L'avion vert arrive. Ce sera un Airbus A320. Et il volera, non pas en 2035 comme les professionnels de l'aéronautique l'ont promis, mais dès cette année...à l'occasion d'un vol d'essai. Comment ? En remplaçant la totalité du kérosène par un carburant alternatif durable conçu à partir de la biomasse. Car, si de tels carburants existent aujourd'hui, la réglementation impose qu'ils soient mélangés à hauteur de 50% avec du kérosène. En partenariat avec Safran, Dassault Aviation, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), et l'Onera (le centre français de recherche aérospatiale), Airbus va, en effet, réaliser d'ici à la fin de l'année un vol utilisant 100% de carburant d'aviation durable.
L'annonce a été faite ce jeudi lors d'une conférence de presse avec l'association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace (AJPAE). Une étape essentielle vers la réduction de l'impact environnemental du transport aérien, qui vise une réduction de 50% de ses émissions de CO2 d'ici à 2050 par rapport à 2005. En effet, contrairement aux avions court et moyen-courriers, la décarbonation des gros-porteurs ne passera jamais par l'hydrogène en raison des énormes volumes à embarquer.
Des carburants qui diminuent la consommation
Baptisée Volcan, ce projet vise, selon Jean-Brice Dumont, le patron de l'ingénierie d'Airbus, à vérifier "la compatibilité (des carbruants alternatifs, Ndlr) avec l'ensemble des systèmes avions".
"Cela va du moteur à tout ce qui est pompes, valves, joints...tout ce qui voit passer du carburant dans l'avion", a-t-il expliqué, en rappelant qu'en raison de la composition chimique différente de ces carburants, "des matériaux de joints peuvent ne pas être compatibles".
"Il y a essentiellement des essais à faire, des choix de matériaux, mais nous ne sommes pas sur des ruptures technologiques", a ajouté Stéphane Cueille, le directeur recherche et technologie de Safran, également présent à la conférence de presse.
Un "avion-renifleur" sera également utilisé pour mesurer les émissions des moteurs, notamment de CO2, principal gaz à effet de serre. Une chose semble acquise. Ces nouveaux carburants sont plus performants que le kérosène. Ils entraîneront une baisse de la consommation.
Plan de relance aéronautique
Le projet a été financé dans le cadre du plan de relance aéronautique qui prévoit 1,5 milliard d'euros sur trois ans pour les recherches sur l'avion décarboné. L'objectif des industriels est de pouvoir mettre en service vers 2030 des avions compatibles avec ces carburants, avec le panel de solutions le plus large possible. L'utilisation à 100% de carburants alternatifs durables serait également possible pour les avions déjà en service. Il faudrait en ajouter au carburant des molécules aromatiques pour imiter le kérosène. A terme, les industriels espèrent aussi utiliser des carburants synthétiques verts, à base d'hydrogène vert.
Une autre étude sur l'utilisation de carburant sans kérosène, menée par Airbus et le motoriste Rolls Royce, est en cours depuis mars sur un avion gros-porteur A350. Et outre-Atlantique, Boeing s'est engagé à livrer d'ici à 2030 des avions pouvant voler avec 100% de SAF.
Obligations d'incorporation
La question-clé reste la mise en place d'une filière de production de ces carburants alternatifs, nécessaire pour réduire leur coût, jusqu'à 5 fois plus élevé que le kérosène, et créer la demande. Les compagnies aériennes demandent un soutien public à l'achat. L'un des moyens est de fixer des niveaux d'incorporation de carburants alternatifs. "La question d'un mandat d'incorporation de carburant d'aviation durable par les pouvoirs publics est le seul scénario viable", explique Jean-Brice Dumont.
Dans l'idéal, il faudrait qu'il soit mondial. En effet, au-delà du coût, le frein principal à leur développement réside dans l'absence d'obligation au niveau mondial pour les utiliser. Ce point est fondamental. Dans un secteur mondialisé et hyperconcurrentiel comme l'est le transport aérien, les compagnies rechignent à utiliser une source d'énergie coûteuse qui affaiblirait leur compétitivité par rapport à celles qui continueraient d'utiliser du kérosène. Il faudrait donc que tous les États de la planète votent à l'OACI une réglementation commune sur le sujet. C'est impossible si l'on songe que Corsia, un système de compensation des émissions (beaucoup moins contraignant) a été arraché après de longues et tumultueuses négociations.
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