Tigre, drones, MGCS, munitions : les priorités capacitaires de l'armée de terre

La modernisation du Tigre ne concernera que 42 appareils en raison du refus temporaire (?) de l'Allemagne de s'engager à rénover sa flotte d'hélicoptères de combat. L'armée de terre veut mettre en service 3.000 drones en 2023.
Michel Cabirol
le général Hervé Gomart espère que la prochaine LPM pourra financer la totalité de la modernisation de la flotte Tigre au standard Mk3
le général Hervé Gomart espère que la prochaine LPM pourra financer la totalité de la modernisation de la flotte Tigre au standard Mk3 (Crédits : Airbus Helicopters)

Si le chef d'état-major des armées (CEMA) a pour objectif de gagner la guerre avant la guerre, cela n'empêche pas l'armée de terre de se préparer pour être apte à s'engager dans tous les conflits, y compris d'intensité, jusqu'à l'affrontement majeur et avoir la supériorité opérationnelle. Cela passe par des capacités qu'elle n'a pas encore (stocks de munitions suffisants pour mener des combat à haute intensité notamment) même si elle a engagé la modernisation de la plupart de ses systèmes d'armes. Si elle commence à recevoir des véhicules blindés multi-rôles Griffon et des engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, l'armée de terre n'a aujourd'hui reçu que "10%" de la flotte programmée de ses véhicules blindés du segment médian (Serval, Griffon, Jaguar) dans le cadre de cette modernisation, a confié le major général de l'armée de terre, le général Hervé Gomart, lors d'une rencontre avec l'AJD (Association des journalistes de défense) à laquelle participait le nouveau chef d'état-major de l'armée de terre, le général Pierre Schill (CEMAT).

"Nous sommes au début de la modernisation du segment médian", a souligné le général Hervé Gomart. A la fin de la LPM 2019-2025 (loi de programmation militaire), l'armée de terre aura reçu "45%" des systèmes d'armes de ce segment. Elle compte sur le respect de la LPM, qui prévoit entre 2023 et 2025 l'augmentation des crédits pour les armées de trois milliards par an. Ce qui permettra une remontée en puissance des entraînements de l'armée de terre, qui prépare un grand exercice interarmées en 2023 (Orion) auxquels participeront 10.000 militaires "face à un adversaire dur", a précisé le général Pierre Schill. Une grande première depuis 30 ou 40 ans qui s'inscrit dans la préparation du combat à haute intensité voulue par le général Thierry Burkhard (CEMA).

Tigre Mark 3, le surcoût de la non-décision de Berlin

La France n'a pas eu le temps d'attendre l'Allemagne pour la modernisation du Tigre, l'hélicoptère de combat, qui équipe les armées françaises, allemandes et espagnoles. Les tergiversations allemandes ont un coût : sur un parc de 67 Tigre, l'armée de Terre ne pourra en moderniser que 42 au standard Mark 3 (Mk3), a révélé le général Hervé Gomart. Le major général espère que la prochaine LPM pourra financer la totalité de la modernisation de la flotte Tigre au standard Mk3. La porte reste ouverte "jusqu'à cet été" aux Allemands pour moderniser leur Tigre (53 en service), a-t-il confirmé. Comme il a corroboré que le Tigre Mk3 était lancé par la France avec l'Espagne.

Le général Hervé Gomart a par ailleurs confirmé les "soucis de disponibilité" du NH90 TTH (version terrestre) même s'ils n'atteignent pas ceux de la marine. Il a regretté le coût de son maintien qu'il a qualifié de "cher". Il a toutefois expliqué que cet appareil était "très, très employé" sur les théâtres d'opérations et rendait beaucoup de services aux forces armées. D'une manière générale, il a souligné que la flotte des hélicoptères de l'armée de terre coûtait "cher" à l'entretien mais qu'actuellement "on était sur une bonne dynamique" grâce aux contrats verticalisés mis en place par le ministère des Armées, et notamment la direction de la maintenance aéronautique (DMAé).

MGCS, une très légère avancée

Le char du futur franco-allemand (MGCS) avance sous les radars. Le CEMAT vient de valider un document de concept exploratoire portant sur l'emploi de ce futur système d'armes franco-allemand (Main Ground Combat System). Un document partagé travaillé en amont par les équipes MGCS des deux armées et qui est actuellement entre les mains de son homologue allemand. "Nous attendons le retour de la partie allemande", a précisé le major général. Il a expliqué qu'il n'y avait pas de divergences entre les deux armées mais qu'il y avait plutôt "un sujet industriel" entre Rheinmetall et Nexter/KNDS. L'armée de terre attend également une prise de position du nouveau gouvernement allemand et de la ministre de la Défense allemande, Christine Lambrecht, sur ce programme. A ce jour, Berlin ne s'est pas prononcé.

En 2023, 3.000 drones dans l'armée de Terre

Nano, micro, mini, consommables, kamikazes, tactiques... L'armée de terre ne veut plus avoir une guerre de retard en matière de drones. Elle avait pourtant mis en service dès 1992 le drone tactique de reconnaissance CL-289. "Toutes les unités de l'armée de terre doivent savoir se servir utiliser un drone" pour aller au combat, a expliqué le général Hervé Gomart. Résultat, l'armée de terre aura 3.000 drones en 2023, a-t-il annoncé. A commencer par le drone Patroller (Système de drone tactique ou SDT), qui doit enfin entrer en service cette année dans l'armée de terre.

Par ailleurs, elle souhaite "acquérir des drones consommables ou bas coûts" à moins de 1.000 euros - "il faut désinhiber l'emploi de ces drones chez les militaires et leurs chefs" -  et des "munitions rôdeuses", des drones kamikazes sur lesquels "l'homme reste dans la boucle", a assuré le major général. "On aura besoin de cette capacité", a-t-il estimé. Enfin, qui dit drone, dit lutte anti-drones. Le conflit Azerbaïdjan/Arménie a laissé des traces dans les esprits même si la menace anti-drones est présente depuis plusieurs années pour l'état-major des armées dans le cadre des opérations extérieures. L'armée de terre réfléchit au meilleur dispositif (moyens mobiles) pour protéger ses soldats en opérations.

Vers une remontée des stocks de munitions

Pour l'état-major des armées, les stocks de munitions sont "un des sujets de vigilance", a reconnu le major général. Dans un passé encore récent, les munitions ont servi à l'armée de terre de variables d'ajustement pour maintenir l'ensemble du spectre des équipements terrestres en raison des contraintes budgétaires imposées par les politiques. Résultat, les stocks de munitions ont été progressivement réduits pour combler d'autres besoins. Cette lacune capacitaire est prise en compte par l'armée de terre, tout comme la ministre des Armées en a pris conscience.

L'armée de terre n'a "pas un stock suffisant de munitions" pour mener un combat de haute intensité dans la durée, a admis le général Hervé Gomart. Pour la remontée des stocks, qui "fait partie de nos priorités", il a précisé que "cela prendrait du temps". Pour autant, il a pointé du doigt des défaillances de certains industriels et de savoir-faire industriels. Il a expliqué que le redémarrage de chaînes de munitions "n'était pas la priorité des industriels, qui les faisaient fonctionner au ralenti ou les arrêtaient". Pour le général Pierre Schill, l'approvisionnement souverain est pourtant une des clés de la remontée en puissance pérenne de l'armée de terre.

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 31/01/2022 à 15:44
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Après la "déconstruction", mot à la mode, la reconstruction. Aucun gvt n'a autant fait pour notre Armée. Celà démontre une juste vison du monde actuel.

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