Les armées sont à court de munitions en attendant la future loi de programmation militaire

Le ministre des Armées Sébastien Lecornu veut réaugmenter les stocks de munitions (missiles et obus) des armées françaises dans le cadre de la future loi de programmation militaire. Parallèlement, Eurenco va relocaliser un site de production de poudres en France.
Michel Cabirol
« Les stocks vont réaugmenter. C'est dans la cible de la LPM. Les besoins financiers sont documentés et importants. Globalement les ressources seront au rendez-vous. L’effort est massif » (Sébastien Lecornu, ministre des Armées)
« Les stocks vont réaugmenter. C'est dans la cible de la LPM. Les besoins financiers sont documentés et importants. Globalement les ressources seront au rendez-vous. L’effort est massif » (Sébastien Lecornu, ministre des Armées) (Crédits : Michele Tantussi)

Depuis qu'Emmanuel Macron a lancé en juin 2022 au salon Eurosatory à la surprise générale le fameux concept d'économie de guerre, qui n'avait pas été vraiment débattu auparavant (selon nos informations), le ministre des Armées Sébastien Lecornu a dû beaucoup ramer pour plaquer une réalité sur cette fulgurance présidentielle. Il a donc beaucoup encouragé, incité, aiguillonné, voire houspillé, les industriels à se montrer coopératifs avec la vision du président. Mais sans véritables commandes additionnelles dimensionnantes, les industriels n'ont finalement manifesté qu'un enthousiasme très modéré à produire plus vite et moins cher comme le recommande pourtant instamment l'Hôtel de Brienne.

Pour autant, le lancement de ce concept n'a pas été inutile. Loin de là. Il a notamment permis de remettre à plat un certain nombre de points sclérosants dans l'organisation de la filière (armées, Direction générale de l'armement et industriels), qui ne facilitent pas la fluidité des livraisons des industriels aux armées et aux clients à l'export : délais trop longs dans la définition du besoin et pour la certification, simplification des spécifications... La mise en œuvre d'un plan d'actions sur ce volet sera cruciale pour permettre une accélération des livraisons des industriels (hors commandes). D'un bon mot présidentiel en juin 2022 à aujourd'hui, il aura quand même fallu huit mois au ministère pour présenter un plan d'actions sur les munitions, qui est pourtant l'un des éléments clés de l'économie de guerre.

Un plan d'actions à concrétiser

Un plan d'actions qui n'en est pas encore tout à fait un. Pour deux raisons. Les industriels devront attendre les derniers arbitrages de la future Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 pour connaître l'ampleur des commandes dans le domaine des munitions. Le ministre a toutefois déjà promis « d'enclencher des perspectives d'achat sur une base moyenne de 15.000 coups complets (projectiles et propulseurs, ndlr) par an pour l'armée de Terre française » dans le cadre de la prochaine LPM. Une décision qui concerne les obus, notamment ceux de 155 mm. Les industriels auront une visibilité sur les commandes lorsque Sébastien Lecornu présentera fin mars, début avril la future LPM en conseil des ministres.

L'ampleur des commandes permettra (ou pas) aux industriels de redimensionner à la hausse leur outil de production. Une telle décision exige de la part de l'industriel des investissements lourds pour augmenter les cadences et les volumes de production. Et jusqu'ici, le ministère qui a été chiche sur les commandes additionnelles (hors LPM 2019-2025), ne leur a pas permis de lancer de tels investissements. Les commandes additionnelles d'ampleur modeste ont concerné une centaine de missiles sol-air de très courte portée Mistral (MBDA), un réassort limité d'obus de 155 mm (Nexter) dans le cadre des AOA (autres opérations d'armement) et une reconstitution partielle du parc de canons d'artillerie Caesar, dont 30 exemplaires ont été cédés à l'Ukraine.

« Les stocks (de munitions, ndlr) vont réaugmenter. C'est dans la cible de la LPM. Les besoins financiers sont documentés et importants. Globalement les ressources seront au rendez-vous, a promis le ministre. L'effort est massif ».

En attendant les « plusieurs milliards » pour les munitions prévues dans la future LPM (sur un total de 413 milliards d'euros), Sébastien Lecornu a confié deux missions très spécifiques à d'anciens très hauts responsables de la DGA (l'ancien Délégué général pour l'armement Laurent Collet-Billon et l'ex-directrice de la maintenance aéronautique, Monique Legrand-Larroche), qui devront rendre les conclusions de leur mission dans un mois. Laurent Collet-Billon doit coordonner les actions industrielles pour augmenter les cadences de munitions, notamment du missile Mistral et des obus de 155 mm. « C'est le segment où les besoins sont les plus importants », a rappelé le ministre. « Pour 2023, nous sommes déjà à 30 unités par mois (contre 20 en 2022, ndlr) et l'objectif pour 2025 est de 40 unités par mois et il convient de fiabiliser tout cela », a assuré Sébastien Lecornu. En outre, le ministre souhaite que le missilier MBDA baisse ses délais de livraison du missile sol-air Aster à 18 mois (contre 40 aujourd'hui). L'OCCAr a d'ailleurs lancé la production de la nouvelle génération de systèmes de défense aérienne à moyenne portée (SAMP/T NG) pour la France et l'Italie.

