Qu'ArianeGroup se lance dans les mini-lanceurs est d'une logique implacable sur le plan industriel et, surtout, commercial pour le leader européen du transport spatial. Son PDG André-Hubert Roussel a pris une décision d'industriel qui s'imposait. Il n'était d'ailleurs que temps. En revanche, que la France donne son feu vert est une réelle surprise par rapport à ses objectifs de coopération avec l'Allemagne : d'un côté, la France a entrainé avec succès Berlin sur le soutien d'Ariane 6 (préférence européenne pour le lancement des satellites "Made in Europe" et financement de l'exploitation du lanceur pour un montant de 140 millions d'euros par an) mais, d'un autre côté, elle favorise le développement de plusieurs mini-lanceurs français, qui seront concurrents de ceux actuellement développés en Allemagne (Isar Aerospace, RFA One, HyImpulse). Des programmes qui font aujourd'hui la fierté de l'Allemagne dans le spatial, notamment des politiques.
La France compte rester leader dans le spatial
Cette décision aurait pu irriter les Allemands et entrainer une surenchère entre les deux pays. L'accord passé cet été entre la France et l'Allemagne prévoit cette concurrence dans le domaine des micro et mini-lanceurs, assure Bercy. Ce qui n'est pas le cas pour les lanceurs lourds, précise par ailleurs le ministère. Mais, cette compétition entre les deux pays arrivera tôt ou tard. Car une fois maîtrisé les mini-lanceurs, les start-up allemandes, celles qui survivront, se lanceront quoi qu'il arrive dans le développement et la fabrication d'un lanceur lourd, qui apporte beaucoup plus de valeur ajoutée sur le plan commercial que les micro et mini-lanceurs. C'est le sens de leur histoire. A la France et à ses industriels de tuer cette concurrence en asséchant le marché avec un produit fiable et compétitif au niveau des prix.
"On accepte qu'il y ait une forme de concurrence sur les segments de marché micro et mini-lanceurs entre pays européens. On considère que la France a toute sa place à jouer dans cette compétition et elle s'en donnera les moyens à travers le projet d'ArianeGroup et à travers les projets d'acteurs privés", assure Bercy.
L'Europe est sans doute à la veille d'une compétition acharnée entre industriels français, allemands et italiens, voire espagnols, dans le domaine des lanceurs. Quoi qu'il en coûte, ArianeGroup doit rester dans la course sur l'ensemble des segments du marché des lanceurs. C'est ce que laisse entendre clairement Bercy : "La France compte rester leader dans le domaine de l'espace : elle maintient bien son rôle de leader en investissant massivement à la fois dans des produits qui sont absolument cruciaux pour la filière à court terme comme Ariane 6 et elle restera également leader en investissant dans les technologies du futur". C'est le cas pour le marché d'un mini-lanceur réutilisable.
ArianeGroup a toutes les cartes en main
L'arrivée d'ArianeGroup est une mauvaise nouvelle pour la concurrence européenne. En dépit des retards d'Ariane 6, le leader européen dans le transport spatial, qui sait encore concevoir des lanceurs, dispose de tous les atouts techniques et technologiques pour devenir un leader mondial dans le segment des mini-lanceurs. A condition de développer un produit vraiment "best cost" c'est-à-dire en s'affranchissant radicalement de son modèle de coûts actuel. Il lui faut donc une équipe agile, qui devra être recrutée en grande partie à l'extérieur d'ArianeGroup. En outre, le groupe devra mettre en place des procédés de fabrication optimisés comme par exemple la fabrication additive. D'où la création de la filiale MaiaSpace pour mener à bien ce projet de mini-lanceur.
Par ailleurs, il semble évident que Maia sera doté d'un moteur utilisant les briques du moteur Prometheus, dont ArianeGroup possède la propriété intellectuelle. Un atout de fiabilité indéniable pour rassurer le marché face à une concurrence européenne qui tâtonne encore pas mal dans la motorisation. Car le constructeur d'Ariane 6 ne prévoit qu'un premier lancement de Maia en 2026. C'est très tard par rapport aux calendriers des premiers vols des autres mini-lanceurs. Toutefois, le leader européen du transport spatial peut compter sur le soutien de l'État français. Le projet Maia fera l'objet de financements spécifiques dans le cadre de France Relance et/ou de France 2030, confirme Bercy. L'État, qui investit déjà 15 millions d'euros dans la méthanisation du banc d'essai moteur PF50 sur le site de Vernon (Eure), et ArianeGroup ont actuellement des discussions pour définir tout ce soutien.
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