Safran et TotalEnergies s'allient pour le développement des carburants verts

Déjà partenaires sur différents projets, le motoriste Safran et l'énergéticien TotalEnergies renforce leur alliance sur les enjeux de décarbonation du transport aérien avec un accord stratégique. Orienté sur la R&T, l'approvisionnement et la promotion des carburants aériens durables. Pour autant, les freins sont encore nombreux avant que l'aérien ne puisse s'affranchir du kérosène.
Léo Barnier
Safran et TotalEnergies concluent un partenariat stratégique pour la décarbonation du secteur aérien.
Safran et TotalEnergies concluent un partenariat stratégique pour la décarbonation du secteur aérien. (Crédits : Regis Duvignau)

Alors que l'utilisation de l'hydrogène ne devrait pas se concrétiser avant une quinzaine d'années, la solution des carburants aériens durables (SAF) s'impose comme un passage obligé pour réduire l'empreinte carbone du transport aérien. Safran et TotalEnergies annoncent donc, ce 27 septembre, un partenariat pour « le développement et l'utilisation de ces carburants et acquérir une vision commune et complète des filières et des usages ».

Les deux groupes se sont fixés deux objectifs : atteindre à court terme un taux d'incorporation de SAF dans les moteurs de génération actuelle pouvant aller jusqu'à 100 %, puis à long terme améliorer le rendement « des couples moteurs/carburants ».

Un objectif de 100 % technologiquement atteignable

Aucun obstacle technologique majeur ne semble aujourd'hui s'opposer à la réalisation de ce premier objectif. Pour l'instant, les moteurs aéronautiques peuvent recevoir jusqu'à 50 % de carburants durables sans modification technique ou réglementaire (« drop in »). Pour aller jusqu'à 100 %, des évolutions raisonnables sont à prévoir, notamment pour assurer la lubrification du moteur en l'absence de kérosène ou l'étanchéité des joints.

Ces questions seront adressées par le premier des trois piliers du partenariat : consacré à la « recherche, la technologie et l'innovation », il doit permettre l'émergence de briques technologiques puis leur validation par des campagnes d'essais au sol puis en vol.

TotalEnergies est d'ailleurs déjà associé avec Safran Helicopter Engines, filiale du groupe Safran spécialisée dans les moteurs d'hélicoptères pour faire tester au banc un moteur Makila 2 avec 100 % de SAF. Celui-ci tourne depuis fin août. Safran est également impliqué aux côtés d'Airbus, Dassault Aviation, du ministère des transports et de l'Onera dans le projet Volcan (Vol avec carburants alternatifs nouveaux) qui doit, avec le soutien du plan de relance aéronautique, aboutir au vol d'un A320 NEO avec un moteur approvisionné uniquement en carburant durable

D'autres acteurs sont de la partie. Airbus a mené un vol similaire sur A350 en début d'année avec Rolls-Royce et le spécialiste des carburants durables Neste. ATR et la compagnie suédoise Braathens veulent faire de même l'an prochain, avec un moteur à 100 % de SAF et l'autre à 50 %.

Lire aussi 5 mnComment Safran pourrait réduire jusqu'à 80% les émissions de CO2 sur ses moteurs

Une disponibilité et un coût problématiques

En dépit des possibilités d'incorporation des moteurs actuels, les SAF représentent moins de 1% du carburant aérien utilisé à travers le monde, comme le signalait le président exécutif d'Airbus Guillaume Faury lors du sommet consacré à l'exploration de l'aviation durable les 21 et 22 septembre Les principaux facteurs limitants se sont donc pas la technologie mais le coût et la disponibilité de ces carburants. C'est là que le bât blesse : les SAF sont aujourd'hui 5 à 7 fois plus chers que le kérosène classique et même lorsque les compagnies sont prêtes à payer, les quantités disponibles sont très faibles.

De fait, les acteurs de l'aérien se renvoie aujourd'hui la balle : les compagnies aériennes se plaignent du coût comme de la disponibilité et utilisent très peu de SAF, les énergéticiens répondent que le marché est insuffisant pour augmenter la production et donc réduire les coûts.

Le partenariat entre Safran et TotalEnergies comprend un pilier dédié à la production, mais dans un cadre limité à leur seule coopération pour le moment. Il doit permettre d'approvisionner en SAF les moteurs d'avions et d'hélicoptères de Safran lors de leurs essais en France. Ces carburants seront produits par TotalEnergies, probablement sur ses sites de La Mède, qui doit complètement s'affranchir de l'utilisation d'huile de palme d'ici 2023, et de Grandpuits.

Lire aussi 6 mnLe monde de l'aérien pousse les gouvernements à accélérer la transition énergétique

Montée en puissance attendue

Ces deux sites devraient néanmoins monter en puissance dans les prochaines années pour couvrir des besoins plus importants, notamment ceux des compagnies aériennes. En 2019, Patrick Pouyanné, PDG du groupe TotalEnergies, indiquait que la production pour l'aéronautique de La Mède pourrait atteindre 100 000 tonnes par an à terme.

L'instauration l'an prochain d'un mandat d'incorporation de 1 % de SAF sur tous les vols au départ de France devrait stimuler le développement de la production dans l'Hexagone, même si cela ne devrait représenter une demande que de l'ordre 80 000 tonnes. Une trajectoire ascendante est également tracée à moyen et long terme, avec la hausse progressive des mandats d'incorporation dans le cadre de l'initiative européenne « RefuelEU » : 2 % de SAF en 2025 et 5 % en 2030, avec un objectif final de 63 % d'ici 2050.

Lire aussi 2 mnHuile de palme: pour Total, la "survie" de la bioraffinerie de La Mède est en jeu

Actions de lobbying

Le troisième et dernier pilier du partenariat entre Safran et TotalEnergies s'intitule « dialogue et promotion » et s'articulera autour « d'actions de sensibilisation auprès des acteurs publics et privés au niveau national, européen et international. » Outre le besoin de prouver au grand public que le transport aérien fait les efforts nécessaires à sa décarbonation, ce volet de lobbying portera probablement sur le rôle de l'Etat dans la gestion des surcoûts liés aux carburants aériens durables. Patrick Pouyanné a ainsi déclaré lors de la signature du partenariat : « Nous avons la conviction qu'une coopération de l'ensemble des acteurs du secteur aérien est nécessaire pour atteindre les objectifs de transition énergétique vers la neutralité carbone ».

La plupart des acteurs estiment que seule la puissance publique est en mesure de trancher le nœud gordien entre l'offre et la demande de SAF, via un mécanisme de financement des surcoûts ou d'incitation financière. En France, le lancement d'une « feuille de route pour le déploiement des biocarburants aéronautiques durables » début 2020 avait suscité des attentes à ce sujet mais elles restent pour l'instant déçues.

Léo Barnier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 28/09/2021 à 9:15
Signaler
Le carburant vert ou comment affamer la planète et pourrir les sols à coup d'intrans. Au nom de l'énergie. N'importe quoi.

à écrit le 28/09/2021 à 7:37
Signaler
Il vont ajouter "bio" sur le bidon de kérosène est cela fera la rue Michel !

à écrit le 27/09/2021 à 16:45
Signaler
...A partir du Pétrole?..du Gaz?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.