Pour sa part, Monique Legrand-Larroche est chargée d'auditer l'ensemble de la production (de l'approvisionnement des matières premières à la chaîne des fournisseurs) ainsi que le maintien en condition opérationnelle du Caesar. Nexter a déjà réussi à baisser ses délais de livraison de 30 à 17 mois et a également augmenté ses cadences de production de deux Caesar à 6 par mois fin 2023. L'objectif de l'industriel est d'atteindre 8 Caesar par mois à mi-2024. Commandés en juillet 2022, les 18 Caesar seront livrés fin 2023. Soit 17 mois.

Relocalisation : l'heureuse surprise d'Eurenco

Il faut de la chance quand on est ministre. Et Sébastien Lecornu en a eu sur ce coup-là. Il a très légitimement sauté sur le projet d'Eurenco, le leader européen des explosifs, propulseurs et combustibles pour les munitions d'artillerie. Cet industriel français (250 millions de chiffre d'affaires pour 1.200 salariés) va relocaliser à Bergerac (Dordogne) un site de production de poudres propulsives pour des obus de 155 mm principalement en développant une capacité de 95.000 coups complets par an à partir de l'été 2025 (soit 1.200 tonnes de poudre propulsive qui permettront de fabriquer 500.000 charges modulaires). L'industriel produit aujourd'hui cette poudre en Suède, et en achète auprès de fournisseurs italiens, allemands et suisses.

Pourquoi Eurenco a-t-il lancé cet investissement ? « Il existe des besoins croissants en Europe », a expliqué à La Tribune Thierry Francou, qui a déjà dans son carnet des commandes fermes pour 2027. Mêmes les Américains ont sollicité Eurenco pour acquérir de la poudre. Parallèlement à cet investissement à Bergerac, Eurenco augmente également ses capacités de production dans ses autres sites en Europe. Très clairement, Eurenco aurait également investi s'il n'y avait pas eu la guerre en Ukraine. Cette dernière a finalement accéléré les discussions avec le ministère des Armées pour relocaliser cette activité considérée comme souveraine en France.

Ce projet de 60 millions d'euros (dont 50 millions autofinancés) a mûri depuis 2019 et arrive à pic pour Eurenco, qui a identifié de nouveaux besoins mondiaux, mais aussi pour... Sébastien Lecornu, qui avait annoncé une volonté politique de relocaliser des productions souveraines. C'est bien le cas avec Eurenco... mais pas complètement dans le cadre de l'économie de guerre. « Ce projet prend toute sa résonance aujourd'hui », a convenu le PDG d'Eurenco, Thierry Francou. En revanche, la reconstitution d'une filière petit calibre en France n'est toujours pas prioritaire pour le ministère. Des propos diplomatiques pour ne pas dire que ce projet avec Nobelsport a fait long feu...

Michel Cabirol

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Commentaires 26
à écrit le 24/02/2023 à 10:44
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on touche le fond , la première fonction d’un état c est de protéger et de se donner les moyen de le faire, la priorité ce ce gouvernement c'est avant tout de défaire nos institutions et de les remplacer par un arc en ciel plein de rêves , on est en...

à écrit le 24/02/2023 à 9:07
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Dans un cas d'urgence, faut-il une loi votée - peut-être - par un Parlement fantôme pour fabriquer des flèches pour nos arcs?

à écrit le 23/02/2023 à 22:23
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On a délocalisé la production des munitions en Chine comme tout? Moins cher!

le 24/02/2023 à 3:01
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On ne peut pas tout faire, il faut faire des choix. Je préfère une armée échantillonnaire qui nous permet de garder le 3ème rang d'exportateur d'armement à une armée qui produit des munitions pour les donner à l'Ukraine. On oublie que l'armée russe ...

à écrit le 23/02/2023 à 20:38
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Cool, pas besoin de mourir si on n'a pas de balles, cela m'a va très bien. Quand je vois ceux qui nous commandent et ce qu'ils ont fait de la France en 50 ans, j'ai pas envi de servir de chair à canon pour ces gens là. Je tente ma chance avec un nouv...

à écrit le 23/02/2023 à 19:36
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Plus assez d'armes pour acheter les chefs de guerre africains et faire le plein d'uranium pour les réacteurs nucléaires à l'arrêt... Vive l'atome vert kryptonite!

à écrit le 23/02/2023 à 17:26
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A constater un tel désastre qui compromet à ce point là la sécurité de la France et des Français, il va devenir indispensable de poursuivre judiciairement en Coure Martiale les dirigeants gouvernementaux et les parlementaires de la France des années ...

