C'est une première. L'émir du Qatar, Cheikh Tamim Al Thani, effectue sa première visite d'État mardi et mercredi en France depuis son accession au trône en 2013. Il s'agit aussi de la première visite d'État d'un chef d'État qatarien depuis 15 ans après la visite du père de l'émir actuel, Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani en 2009. « Cette visite s'inscrit dans le temps long du partenariat et de l'amitié entre la France et le Qatar », explique-t-on à l'Élysée. Les questions de défense seront logiquement abordées au cours de cette visite. Paris et Doha négocient de grands contrats, pour certains d'entre eux depuis plusieurs années, dans le domaine de l'armement (nouvelle commande de Rafale, véhicules blindés VBCI et satellite d'observation...)
« La France et le Qatar sont deux grands partenaires bilatéraux dans divers domaines, à commencer par l'aide humanitaire ou le développement, l'économie, la défense, la sécurité et la culture. Et tous ces aspects seront renforcés à l'occasion de cette visite d'État », a avancé la présidence de la République.
Œuvrer pour un cessez-le-feu à Gaza
Mais la visite de l'émir du Qatar répond avant tout à deux objectifs plus large : renforcer la coordination au plan international entre la France et le Qatar, notamment dans le contexte régional au Moyen-Orient, ainsi que les relations entre les deux pays sur le plan bilatéral. Priorité de la France, la libération des otages, dont trois Français sont encore détenus à Gaza par le Hamas ou d'autres groupes terroristes. Paris compte sur Doha pour faire avancer ce sujet. Au-delà, les deux pays souhaitent « œuvrer à un élan décisif et irréversible vers la solution à deux États, seule solution viable pour permettre le retour de la paix et de la sécurité pour tous », explique l'Elysée.
Cette visite vise également à renforcer les efforts en cours pour obtenir un cessez-le-feu à Gaza, où les bombardements israéliens ont déjà tué près de 30.000 morts en plus de quatre mois (soit l'équivalent de la population de Biarritz). Un cessez-le-feu permettrait « à la fois d'apporter une aide massive à la population gazaouie et également de parvenir à la libération des otages », estime la présidence. Un « terrain d'entente » aurait été trouvé lors de récentes négociations à Paris visant à décrocher une trêve à Gaza, a déclaré dimanche Jake Sullivan, le conseiller du président américain Joe Biden.
Trêve ou pas, le Premier ministre Benjamin Netanyahu veut quoiqu'il arrive lancer une offensive terrestre sur la ville de Rafah, où pourtant s'entassent, selon l'ONU, près de 1,5 million de personnes, en grande majorité des réfugiés. Une offensive qui sera très probablement particulièrement meurtrière pour les civils palestiniens. L'armée a d'ailleurs « présenté au cabinet de guerre un plan pour l'évacuation des populations des zones de combat dans la bande de Gaza, ainsi que le plan d'opérations à venir », a indiqué le Bureau du Premier ministre dans un court communiqué sans fournir de détails.
Rafale, VBCI, satellite d'observation...
La visite de l'émir du Qatar sera l'occasion pour Paris d'avancer sur certaines ventes d'armes au cours des discussions qu'il aura avec Emmanuel Macron. Les deux dirigeants évoqueront également le renforcement de la coopération en matière de défense. Mais comme le souligne l'Élysée, « nous n'attendons pas de signature de contrat définitif en matière d'équipements à l'occasion de cette visite ».
Le vice-premier ministre et ministre d'État aux Affaires de défense du Qatar, le Dr. Khalid bin Mohamed Al Attiyah, était à Paris la semaine dernière où il a eu l'occasion de s'entretenir à l'Hôtel de Brienne avec le ministre des Armées Sébastien Lecornu « d'un certain nombre de sujets et notamment de discussions en matière d'équipements pour les forces armées qatariennes ». Parmi les sujets d'importance sur la table, la nouvelle commande de Rafale (24 appareils), le dossier VBCI (Nexter) qui traîne en longueur depuis près de dix ans et le satellite d'observation Pléiades Neo d'Airbus. Pour ce dernier dossier, la solution proposée pourrait ne pas convenir au Qatar.
A l'occasion de cette visite du ministre aux Affaires de défense, « des éléments d'accord ont d'ailleurs pu être signés en matière d'innovation de défense ». Ainsi, la Direction générale de l'armement (DGA) avec le ministère aux Affaires de la Défense du Qatar et la société qatarienne Barzan Holdings, ont signé un mandat (terms of reference) pour la mise en place d'un comité de pilotage visant à accroître et faciliter la coopération de défense sur le volet industriel, entre les deux pays. Les deux ministres ont réaffirmé « leur volonté d'approfondir le partenariat franco-qatarien aux plans opérationnel et industriel ».