Luca de Meo peut-il sauver Renault ?

L'ancien patron de Seat a été nommé nouveau directeur général de Renault ce mardi. Il hérite d'une entreprise tourmentée par un an et demi de crise managériale, mais également plongée en plein doutes stratégiques. Si Luca de Meo dispose d'un solide bilan, les défis qu'imposent Renault pourraient néanmoins être d'une autre envergure...
Nabil Bourassi
(Crédits : ALBERT GEA)

Retour à la case départ ? Pas tout à fait, mais le Renault que Luca de Meo s'apprête à diriger est tout à fait différent de l'entreprise qu'il a quitté voilà maintenant vingt années. Car c'est ici que cet Italien polyglotte commença sa carrière, avant de barouder entre Toyota Europe, Fiat, puis au groupe Volkswagen où il va se distinguer par le redressement spectaculaire de Seat.

Renault: 7 fois plus gros que Seat

Mais jamais jusqu'ici, ce quinquagénaire milanais n'avait endossé des responsabilités aussi grandes. Renault c'est 200.000 salariés, 3,8 millions de voitures par an, quatre marques (Renault, Dacia, Renault Samsung Motors et Lada) et des dizaines d'usines sur quatre continents. Luca de Meo change totalement de dimension par rapport à Seat, une marque circonscrite au continent européen du haut de ses 574.000 immatriculations annuelles. En outre, la marque espagnole fait partie de la galaxie Volkswagen et a largement profité des synergies, des plateformes et des technologies développées par la maison-mère, livrées quasiment clés en main.

Lire aussi : Renault-Nissan: Carlos Ghosn a-t-il été le si bon patron qu'il prétend ?

Autre différence majeure pour Luca de Meo, Renault est un concentré de conflits politico-industriels. Les relations avec l'Etat français (actionnaire à hauteur de 15% du capital) sont historiquement ambigües. Depuis qu'il l'a nationalisé en 1945, l'Etat n'a cessé de jouer un rôle actif (intrusif selon certains) dans la stratégie de l'ex-Régie, et parfois à des fins politiques. En outre, Renault doit restaurer la confiance avec Nissan dont les relations se sont notoirement dégradées depuis l'arrestation de Carlos Ghosn en novembre 2018.

Des ventes mal valorisées

Enfin, l'héritage de ses prédécesseurs n'est pas des plus confortables. Renault traverse une période de doutes, tandis que la stratégie de marque montre de très inquiétants signes d'essoufflement. En 2019, les ventes ont baissé de 3,4% pour le groupe. Dans le détail, c'est la marque Renault qui perd le plus avec une contraction de 7%, alors que Dacia a vu ses ventes progresser de 5%. Pis... Toute la gamme dite des segments supérieurs s'est heurtée à un flop généralisé: Talisman, Espace et Koleos n'ont pas dépassé les 60.000 immatriculations en 2019. Seul le Kadjar s'en sort à peu près avec 125.000 immatriculations, mais ce SUV n'est pas disponible en finition supérieure pour aller chercher de la rentabilité. D'ailleurs, le groupe a publié en novembre un avertissement de résultats.

Pour Luca de Meo, la stratégie de marque pourrait être son premier chantier, c'est aussi son point fort. Chez Seat, il n'a cessé de travailler le "produit" dans une logique de "pricing power". Ou, en d'autres termes, la capacité à vendre des voitures plus chers. En quatre ans, il a ainsi augmenté le prix moyen d'achat d'une Seat de près de 1.500 euros. Il a également lancé une marque à part, Cupra, afin de commercialiser une proposition à plus forte valeur ajoutée sans dérouter l'acheteur traditionnel de Seat.

Luca de Meo pourrait également remettre de l'ordre dans la maison Renault. Le groupe automobile français sort effectivement d'une longue période de troubles internes où des purges de cadres ont déstabilisé les équipes. Connu pour sa proximité humaine et sa chaleur méditerranéenne, Luca de Meo pourrait redonner un nouveau sens au management chez Renault, éprouvé par plus de dix ans de règne de main de fer de Carlos Ghosn.

Des atouts solides pour Renault

Renault dispose d'atouts solides: des équipes d'ingénieurs reconnues, des positions fortes sur les pays émergents (Amérique Latine, Turquie, Maghreb, Russie...), des designers de qualité avec le célèbre Laurens van der Acker, et une image de marque à peu près intacte, somme toute. Il lui manque un leadership concentré sur l'opérationnel et la stratégie de marque. Luca de Meo sera accompagné de Gilles Le Borgne, qui vient de prendre les rênes de la R&D chez Renault. Le transfuge de PSA vient d'ailleurs de s'envoler pour le Japon pour rencontrer ses homologues de Nissan.

