Automobile : démarrage poussif pour les voitures électriques rétrofitées

Le rétrofit électrique qui consiste à transformer les voitures thermiques en voitures électriques, parait être une solution économique et écologique de taille dans la transition écologique. Pourtant, trois ans après l'homologation, la filière peine à se déployer. À moins que l'on assiste à une accélération dans les prochains mois. Décryptage.
« Dans 10 ans, nous aimerions que 3% du parc automobile soit rétrofité, soit 1,2 millions de véhicules en France », assure Clément Fleau, co-président de l'association des Acteurs de l'industrie du rétrofit électrique (Aire)
« Dans 10 ans, nous aimerions que 3% du parc automobile soit rétrofité, soit 1,2 millions de véhicules en France », assure Clément Fleau, co-président de l'association des Acteurs de l'industrie du rétrofit électrique (Aire) (Crédits : Retrofutur)

Moins coûteux, plus écologique, plus simple... le rétrofit électrique, qui consiste à remplacer le moteur et le réservoir d'une voiture thermique par un moteur électrique et une batterie, avait tout pour plaire. En mars 2020, le gouvernement français a décidé d'autoriser la mise en circulation des véhicules dits « rétrofités » après homologation. Trois ans plus tard, la filière s'organise par petites touches, bien loin des productions industrielles et encore loin d'une rentabilité financière. Aujourd'hui, on compte quelques centaines de voitures immatriculées en France. Avec le calendrier des zones à faibles émissions qui se rapproche, cette filière semble connaître un regain d'intérêt ces derniers temps. Elle affiche une ambition claire par la voix de Clément Fleau, coprésident de l'association des Acteurs de l'industrie du rétrofit électrique (Aire) : « dans 10 ans, nous aimerions que 3% du parc automobile soit rétrofité, soit 1,2 million de véhicules en France ».

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Les constructeurs français en pôle position

Les constructeurs français ont d'ailleurs pris les devant. Stellantis a annoncé fin décembre un partenariat avec l'entreprise Qinomic pour le rétrofit des véhicules utilitaires légers pour une commercialisation en 2024. De son côté, Renault a commencé la production de véhicules utilitaires rétrofités cette année sur ses modèles Trafic et Master, en partenariat avec la startup iséroise Tolv, anciennement Phoenix Mobility.

En janvier, la marque au losange a annoncé un second partenariat avec l'entreprise R-fit pour la fabrication de kits électriques à destination de ses modèles iconiques comme la R5 ou la Twingo première génération. Ces anciens modèles reliftés à l'électrique verront le jour en 2024.

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Pour l'heure, les autres constructeurs automobiles ne se sont pas lancés dans la création d'une filière de rétrofit, considérant trop difficile et trop marginal ce secteur et préférant s'orienter vers de nouveaux modèles électriques.

Un enjeu écologique et financier

Car le rétrofit présente des atouts incontestables, mais aussi beaucoup de contraintes pour le moment. Le coût d'un véhicule rétrofité est « deux à trois fois moins cher qu'un neuf », avance Antoine Desferet, cofondateur de l'entreprise Tolv. Moins cher, certes, mais le rétrofit coûte tout de même autour de 17.000 euros pour des modèles comme l'ancienne R5 de Renault.

Cependant, le gouvernement souhaite aider la filière en subventionnant jusqu'à 6.000 euros sous conditions de revenu fiscal de référence inférieur à 14.089 euros. À cela peut s'ajouter les aides régionales jusqu'à 5.000 euros pour certaines régions. Le prix est dans tous les cas nettement inférieur aux voitures neuves électriques, autour de 35.000 euros avec les subventions.

Pour ce prix, les véhicules n'ont pas une grande autonomie, « autour de 70 à 80 kilomètres pour nos véhicules selon ce qu'on en fait », précise Bertrand Bruna, responsable marketing et commercial au Mehari Club Cassis, l'une des premières entreprises à avoir bénéficié de l'homologation. Soit beaucoup moins que les 300 à 400 kilomètres d'autonomie observés aujourd'hui sur les voitures neuves.

Mais l'intérêt est aussi écologique. La transformation d'un ancien véhicule pour passer à l'électrique reste la solution la moins polluante. L'Ademe avait évalué trois scénarios possibles : l'un étant de garder son ancien véhicule, le second de le revendre et d'en acheter un neuf et le troisième étant de le rétrofiter. Toujours selon l'Ademe, le rétrofit permettrait « de réduire de 66% les émissions de CO2 par rapport au scénario de conservation du véhicule diesel et de 47% par rapport au scénario d'achat d'un véhicule électrique neuf. »

Surtout, les véhicules rétrofités sont disponibles au bout d'une semaine, quand il faut plusieurs mois pour obtenir une voiture neuve, ce qui permettrait un changement plus rapide du parc avant la mise en place des zones à faibles émissions.

