Fonds marins : la France se dote d'une stratégie mais avec des moyens capacitaires limités

La maîtrise des fonds marins, qui font l'objet de contestations et de rapports de force, est crucial dans le monde moderne. Car 99% des échanges de données numériques intercontinentaux passent par des câbles sous-marins. Le transport d'énergie peut également reposer sur des tuyaux sous-marins. Enfin ,les richesses minières des fonds sous-marins sont très convoitées.
Michel Cabirol
les fonds marins sont également l'objet d'une compétition effrénée et de contestation affirmées avec des stratégies hybride de certains pays comme la Chine ou encore la Russie.
les fonds marins sont également l'objet d'une "compétition effrénée et de contestation affirmées" avec des "stratégies hybride de certains" pays comme la Chine ou encore la Russie. (Crédits : iStock)

Après le spatial et la cyber, la France se dote d'une stratégie militaire de maîtrise des fonds marins. Et tout comme dans le spatial et la cyber, les fonds marins sont également l'objet d'une "compétition effrénée et de contestation affirmées" avec des "stratégies hybride de certains" pays comme la Chine ou encore la Russie, assure-t-on au ministère des Armées. Un nouveau terrain conflictuel entre puissances sur lequel la France ne souhaite pas avoir une guerre de retard tant les enjeux industriels et de souveraineté sont cruciaux. Une guerre qui là encore ne dit pas son nom mais qui se joue au quotidien. Ainsi, à l'été 2021, un navire océanographique russe Yantar a été à nouveau aperçu au large de l'Irlande alors qu'il opérait à proximité de câbles qui relient l'Europe aux États-Unis. C'est pour cela que la ministre des Armées a présenté ce lundi cette stratégie de maîtrise des fonds marins, dont 97% se situe à une profondeur inférieure à 6.000 mètres.

Course à l'armement

Sur les quelque 450 câbles sous-marins de communication actuellement en service (99% des échanges de données numériques intercontinentaux), 51 sont reliés au territoire national (27 en métropole et 24 en outre-mer). L'importance de ces autoroutes numériques est stratégique pour toutes les nations. Le transport d'énergie (électricité, gaz, pétrole) repose également en partie sur des câbles ou tuyaux sous-marins. D'où l'importance vitale de protéger ces infrastructures face à des rivaux, qui opèrent dans les fonds marins, qui sont très propices à la dissimulation. En outre, les milliards de nodules polymétalliques et de sulfures polymétalliques et encroûtements cobaltifères présents au fond des mers sont porteurs de ressources essentielles. Ainsi, la seule zone Clarion-Clipperton, qui s'étend du Mexique à Hawaï, contiendrait six fois plus de cobalt et trois fois plus de nickel que l'ensemble des réserves terrestres du monde.

Les menaces se multiplient et vont s'accélérer à l'avenir. La dégradation intentionnelle, coordonnée et ciblée de tout ou partie des câbles sous-marins d'une liaison intercontinentale pourrait avoir des conséquences lourdes, notamment en termes de connectivité et de continuité des services. En 2008, la coupure de quatre câbles sous-marins, par un bâtiment au mouillage devant l'Égypte, a causé pendant une semaine la perte de 90% des communications entre l'Asie et l'Europe, perturbant le fonctionnement d'Internet dans près de quinze pays. L'Inde avait alors perdu 80% de sa connectivité.

Les trois grandes puissances mondiales ont massivement investi dans le domaine. La Russie est très active pour tout ce qui a trait à la lutte sous la mer. La maîtrise des fonds marins fait partie intégrante de la stratégie navale russe avec un accent particulier sur la détection sous-marine et l'emploi de drones sous-marins. La Chine investit quant à elle massivement dans la recherche scientifique marine à travers un programme de collecte de données océaniques dont les finalités sont l'exploitation des ressources naturelles, le soutien du développement des capacités navales militaires et la diplomatie maritime. La course à l'armement a conduit les Etats-Unis, qui possèdent déjà une solide expérience, a conduit les États-Unis à relancer ses efforts.