Les défis qui attendent Luca de Meo sont colossaux. Il devra tourner la page Carlos Ghosn tout en tirant profit des acquis laissés en héritage (électrification, partage de plateforme, compétitivité des usines...). Pour Renault, c'est désormais une question de survie...

Nabil Bourassi

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 35
à écrit le 25/02/2020 à 20:36
Signaler
Luca de Meo, aussi talentueux et courageux soit-il, va devoir resoudre la quadrature du cercle, entre l'Etat-actionnaire, la faible rentabilite des modeles Renault, les velleites d'independance de Nissan, et une tresorerie insuffisante pour financer ...

à écrit le 02/02/2020 à 16:04
Signaler
L'affaire n'est pas simple .. Le Groupes a été fort malmené dans l'histoire de Mr Grôsn . Maintenant îls faut revoir la stratégie de coopération avec le groupe Nissan .. Tous cette histoire a pris une drôle de tournure judicier, politique et econom...

à écrit le 31/01/2020 à 18:11
Signaler
LDM n'aura pas beaucoup de marges de manœuvre.... L'état français sera derrière lui. Donc, souhaitons lui bon courage ! Avec nos supers énarques en politique, vous savez nos génies de l'industrie, eh bien c'est pas gagné !!!! Affaire à suivre donc.

à écrit le 30/01/2020 à 6:41
Signaler
un italien à la tête de renault un canadien à la tête de air france un belge à la tête de RFF un portugais à la tête de peugeot Sont MAUVAIS à ce point les dirigeant français ????

le 30/01/2020 à 11:10
Signaler
et dire que nos elite se croit superieur a tous ils sont incapable de diriger une entreprise des ministeres oui pour inventer des taxes mais simplifier une loi pour favoriser le travail jamais

à écrit le 30/01/2020 à 4:25
Signaler
Tant que l'etat enarque sera au milieu du jeu, cette marque ne pourra pas s'en sortir.

à écrit le 29/01/2020 à 17:55
Signaler
LDM doit s'inspirer de la stratégie de marque PSA initiée ds les années 2010 par les prédécesseurs de CT avec la création de la marque premium DS et avec la stratégie de ce dernier sur l'évolution qualitative des modèles pour mieux les valoriser à la...

le 30/01/2020 à 9:37
Signaler
Alpine s’essouffle aussi à la surtaxation française délirante et sans logique... un monstre comme un volvo xc90 n' pas de malus vs cette alpine, petite voiture légère et aérodynamique, sous prétexte d'une hybridation dont tous les utilisateurs o...

à écrit le 29/01/2020 à 17:50
Signaler
... a pu accumuler autant d'échecs commerciaux ? Velsatis, Avantime, Laguna 2 et 3, Fluence, Talisman, Espace 4 et l'actuelle, Scenic 4, Koleos, même la Megane actuelle qu'on ne voit pas dans la rue, ... Il y a quand même un vrai problème de construc...

le 29/01/2020 à 20:03
Signaler
Pourquoi ne pas disserter sur la Dauphine pendant qu' on y est ...?! Qui vend des monospaces aujourd' hui puisque la mode est au SUV ? Le transfert se fait année après année des berlines vers les SUV, le Captur est numéro un du segment...

à écrit le 29/01/2020 à 16:39
Signaler
Que l'état français se retire de Renault !

à écrit le 29/01/2020 à 15:53
Signaler
Il serait très souhaitable que monsieur Luca de Meo soit nommé à un poste de conseiller économique auprès d'un Consulat d'Italie au Japon afin de bénéficier de l'immunité diplomatique..... Cordialement

à écrit le 29/01/2020 à 14:42
Signaler
Question de survie pour Renault ! N'y allez vous pas beaucoup trop fort ? Sur quoi appuyez vous cette affirmation catastrophique ?