à écrit le 23/02/2023 à 14:18
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La honte. Le seul sujet ou la France est championne, c'est celui des impôts. Partout ailleurs,rien ne va. On est devenu nul, et peu crédible aux yeux du monde. La France est en train de devenir un désastre. !! On a assurément les politiques qu'on mé...

le 23/02/2023 à 16:44
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Gros soupir. ''Les français sont des râleurs ''. Qu'ils comparent donc avec nos voisins. Au niveau militaire, on est mieux lotis que les allemands et les britanniques. Notons que Dassault fabrique plus de Rafales que la Russie ne sort de Soukhoï. Po...

à écrit le 23/02/2023 à 13:35
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On a les politiques qu'on mérite, à mettre des enarco-technocrato-incompetents, on a ce résultat, tout est fait pour l'échec, vous voulez créer une affaire et vous avez des feuilles à remplir, une pièce d'identité, bref la socilo-libero macronie a tu...

le 23/02/2023 à 16:36
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Vous comprenez ce que vous lisez? On peut être contre Macron, mais en ce qui concerne l'Armée on a pas eu de meilleur président depuis au moins 20 ans.

le 24/02/2023 à 9:09
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@bof "mais en ce qui concerne l'Armée on a pas eu de meilleur président depuis au moins 20 ans. " A noter qu'à la même époque macron refusait de faire son service militaire.

le 24/02/2023 à 16:49
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Le meilleur président depuis 20 ans, et en quoi est il le meilleur, pour suivre les américains et obéir aux allemands, effectivement il est le meilleur, j'ai 56 ans, j'ai fais mon service militaire +VSL, à l'époque on avait une armée correct, il y a ...

à écrit le 23/02/2023 à 13:34
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On a les politiques qu'on mérite, à mettre des enarco-technocrato-incompetents, on a ce résultat, tout est fait pour l'échec, vous voulez créer une affaire et vous avez des feuilles à remplir, une pièce d'identité, bref la socilo-libero macronie a tu...

à écrit le 23/02/2023 à 12:14
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Nous sommes surtout à court de ministres des armées dignes de ce nom !! ( cf photos successives, , le portrait d'aujourd'hui vaut le détour ) !

à écrit le 23/02/2023 à 9:47
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C'est toute la France qui est à cours de munitions (éducation nationale, santé, énergie, sécurité dont une immigration hors de contrôle, avec une dette qui s'envole) et avec tout ça nous donnons des coups de menton et nous allons à la guerre.. Pour m...

le 23/02/2023 à 12:36
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une renaissance en boomerang ! affligeante cette politique de com

le 23/02/2023 à 13:31
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à mon avis les chars coutent très cher et sont dépassés , certains pays ont abandonnés le char comme le canada etc ce sont des cibles faciles

le 23/02/2023 à 17:00
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"il y a le chiffre de 40 qui circule ce qui suffit pour THE défilé.. " Et encore : Souvenir : Des passages piétons arrachés,des bandes blanches qui disparaissent et des espaces de livraisons qui font grise mine... le défilé du 14 Juillet a, une...

à écrit le 23/02/2023 à 9:42
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Pour ce genre "d'équipement", il faut une entreprise nationalisée qui va coûter cher, voire à fonds perdus, mais ça éviterait de se trouver "à poil" les temps troubles venus.

à écrit le 23/02/2023 à 9:30
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il exige et il menace, mais n'a pas de resultat car ca fait 50 ans que les politicviens menacent et exigent des resultats, tout en ne changeant rien de leur cote bien sur! il croit vraiment que les gens sont idiots a ce point?

à écrit le 23/02/2023 à 9:12
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OK ! on a donné toutes nos munitions aux Ukrainiens (en espérant qu'ils ont vraiment tiré avec, et qu'ils ne les ont pas revendues). C'est très bien : la bonne conscience n'a pas de prix. Mais si on nous attaque, comment on fait pour défendre le t...

le 23/02/2023 à 12:53
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"si nos braves soldats n'ont pas de cartouches ?" Faut ressortir le fusil lebel avec deux cartouches comme en 40.

à écrit le 23/02/2023 à 9:10
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C'est un ministre qui cherche toujours a bien se placer mais qui n'arrive a aucune solution a l'image de son passage a l'Outre-Mer !

à écrit le 23/02/2023 à 9:08
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Souvenir : Comme dans un film de série B, les salariés d'Eurenco se sentent prisonniers d'une pièce dont les quatre murs se rapprochent inexorablement jusqu'à les écraser. En 1992, c'était la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), 1 50...

à écrit le 23/02/2023 à 7:55
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La France de micron, c'est l'invention de l'eau chaude a defaut de pomper, tel un Shadock, mais il n'est pas drole.

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