Pourquoi Safran investit dans les activités dites de souveraineté

La souveraineté sur le plan technologique et la sécurisation de la chaine de fournisseur sont deux axes qui "potentiellement sont des éléments qui peuvent nous amener à faire des opérations dans ce domaine dit de souveraineté", a expliqué le directeur général de Safran Olivier Andriès, lors de la présentation des résultats 2021.
Michel Cabirol
Safran se prépare à une cadence de quatre Rafale par mois à l'horizon 2024/2025
Safran se prépare à une cadence de quatre Rafale par mois à l'horizon 2024/2025 (Crédits : Dassault Aviation)

Orolia, Aubert & Duval, CILAS... Les trois acquisitions lancées par Safran, qui sont en cours de conclusion, ont été réalisées dans le cadre d'une stratégie dite de souveraineté souhaitée par son directeur général, Olivier Andriès. Cette stratégie a pour objectif de  renforcer l'autonomie de Safran sur le plan technologique (Orolia, CILAS, Aubert & Duval) et de sécuriser sa chaine de fournisseurs, au sein de laquelle l'entreprise Aubert & Duval est considérée comme "critique" pour l'équipementier civil et militaire. "Ces deux dimensions, ces deux axes sont pour nous potentiellement des éléments qui peuvent nous amener à faire des opérations dans ce domaine dit de souveraineté", a expliqué Olivier Andriès, interrogé par La Tribune lors de la présentation des résultats 2021 de Safran.

Les activités de défense de Safran, y compris dans l'aviation militaire, représentent un chiffre d'affaires de l'ordre de 4 milliards d'euros. Soit une proportion de 25% à 30% en 2021 en raison de la baisse du chiffre d'affaires dans le civil. Ce volume d'activité ne va , "pas grimper de manière significative", a expliqué le nouveau directeur financier de Safran, Pascal Bantegnie. Cette activité devrait progresser "légèrement" en raison de la hausse dans les années à venir des cadences de livraison du Rafale, qui a obtenu plusieurs contrats significatifs à l'export. "Nous prévoyons un doublement des cadences entre 2021 et la période 2024/2025 et au-delà, a indiqué Olivier Andriès. Je pense qu'on sera sur des cadences de trois, quatre Rafale. Nous allons nous préparer pour une cadence de quatre avions par mois. En termes de moteurs, cela fait deux plus". Enfin, Safran est "engagé à livrer le système Patroller d'ici à la fin de l'année" à l'armée de terre française.

Aubert & Duval, critique pour Safran

"Il n'y a pas de souveraineté dans l'aviation de combat s'il n'y a pas de maîtrise des moteurs ; il n'y a pas de maîtrise des moteurs s'il n'y a pas de maîtrise des parties chaudes ; il n'y a pas de maîtrise des parties chaudes s'il n'y a pas de maîtrise des matériaux", a expliqué le directeur général de Safran, Olivier Andriès. C'est clair, très clair. Aubert & Duval est une entreprise critique pour Safran et Airbus mais aussi pour toute la filière aéronautique militaire française. Cette filiale d'Eramet a notamment permis à Safran de développer le moteur M88 du Rafale en général, et plus précisément des parties chaudes stratégiques dans tous les moteurs. D'où l'importance cruciale d'Aubert & Duval dans le cadre du développement du moteur du SCAF par Safran, qui en pilotera les parties chaudes en tant que responsable.

"Aubert & Duval est le seul élaborateur de matériaux, en dehors des Etats-Unis, qui est capable en partenariat avec un motoriste, d'élaborer les nouveaux superalliages, dont on a besoin pour les nouvelles parties chaudes du moteur de nouvelle génération pour l'avion de combat futur", a précisé Olivier Andriès. Nous ne pouvons nous permettre d'être dépendant d'un fournisseur ou d'un élaborateur de matériaux non européen".

Aubert & Duval est par ailleurs l'un des seuls rivaux dans le domaine des produits forgés face à deux grands groupes américains. "C'est important d'être en mesure d'avoir aussi une source d'approvisionnement dans le domaine de la forge, qui soit performante et qui nous permettent de nous désensibiliser un petit peu face à cet oligopole de forgerons américains", a expliqué Olivier Andriès, dont Safran aura le contrôle opérationnel dans le cadre du consortium (Airbus et Tikehau Ace Capital), qui est en train de racheter Aubert & Duval. Cette opération tient "évidemment à des questions de souveraineté et de maîtrise de notre chaîne d'approvisionnement", a-t-il martelé.

Orolia et CILAS, des briques technologiques convoités

Si Safran a mis un paquet d'argent sur Orolia, c'est que cette société française en valait le coup. Cette société est devenue leader mondial dans le domaine des horloges atomiques, qui donnent "avec une précision diabolique le temps", a confié Olivier Andriès. Elles équipent les constellations, notamment le système de navigation par satellite européen, Galileo.

"Orolia est capable de nous apporter ce que j'appelle la quatrième dimension, a-t-il expliqué. Chez Safran, nous sommes à l'état de l'art mondial, - c'est reconnu d'ailleurs par la DARPA - dans le domaine de la navigation inertielle. Nous sommes capables aujourd'hui de développer des systèmes de navigation inertielle qui donnent avec une précision extraordinaire une information sur la localisation précise dans les trois dimensions. Et Orolia nous rajoute la dimension temps".

Grâce à cette nouvelle brique technologique, ces systèmes de navigation inertielle pourront être résilients si le GPS américain est brouillé ou leurré (PNT résilient). Un atout très important pour beaucoup de systèmes de défense critiques de pouvoir continuer à opérer dans des contextes très dégradés. Avec Orolia, Safran va devenir un acteur mondial du PNT résilient et va renforcer ses activités de navigation inertielle, qui sont déjà leader en Europe.

Enfin, avec CILAS, spécialiste des lasers mais qui se fournit en composants aux Etats-Unis, Safran va utiliser cette technologie dans des capteurs équipant les boules optroniques, notamment Euroflir. "Nous voulons maîtriser les différentes technologies : l'infrarouge mais aussi le laser", a souligné le patron de Safran. Le groupe de défense a développé une couche d'intelligence artificielle pour fusionner les informations qui viennent des différents capteurs et permettre aux opérationnels d'avoir la meilleure connaissance de la situation sur le terrain. Ces boules EuroFlir ont vocation à équiper les hélicoptères, les avions, les drones mais aussi les véhicules terrestres et les navires de guerre. "C'est la souveraineté dans le domaine technologique", a insisté Olivier Andriès

Michel Cabirol

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