Mercedes, Smart, camions... Daimler accélère sa transformation

Pour Ola Källenius, PDG depuis mai 2019, la crise du coronavirus doit permettre au groupe automobile allemand d'accélérer sa transformation industrielle et stratégique. Il vient ainsi d'annoncer la scission de la très profitable division camion, et le changement de nom du groupe. La détérioration des ratios financiers de Daimler avait commencé avant la crise sanitaire.
Nabil Bourassi
(Crédits : Michaela Rehle)

La transformation du groupe Daimler a franchi une nouvelle étape avec l'annonce de la scission de la division camion. "C'est un moment historique pour Daimler et le début d'une réorganisation profonde de l'entreprise", a ainsi déclaré Ola Källenius, le PDG du célèbre groupe automobile allemand (Mercedes, Smart...)

La très profitable division camion

Le groupe a annoncé mardi qu'il allait se séparer de la division "Truck and Bus", valorisée autour de 35 milliards d'euros. Cette division qui engrange 45 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an, est sur le podium des plus gros constructeurs de poids lourds du monde avec Volvo et l'ensemble Man-Scania, filiale de Volkswagen. Ce spin-off devrait essentiellement profiter aux actionnaires du groupe (qui sera rebaptisé Mercedes-Benz) puisqu'une large part du capital leur sera reversée à travers une distribution d'actions. Le reste sera introduit à la Bourse de Francfort, avant la fin de l'année, et pourrait être un candidat pour intégrer le Dax comme l'une des plus grosses valeurs cotée en Allemagne.

En 2019, la division, qui prendra l'appellation de "Daimler Trucks", avait enregistré une marge opérationnelle de plus de 6% soit deux fois plus que la division automobile qui réalise néanmoins deux fois plus de chiffre d'affaires.

Smart délocalisée, fin des berlines aux Etats-Unis

Succédant à Dieter Zetsche, Ola Källenius a, dès son arrivée en mai 2019, annoncé la couleur : transformer le groupe Daimler de fond en comble. L'une de ses décisions les plus spectaculaires avait été la délocalisation de la production de Smart en Chine, réservant l'usine d'Hambach en Lorraine à la production d'une Mercedes électrique, avant d'annoncer la revente pure et simple du site. La faible rentabilité de Smart a eu raison de l'aventure de cette marque dans sa version made in France, d'autant qu'elle est passée au tout électrique. Autre décision notoire : aux Etats-Unis, la marque Mercedes a cessé de vendre des berlines pour se concentrer sur les SUV, plus rentables.

Une marge qui s'effrite depuis 2019

Les difficultés du groupe allemand sont effectivement antérieures à la crise du Covid-19 puisque dès 2019, la firme de Stuttgart voyait ses marges s'effriter. Au premier semestre 2019, la marge opérationnelle avait reculé à 3% à peine, soit presque trois fois moins que le groupe PSA. Ce mauvais exercice avait poussé Ola Källenius, aux manettes depuis quelques mois seulement, à annoncer des mesures d'austérité d'urgence : 10.000 suppressions de postes et un milliard d'économie à trouver avant 2022. Dans le même temps, le Suédois devait trouver des ressources pour investir plus massivement dans l'électrification, alors que l'Europe doit basculer en 2020 dans un système d'objectifs avec de fortes amendes à la clé. Mercedes fait alors figure de groupe automobile parmi les plus mal placés du secteur en Europe.

Pour Ola Källenius, le groupe Daimler ne traverse pas seulement une mauvaise passe, il souffre d'une culture industrielle encore trop tournée vers le moteur thermique. En 2019, Daimler doit encore solder des affaires de moteurs qui ont enfreint les normes, ainsi que de nombreux rappels.

Il accélère donc les investissements dans l'électrification et ordonne alors la bascule de Smart dans le 100% électrique. Il débauche un analyste star de Londres, Max Warburton, pour l'aider à accompagner la transformation de Daimler. Mais la crise du Covid-19 l'oblige à aller plus loin dans sa restructuration. Il annonce des fermetures d'usines au Mexique et aux Etats-Unis, et prévoit désormais près de 20.000 suppressions de postes. « Notre point mort est trop élevé, il est supérieur de 1 million d'unités à ce qu'il était il y a dix ans, c'est inacceptable », a justifié le directeur financier, Harald Wilhem, en octobre lors de la présentation d'une ambitieuse feuille de route stratégique.

Pour Ola Källenius, le groupe doit concentrer ses investissements et ses développements produits dans une démarche de montée en gamme de Mercedes à travers le label AMG (motorisations sportives) et de Maybach. Il vise également une baisse de 20% de ses coûts fixes en 2025.

Des actionnaires en embuscade

Enfin, le nouveau patron du groupe doit aussi être attentif aux jeux de pouvoir chez ses actionnaires depuis l'entrée surprise de Geely dans son capital en 2018 (10% de participation). Pour contrebalancer les velléités du constructeur chinois, déjà propriétaire de Volvo, Daimler a favorisé en 2019 l'entrée de son principal rival en Chine, le groupe public BAIC, à hauteur de 5% des parts.

Quelles que soient leurs ambitions à long terme, les actionnaires de Daimler vont pleinement profiter de la scission des camions dont ils deviennent, de fait, actionnaires majoritaires, et qui va afficher une meilleure visibilité de ses ratios de rentabilité, et donc, une meilleure valorisation boursière...

Nabil Bourassi

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