PSA : une recapitalisation à trois milliards suffira-t-elle ?

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  836  mots
La dernière-née de Citroën, la C4 Cactus (Crédits : Reuters)
Les trois milliards de la prochaine augmentation de capital, qui verra l'arrivée de l'Etat et du chinois Dongfeng chez PSA, ne suffiront pas à sauver le constructeur. Ils représentent à peine une année d'investissements! Une augmentation de capital supplémentaire risque de se révéler... nécessaire assez rapidement..

Trois milliards d'euros sauveront-ils PSA? Bof. "Ca donne deux ans de répit à PSA. Pas plus", souligne un fin connaisseur du groupe. Après l'annonce à la mi-février 2014 d'une prochaine augmentation de capital de trois milliards d'euros, avec l'entrée de l'Etat et du groupe chinois Dongfeng au capital du constructeur tricolore, hommes politiques, médias et dirigeants de PSA ont crié victoire: la firme était sauvée...

Moins que le montant des investissements

Hélas, trois milliards, ce n'est pas grand chose dans l'automobile! "C'est moins que le montant des investissements du groupe sur la seule année 2011.  Et c'est un milliard de moins que sa dette au 31 décembre dernier", note un expert! "Le nouveau patron de PSA, Carlos Tavares, sait qu'il a juste deux ans pour rendre en fait PSA plus présentable, quand se posera le problème d'une... augmentation de capital supplémentaire", souligne un proche du dossier, qui ajoute: "la question d'une augmentation de capital supplémentaire risque de se poser début 2016". PSA n'est pas encore tiré d'affaire, loin de là, malgré cette bouffée d'oxygène.

A moins que PSA ne vende sa filiale équipementière Faurecia, ce qui lui donnerait un répit ! Le fabricant de composants automobiles représente en effet potentiellement "1,8 milliard d'euros de cash au cours actuel de l'action pour PSA. A un moment ou un autre, PSA aura besoin d'argent", nous affirmait en janvier dernier Yann Delabrière, PDG de Faurecia, contrôlé par le constructeur automobile tricolore. Il a été demandé à une banque conseil de se pencher sur le scénario d'une cession des titres de PSA dans l'équipementier, soit sur le marché soit à un fonds de capital-investissement ou à industriel du secteur, selon l'agence Reuters  PSA affirme toutefois officiellement  que la cession de Faurecia "n'est pas sur la feuille de route du groupe".

Assurer à court terme la continuité

L'augmentation de capital annoncée cette année de trois milliards d'euros, qui fera entrer l'Etat et Dongfeng à hauteur de 14% chacun dans PSA,"permet d'assurer la continuité des investissements dans la société. Mais il faut que l'entreprise fasse des profits minima. Sinon, il faudrait vite une nouvelle augmentation de capital avec des conséquences graves pour l'entreprise", nous assurait d'ailleurs Carlos Tavares la semaine dernière au salon de Genève.

Profits minima? Certes, mais PSA risque de ne pas retrouver l'équilibre financier dans l'immédiat. Philippe Varin, le président sortant du groupe, s'était borné à pronostiquer en février dernier un "cash flow (flux de trésorerie) positif en 2016 au plus tard". PSA a affiché l'an dernier un résultat opérationnel négatif de 1,35 milliards d'euros et un déficit net de 2,32 milliards.

Les mesures prévues comme le transfert de la production des petites voitures (généralistes) dans des usines hors de France pour réduire les coûts ne sont pas pour tout de suite. Il faudra attendre les remplaçantes des Citroën C3 ou Peugeot 208. Et PSA s'est interdit, dans les négociations avec les partenaires sociaux, toute fermeture de site en France d'ici à 2016. Comme les marchés européens ne vont pas redémarrer de sitôt - PSA table sur une "croissance zéro plus quelque chose cette année"-,  le groupe n'a pas beaucoup de leviers à court terme devant lui pour restaurer sa rentabilité.

Face au rouleau compresseur des concurrents

PSA manque de liquidités. Il a d'ailleurs réduit ses investissements l'an dernier à 2,4 milliards d'euros, à travers l'arrêt de projets prévus initialement. Il n'en reste pas moins que ces dépenses sont incompressibles et représentent un plancher pour continuer à sortir des nouveaux modèles, moderniser l'outil de production, et donc assurer l'avenir. Face au rouleau compresseur des concurrents.

Volkswagen a en effet annoncé en novembre dernier  84,2 milliards d'euros investissement sur cinq ans, soit 17 milliards par an !  Audi, filiale haut de gamme de Volkswagen qui produit deux fois moins de véhicules que PSA, prévoit de dépenser à elle seule 4,5 milliards d'euros par an. Soit presque le double de PSA l'an passé. Toyota investit pour sa part environ 14 milliards d'euros par an, moitié en recherche et développement, moitié en dépenses industrielles. 

Certes, les investissement sont en rapport avec le chiffre d'affaires. Mais, plus on on investit, plus on crée des produits, des technologies, des usines capables de produire des véhicules... Si on ne se maintient pas au moins au niveau des concurrents, c'est le début d'un processus rapide d'obsolescence des véhicules. Et, chez PSA, tout le monde le sait.

Problème: l'Etat accepterait-il de remettre au pot une deuxième fois? D'autres investisseurs seront-ils prêts à injecter de nouveaux fonds? Quels sont les projets à long terme de Dongfeng, qui à terme pourrait rafler la mise et prendre le contrôle du constructeur français? Rude gageure en tous cas que cette course contre la montre de Carlos Tavares...

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>>> VIDEO [Salon de l'auto à Genève] Edition du 9 mars

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