Trescal, ce leader mondial de la métrologie trop méconnu (1/5)

La Tribune vous propose une série hebdomadaire de cinq success-stories dans le monde de l'aéronautique. Premier volet, la société de services de métrologie Trescal. En huit ans, elle est passée du stade de la PME (72 millions de chiffre d'affaires en 2007) à une ETI internationale (200 millions en 2015). Récit.
Michel Cabirol
En huit ans, Trescal pourrait réaliser 22 acquisitions à l'international, dont cinq pourraient être signées d'ici à la fin de l'année

Qui connaît Trescal, l'une des pépites les plus méconnues de la filière aéronautique? Pas grand monde à l'exception de quelques spécialistes de la métrologie. Et pourtant Trescal est le leader mondial des services de métrologie et de gestion de parc d'instruments de test et mesure multi-marques dans l'aéronautique (57% de son chiffre d'affaires), la chimie, la pétrochimie, l'automobile, les télécoms et l'électronique. Loin devant deux de ses plus grands rivaux, les américains Tektronix et Keysight, deux sociétés filiales de constructeurs d'instruments de test et de mesure. Le marché mondial accessible de la métrologie représente entre 5 et 6 milliards de de dollars par an, dont 2 milliards aux États-Unis, 2 milliards en Europe et entre 1 et 2 milliards en Asie.

Vendu par Air Liquide en novembre 2007 au fonds d'investissement Astorg Partners, Trescal, qui avait à cette époque enregistré un chiffre d'affaires de 72 millions d'euros pour 700 salariés, n'a pas chômé sous l'impulsion de son PDG, Olivier Delrieu, diplômé d'HEC et passé par l'aéronavale. Après plusieurs rachats entre fonds d'investissements, Trescal devrait dépasser les 200 millions d'euros de ventes fin 2015 (contre 181,7 millions d'euros en 2014), dont seulement 50 millions en France où la société écrase déjà le marché de la métrologie. Soit un bond de son chiffre d'affaires de près de 180% en moins de 10 ans.

"Notre société est en route vers les 200 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2015, elle emploiera 2.000 personnes dans 15 pays", précise à "La Tribune", Olivier Delrieu. Notre grande force provient du marché de la métrologie, qui est récurrent, en raison de son caractère obligatoire. Si une entreprise veut être iso, elle doit assurer la vérification périodique de ses appareils de mesure. Chaque année, 85% de notre chiffre d'affaires est sécurisé tandis que 15% fait l'objet de renouvellement de contrat".

Une croissance de 15% par an

"Bon an, mal an, nous visons et nous réalisons une croissance de 15% par exercice depuis maintenant une dizaine d'années dans un métier assez concurrentiel où il y a de grosses sociétés américaines et toute une série de petits concurrents familiaux", explique Olivier Delrieu. Du coup, Trescal a passé avec succès le cap très difficile en France de devenir une ETI sans trop de dommages. "On a bien réussi le passage de la PME à l'ETI tout en s'internationalisant", observe-t-il. En moyenne, la société réalise entre 3% et 5% de croissance organique par an. "Nous sommes contents quand nous réalisons 4%", souligne-t-il. Et puis Trescal mise surtout sur les acquisitions pour croître.

La société a d'ailleurs quasi-doublé sa clientèle, passant de 15.000 clients en 2007 à 28.000 en 2014. Elle collectionne les plus grands noms de l'aéronautique mondiale (Airbus, Safran, Thales, Rolls-Royce...). Pourquoi Trescal a un temps d'avance sur tous ses concurrents? "Nous avons construit un réseau international, souvent de proximité, bien avant nos concurrents", estime Olivier Delrieu. La société installe une quinzaine de petits laboratoires dans les grands pays où elle est implantée quand ses concurrents ne mise que sur un grand. En outre, Tektronix et Keysight ont dû mal à vendre des services de métrologie multi-marques en étant des fabricants eux-mêmes. Ils n'ont pas non plus la culture technique de tous les instruments du marché.

Actionnaire majoritaire avec plus de 80% du capital depuis 2013 (le reste est détenu par une centaine de managers), Ardian ne doit pas regretter son acquisition, dont la transaction valorisait à l'époque Trescal à environ 250 millions d'euros. Ce fonds a racheté cette participation au fonds d'investissement britannique 3i, qui lui même l'avait acquis pour environ 110 millions d'euros auprès d'Astorg Partners.

Une boulimie d'acquisitions

Une croissance boostée par les acquisitions. Ainsi, depuis huit ans, Trescal a avalé près d'une vingtaine de sociétés, principalement des TPE et PME, hors de France tout en les intégrant dans un modèle économique, qui fonctionne. L'an dernier, Trescal a explosé tous les compteurs grâce à sa petite équipe de fusions-acquisitions de trois personnes. La société parisienne a réalisé "une année record en matière d'acquisitions, sourit Olivier Delrieu, qui a embauché lui-même depuis son arrivée chez Trescal trois globe-trotters de l'acquisition. Nous en avons fait sept et toutes à l'étranger en 2014".

Pourquoi à l'étranger? "Parce que fondamentalement Trescal détient déjà une bonne part de marché en France et y réalisera 25% de son chiffre à la fin de l'année", souligne-t-il. En 2015, Trescal pourrait en réaliser cinq de plus... si tout se passe comme prévu d'ici à la fin de l'année. Olivier Delrieu attend cinq signatures de vente d'ici au 31 décembre.