France, un manque de moyens face aux enjeux

Au regard de ces enjeux cruciaux, la France n'investit pas autant qu'elle devrait le faire dans ses moyens capacitaires par rapport aux enjeux déterminants de la maîtrise des fonds marins. Le ministère tente de faire du neuf avec de l'existant. Ainsi, le ministère des Armées a entrepris un travail de recherche de cohérence avec les programmes existants ou en devenir, déjà parties prenantes de la maîtrise des fonds marins (Capacité Hydrographique et Océanographique Future ou CHOF et Système de Lutte Anti-mines du Futur ou SLAMF), ainsi que le développement de capacités nouvelles.

La France veut se doter d'une première capacité exploratoire à l'horizon 2025 d'AUV (Autonomous Underwater Vehicle) et de ROV (Remotely Operated Underwater Vehicle) pouvant opérer jusqu'à 6.000 mètres. Pour soutenir son ambition dans les fonds sous-marins, le ministère des Armées a également décidé de soutenir l'innovation en matière de développement des capteurs embarqués sur les drones et les ROV (robots filoguidés) profonds et recommande d'accélérer les études permettant de détecter des installations sous-marines. D'une manière générale, le ministère va accompagner le développement de la base industrielle et technologique de défense (BITD) sur la maîtrise des capacités sensibles de cette filière, en tirant tout le bénéfice des solutions développées pour les besoins civils, notamment de l'industrie pétrolière.

Michel Cabirol

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Commentaires 8
à écrit le 16/02/2022 à 14:45
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PUISQUE ! La FR préfère dépenser et s'endetter en bureaucratie, technocratie, normes, dépenses, plutot que dans l'avenir, comme par exemple le domaine précité. MACRON le dépensier s"en fout : la bombe de la dette est à retardement, et il n'a pas le ...

à écrit le 15/02/2022 à 9:58
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J'ai un peu l'impression que lorsque nos autorités découvrent un problème ils jettent des milliards un peu comme de l'eau sur un incendie.. Dans les années 70 nous étions pas mal placés pour la découverte des grands fonds pourquoi avons-nous tout sto...

à écrit le 15/02/2022 à 9:18
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La France possède le 3 ème patrimoine marin au monde, le français sera aussi la 3ème langue parlée en 2050 en raison de la forte natalité en Afrique. Que vont faire nos politiciens ? Rien , ou plutôt de la dépense publique stérile, de la démagogie ...

à écrit le 15/02/2022 à 8:49
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Si les richesses sous marines sont réellement aussi convoitées c'est que nous sommes à mille lieu d'une prise de conscience écologique de notre classe dirigeante qui expose qu'elle veut continuer comme avant et qu'au final cette lutte contre les GES ...

le 15/02/2022 à 14:40
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Exploiter les nodules du fond des eaux marines (contenant quantité de métaux utiles, à défaut de précieux) avec de l'énergie électrique verte, ça aura quel bilan négatif ? A part perturber le milieu marin local (ça ça compte aussi, ramassés à la main...

le 15/02/2022 à 14:55
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C'est ça, on dirait de véritables machines nos dirigeants politiques et économiques. 13% de confiance seulement envers ceux sui sont sensés gérer au mieux notre vie ne société, 13% où quand ceux qui passent 8 heures derrière la télé choisissent qui v...

à écrit le 15/02/2022 à 2:29
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Cool ,nous allons pouvoir enlever nos déchets nucléaire balancés un peu partout dans des fosses marines non loin de nos côtes avec une telle stratégie !

le 15/02/2022 à 22:50
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Je vous rassure on l'a fait, en masse. Nous et les autres. Déchets nucléaires, civil et militaire de façon royal et totalement décomplexé. Ce encore actuellement, insidieusement par les effluents.. avec des rallonges au large. Il n'y a pas que le nuk...

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