04/2020 à 11:16
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La relance est un projet primordial sur mesure pour Dassault, Nexter et Naval Group qui ne vivent à 75% que de la commande publique et militaire Française malgré quelques succès à l'export... Néanmoins il faudra se poser la question inquiétante et in...

le 29/04/2020 à 17:53
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La course aux armements conduit à la destruction de l'humanité. Qui peut nous aider à un retour au raisonnable.

le 30/04/2020 à 23:52
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Les industries de défense sont les seules qui nous restent pour pouvoir encore nous faire entendre dans le concert des nations, garder un avantage technologique et créer de la richesse. Avec le luxe. Nous avons perdu notre leadership mondial sur l'...

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