La méthode pour réussir? Surtout du bon sens. Car, selon Olivier Delrieu, qui participe à toutes les négociations en phase finale, les acquisitions dépendent souvent de la qualité des relations humaines entre ses équipes et souvent les patrons d'entreprises familiales. "Est-ce que le fondateur qui vend va nous faire confiance pour reprendre son entreprise où travaille quelqu'un de sa famille? Moi je suis assez fier parce que nous gardons en général tout le monde, notamment l'entrepreneur qui n'a pas forcément envie d'arrêter de travailler", explique-t-il. Et tout le monde est gagnant. Car ce type d'entrepreneur est en train de voir, notamment dans l'aéronautique, que le métier change complètement.

"Ces entrepreneurs voient qu'ils ont face à eux des grands donneurs d'ordres, explique Olivier Delrieu. Ils ne savent plus gérer ce type de clients mondiaux qui leur demande de faire des plans de progrès. Et c'est là qu'ils peuvent envisager de passer la main pour pérenniser leur entreprise, leur bébé. Ils se disent qu'il vaut mieux se mettre avec une société plus importante pour gérer cette évolution".

L'Europe, les États-Unis...

En 2010, Olivier Delrieu et son équipe de direction ont décidé de conquérir l'Europe pour devenir le numéro un européen. Et Trescal s'est mis à conquérir beaucoup de parts de marchés en Angleterre, au Benelux, en Allemagne et en Espagne où la société a d'ailleurs réalisé deux acquisitions l'an dernier et où il existe de grands donneurs d'ordres type Airbus et Iberia. Au Royaume-Uni, la société a noué une relation très privilégiée avec le motoriste Rolls-Royce, qui est l'un de ses plus grands clients. "Et nous sommes devenu numéro un en Europe", sourit le PDG de Trescal. Ce qui ne l'empêche pas de prospecter encore. Elle pourrait même se renforcer en 2015 en Allemagne, où la société est déjà numéro deux, et en Espagne.

Et après? Trescal a visé à la demande de ses principaux clients les États-Unis, où l'équipe de fusions-acquisitions s'est déchainée l'an dernier. Alors que Rolls-Royce et Safran ont poussé Trescal à investir aux États-Unis, l'équipe de fusions-acquisitions y a conclu en 2014 trois rachats de petites sociétés réalisant entre 3 et 10 millions de chiffre d'affaires (la société SE Laboratories Inc basée dans la Silicon Valley et deux laboratoires à Atlanta : Instrument Calibration Services et Test Equipment Repair Corporation). Depuis Trescal est le numéro deux aux États-Unis derrière Tektronix (80 millions de chiffre d'affaires, contre 40 millions pour Trescal).

Auparavant, elle avait réussi à attirer dans sa galaxie deux autres PME américaines. Mais "notre société n'a pas encore une couverture totale du pays, souligne Olivier Delrieu. Il y a des zones où nous ne sommes pas et dans des domaines techniques que nous ne couvrons pas assez bien encore". En 2015, la société de métrologie française pourrait rajouter à son portefeuille une nouvelle société basée en Floride. Surtout, elle devrait faire son entrée au Canada, le pays du constructeur Bombardier. Trescal a signé une promesse de vente pour l'acquisition d'une société réalisant un chiffre d'affaires de 5 à 10 millions de dollars.

...et maintenant l'Asie, l'Amérique du Sud et l'Afrique du Nord

Après avoir poussé la société à investir aux États-Unis, Rolls-Royce a aiguillonné Olivier Delrieu pour qu'il se lance en Asie. Et Trescal a atterri en 2012 à Singapour et a monté ex-nihilo un laboratoire de métrologie sur la cité-Etat avec trois personnes. "Il y aurait une vingtaine de salariés d'ici à la fin 2015", assure le PDG. Olivier Delrieu est d'ailleurs en train de regarder à partir de Singapour, de nouveaux pays en Asie du Sud-Est où Trescal pourrait s'implanter comme en Thaïlande, aux Philippines... Et à en croire Olivier Delrieu, là-bas les perspectives sont très, très prometteuses. Et maintenant pourquoi pas la Chine et l'Inde...

"C'est complètement fou, c'est un eldorado. Et nous petite ETI, nous nous sommes retrouvés à Singapour", s'étonne-t-il encore.

Parallèlement, Trescal a également très envie de mettre un pied en Amérique du Sud, et plus précisément au Brésil. Cinq ans déjà où l'ETI française bute sur une acquisition, qui échoue en raison de valorisations trop élevées notamment. Mais la patience de Trescal pourrait être enfin récompensée très prochainement par un "deal". Tout comme au Canada, la société a également signé au Brésil une promesse de vente pour le rachat d'une société réalisant entre 5 et 10 millions de dollars. Enfin, au Mexique, l'équipe de fusions-acquisition est en train également de prospecter.

Enfin, en Afrique du Nord, Trescal a accompagné la société d'aérostructures Aerolia (Airbus Group) en Tunisie en 2012. "Nous avons ouvert un laboratoire avec deux personnes, maintenant ils sont quinze. Il marche bien", explique Olivier Delrieu. Et Trescal a doublé la mise au Maroc où il vient d'ouvrir en septembre un laboratoire à Casablanca avec cinq personnes. "Nous avons regardé des acquisitions mais nous n'avons rien trouvé", précise-t-il. Et Trescal a déjà des contacts avec notamment quelques filiales de Safran pour travailler à partir du Maroc.

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