Le rétrofit, l’autre voie pour décarboner les transports publics

Remotoriser en mode zéro émission des bus ou des cars diesel pour décarboner le transport public. Le rétrofit suscite un intérêt grandissant au sein des collectivités gestionnaires de flottes. Illustration en Normandie où la Région et la Métropole de Rouen passent aux travaux pratiques.
Le premier autocar diesel, retrofité hydrogène, roulera à la rentrée entre Rouen et Evreux sur la ligne du réseau Nomad opérée par Transdev pour le compte de la Région Normandie. DR.
Le premier autocar diesel, retrofité hydrogène, roulera à la rentrée entre Rouen et Evreux sur la ligne du réseau Nomad opérée par Transdev pour le compte de la Région Normandie. DR. (Crédits : Reuters)

De l'extérieur, l'autocar sagement garé sur le parking de Transdev à Rouen ressemble à s'y méprendre à un autre de la même marque. Il faut soulever le capot arrière pour voir la différence. À l'emplacement du gros moteur diesel du véhicule qui a été déposé juste à côté, ont pris place des batteries, un moteur électrique rutilant et une pile à combustible. Laquelle est alimentée par dix bonbonnes d'hydrogène logées sur le toit à l'intérieur d'une coque rectangulaire.

Bienvenue à bord du seul autocar diesel d'Europe ayant fait l'objet d'un rétrofit H2. Autrement dit, d'un changement complet de motorisation. Converti par la société picarde IBF à la demande de Transdev et de la Région Normandie, ce prototype zéro émission affiche 600 kilomètres d'autonomie au compteur. En attente d'homologation par les services de l'Etat, il roulera à la rentrée sur la liaison Rouen-Evreux (65 kilomètres).

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C'est la première fois qu'une collectivité européenne tente l'expérience du rétrofit électrique sur un « vieux » car diesel. L'opération, autorisée en France sur les véhicules de plus de cinq ans depuis un décret de 2020, n'avait jusqu'ici concerné que des bus citadins. En transposant le modèle sur un autocar voué à parcourir de plus longues distances, la Normandie innove. Objectif : démontrer la pertinence de cette technique pour accélérer la décarbonation du transport interurbain. L'expérimentation, qui doit durer un an, sera suivie avec attention, et pas seulement par ses instigateurs.

Convertir plus pour payer moins

Souvent présenté comme une solution de transition, le rétrofit commence, en effet, à être vu comme une alternative intéressante pour le renouvellement des innombrables flottes d'autocars qui sillonnent la France de part en part. Son principal atout ? Le prix. Qu'on en juge. Dans l'état actuel du marché, un car hydrogène neuf vaut selon les cas entre 600.000 et 700.000 euros, plus de deux fois et demie le prix de son équivalent thermique. Par comparaison, une conversion H2 à l'échelle industrielle devrait ramener le coût autour de 300.000 euros « voire même moins à terme » assure Fernand de Sousa, patron d'IBF.

La re-motorisation possède une autre vertu. Elle permet de prolonger la durée de vie de véhicules qui sans cela auraient terminé à la casse. Dans le cas normand, le car Iveco Crossway âgé de onze ans était condamné à la retraite. Remis à neuf sous le capot et à l'intérieur, « il devrait gagner au moins huit ans », selon Transdev. À la clef, une diminution du bilan CO2 de l'ordre de 40% sur l'ensemble du cycle de vie de l'autocar selon les calculs effectués par l'INSA de Rouen... à condition toutefois que l'hydrogène consommé soit d'origine décarbonée.

« Un potentiel industriel évident »

Tous ces arguments militent en faveur du déploiement d'une filière française du rétrofit hydrogène pour Hervé Morin, président de la Normandie. « Il y a un potentiel industriel évident quand on sait que notre région gère, à elle seule, un parc de 2600 autocars diesel pour 136 lignes », explique t-il. L'ancien ministre de la défense n'est d'ailleurs pas le seul à y croire. Les lignes bougent tant du côté des « convertisseurs » que des collectivités.

En précurseur, Fernand de Sousa d'IBF envisage la construction d'une usine au Havre « si le marché décolle ». La société rhodanienne des cars Ginhoux (Aubenas) s'est, elle aussi, lancée dans la transformation d'un car diesel avec Green Korp Konnection, un écosystème industriel savoyard. L'engin devrait être homologué d'ici un an et testé sur le réseau de la communauté de communes d'Aubenas/Vals. En Occitanie, Carole Delga a commandé au constructeur Safra la conversion à l'H2 de 15 autocars diesel.

Plus mature, le rétrofit électrique à batteries (sans hydrogène) des bus urbains creuse aussi son sillon à la faveur du décret qui impose aux grandes agglomérations d'acheter au moins 50% de véhicules zéro émission lorsqu'elles renouvellent leurs flottes. Parmi les précurseurs, la Métropole de Rouen a décidé de frapper un grand coup. Elle vient de lancer un appel d'offres pour remotoriser une cinquantaine d'autobus diesel de marque Iveco acquis entre 2009 et 2020. Soit 12% de la flotte circulant sur son réseau. Les candidats ont jusqu'au 8 juillet pour envoyer leurs offres. Là encore, l'argument du prix a pesé lourd dans la balance. Selon les élus, l'opération devrait revenir presque deux fois moins cher que l'acquisition de véhicules en sortie d'usine.

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