à écrit le 29/01/2020 à 13:10
Signaler
Renault n'a pas besoin d'être sauvé. Encore un titre sensationnaliste et nul.

le 29/01/2020 à 13:37
Signaler
Ah bon? le capital de la boite a perdu plus de 60% en 2 ans mais oui tout va bien...les modèles sauf bas de gamme ne se vendent pas, c'est un désastre total. C'est Dacia qui sauve les meubles c'est tout dire. Renault souffre de son étatisation, c'est...

le 29/01/2020 à 14:22
Signaler
Encore une page sur commande, à la Bourassi, pour ne rien dire. Son idole VW a plus de difficultés sur ses gros modèles qui doit baisser ses pollutions, baisser son empreinte CO2 et je suis autrement inquiet pour l' allemand qui vien...

le 29/01/2020 à 14:30
Signaler
@Fredlux La bourse ça se joue sur la durée pour un titre parce que ça va, ça vient, combien a perdu VW durant le dieselgate ...?

à écrit le 29/01/2020 à 12:46
Signaler
il faut souhaiter à Mr Di Meo de ne pas être contraint à faire du méli mélo ; entre Etat français tracassier , syndicats marxistes ,partenaires japonais soupçonneux , la tâche s'annonce périlleuse .

à écrit le 29/01/2020 à 12:33
Signaler
Renault va bien, c'est Nissan qui ne va pas bien donc moins de bénéfice pour Renault ! Quand Renault va t il donc passer la main a Alpine pour son Haut de gamme ?

à écrit le 29/01/2020 à 12:33
Signaler
Renault va bien, c'est Nissan qui ne va pas bien donc moins de bénéfice pour Renault ! Quand Renault va t il passer la main a Alpine pour son Haut de gamme !

à écrit le 29/01/2020 à 12:31
Signaler
Renault va bien, c'est Nissan qui ne va pas bien donc moins de bénéfice pour Renault !

à écrit le 29/01/2020 à 11:49
Signaler
La dernière voiture de haut de gamme Renault, héritage de l'avant guerre, s'appelait la Frégate et comme une comète la Rambler qui n'a pas duré longtemps, Renault n'a plus fait que de moyennes et petites voitures à la fiabilité très relative d'ou l'e...

à écrit le 29/01/2020 à 10:47
Signaler
Il n'est pas précisé dans l'article qu'il ne prendra ses fonctions que le 1er juillet. Ce délai n'est il pas un peu long compte tenu de l'urgence de la situation? Volskwagen a accepté son départ mais a réussi à imposer cette condition qui n'est pas ...

à écrit le 29/01/2020 à 10:22
Signaler
"Pour Renault, c'est désormais une question de survie..." La fin est trés peu probable car Renault fait des bénéfices. Carlos le "visionnaire" a planté le renouvellement de la gamme en privilégiant des créneaux en fin de cycle porteur (grosses berli...

à écrit le 29/01/2020 à 9:29
Signaler
Cela me conforte dans l'idée de ne plus acheter Renault

à écrit le 29/01/2020 à 5:17
Signaler
Passer d’une entreprise à son concurrent direct dans les hautes sphères de direction devrait poser un problème d’éthique ã ces hauts dirigeants . Personnellement Je suis choqué

le 29/01/2020 à 6:09
Signaler
Et quand un joueur ou un entraineur de foot change de club change de club ?

à écrit le 29/01/2020 à 2:50
Signaler
Plus jamais une Renault.

à écrit le 29/01/2020 à 2:28
Signaler
seat eat une marque italienne et non espagnole...

à écrit le 28/01/2020 à 22:31
Signaler
Sauver Renault parce que Renault est perdu sieur Bourrassi ou parce que Seat perd Luca Stagnette ...?!

à écrit le 28/01/2020 à 20:32
Signaler
Ce nouveau DG est en somme le mieux placé pour allier Renault à VW. Vive l'Europe!

le 28/01/2020 à 20:57
Signaler
soyez rassuré, ce projet, si tant est qu'il ait été ne serait ce que pensé, sera shooté en moins de 3 minutes par les autorités de la concurrence...

le 29/01/2020 à 11:28
Signaler
VW est dans une mauvaise passe avec ses électriques en retard technologique, Renault en avance sur ses électriques et sur une hybridation totalement novatrice qui arrive à la mi année. Pourquoi s' inquiéter ? A moins que ce ne soit...

à écrit le 28/01/2020 à 18:41
Signaler
Pensez-vous que la politique consistant à badger des Dacia sous la marque Renault (hors d'Europe) ait contribué à créer une image de marque premium ?

le 28/01/2020 à 20:50
Signaler
Non, clairement non. Les as japonais du marketing (car les directions sont managées par les japonais, un comble pour une filiale) ont coulé les prétentions de Renault. Qui se souvient de la Talisman ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.