L'homologation encore très contraignante

La mise en place de la filière reste néanmoins compliquée tant il faut tout reprendre à zéro. « Avec Renault, nous souhaitons sortir 1.000 véhicules à partir de février 2024 sur 18 mois, c'est considérable en termes d'échelle car c'est plus d'un véhicule par jour », se réjouit Antoine Desferet. Même cadence souhaitée par le Mehari Club Cassis avec le rétrofit de 30 à 50 voitures par mois. Une cadence loin de celle des usines de production, avec une voiture produite chaque minute. Une production qui nécessite des savoir-faire particuliers puisque le rétrofit demande des connaissances à la fois en mécanique et en ingénierie électrique.

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Parmi les nombreux freins qui empêchent le déploiement de la filière, l'homologation reste l'un des nœuds du problème. Si le gouvernement français a simplifié le système en permettant à certains modèles d'être désormais produits en chaîne s'ils étaient homologués, les conditions d'obtention de ce précieux sésame restent longues et complexes. Elles sont aussi très coûteuses pour les entreprises. Comptez environ 100.000 euros l'homologation. Le gouvernement avait promis une avancée cette semaine pour aider la filière sur ce point en particulier mais le calendrier de la réforme des retraite à repousser une concertation avec les acteurs sine die.

Des entreprises loin d'être rentables

L'association Aire demande, de son côté, une simplification des subventions allouées aux particuliers pour leurs véhicules rétrofités, une harmonisation du texte français à l'échelle européenne ainsi qu'une simplification dans les appels à projets du rétrofit. En effet, pour être éligible à la création d'une filière de rétrofit, il est nécessaire de bénéficier de fonds propres positifs dans les critères d'appels à projets, donc d'avoir déjà été financés auparavant par d'autres appels à projet. « C'est le serpent qui se mord la queue », regrette Clément Fleau.

En outre, l'ensemble des entreprises qui se sont lancées dans le rétrofit ne sont pas rentables. Certaines, comme le Mehari Club Cassis, compensent pas leur activité principale. D'autres, comme Tolv, misent sur les levées de fonds. Mais toutes croient en un investissement sur le long terme et une place du rétrofit dans les futures demandes de mobilités des Français. Bertrand Bruna est confiant : « les mentalités changent, avant c'était une hérésie de toucher aux anciens véhicules, aujourd'hui le carnet de commandes est bien rempli ».

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Commentaires 11
à écrit le 17/04/2023 à 23:31
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Une hérésie économique ce retrofit. Si la voiture électrique doit devenir la solution unique il suffit d'attendre les véhicules made in China qui seront bien moins chers que tout ce qui sera produit en Europe et qui vont déferler chez nous 👍

le 18/04/2023 à 9:08
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C'est loin d'être une hérésie. Un rétrofit à 6000-8000€ permettant de prolonger la voiture de 10/15 ans pour un ménage modeste, c'est mieux que d'être obligé d'acheter une voiture neuve à 30 000€. Tant qu'une voiture peut rouler, il serait idiot de l...

à écrit le 17/04/2023 à 20:03
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Chaque modèle de voiture doit faire l'objet d'une validation administrative. Tous constructeurs confondus, tous modèles de chaque constructeur confondus, cela fait beaucoup de références. Donc à ce jour peu de modèles sont disponibles au rétrofit. Fa...

le 18/04/2023 à 14:58
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Et oui les voitures viendront de Chine que cela vous plaise ou non. Mais on trouvera des voitures électriques chinoises à prix abordables et c'est le désir du consommateur. L'industrie automobile en France est vouée à disparaître. Si j'étais empl...

à écrit le 17/04/2023 à 14:15
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C'est mort né en France, avec les normes et la technocratie, déjà cela interdit tous les bricoleurs mécanos qui voudraient customiser leur voiture. Tout sera fait pour que cela ne fasse pas de l'ombre aux constructeurs main stream, il y aura trop de ...

à écrit le 17/04/2023 à 13:34
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Le problème principal, c'est le coût. Avec les tarifs actuels et la prochaine arrivée de voiture électrique relativement abordables, le rétrofit risque de rester une solution de niche. A mon avis, la filière doit s'organiser autour de solutions stand...

le 17/04/2023 à 21:30
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Boîte de vitesses ??? Si vous voulez dire différentiel, passe encore, mais obliger à s'embêter avec un équipement rétrograde, pourquoi donc !

le 19/04/2023 à 13:26
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@PM: ?? Quand je dis la commande de la boîte de vitesse, je parle juste de la commande comme pour une boîte auto (P-N-D-R). Évidemment, pas de boîte de vitesse elle-même. J'ai entendu des idées des kits qui gardent la boîte mécanique d'origine pour ...

à écrit le 17/04/2023 à 11:46
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La photo c’est bien une Porsche 911 du début des années 70?

à écrit le 17/04/2023 à 9:32
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"pris les devant" devants (substantif) Les R5, y en a encore beaucoup ? Elles sont Crit'Air riendutout, vu leur pollution, donc plus destinées à la casse qu'à circuler en ville ? Les petites wattures sont à 35 000€ ? La Zoé, e208 aussi ? Ça n'incit...

à écrit le 17/04/2023 à 9:31
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"pris les devant" devants (substantif) Les R5, y en a encore beaucoup ? Elles sont Crit'Air riendutout, vu leur pollution, donc plus destinées à la casse qu'à circuler en ville ? Les petites wattures sont à 35 000€ ? La Zoé, e208 aussi ? Ça n'incit...

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