Nissan se sépare d'Ashwani Gupta, son directeur opérationnel, sur fond de dissensions internes

Le directeur opérationnel et numéro deux de Nissan, Ashwani Gupta, un Indien qui rêvait de prendre la place de son patron japonais, va quitter ses fonctions le 27 juin, un départ qui risque de relancer les craintes sur la stabilité de la gouvernance du groupe. Une bonne nouvelle pour Renault-Nissan, Ashwani Gupta étant l'un des opposants à l'Alliance.
Ashwani Gupta rêvait de devenir un jour directeur général de Nissan, « mais il a compris » que c'était impossible dans ce groupe « très japonais » et toujours traumatisé par l'ère Carlos Ghosn.
Ashwani Gupta rêvait de devenir un jour directeur général de Nissan, « mais il a compris » que c'était impossible dans ce groupe « très japonais » et toujours traumatisé par l'ère Carlos Ghosn. (Crédits : PHIL NOBLE)

L'histoire entre Nissan (et Renault) et Ashwani Gupta, son numéro deux et directeur opérationnel, se termine dans la douleur. Cet Indien de 52 ans, qui va quitter ses fonctions le 27 juin, avait rejoint le constructeur à ce poste en décembre 2019, quand le groupe était encore secoué par le séisme provoqué par la chute du Franco-libano-brésilien Carlos Ghosn, arrêté fin 2018 au Japon pour malversations financières présumées et qui a fui un an plus tard au Liban.

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A l'origine, le responsable faisait partie d'un triumvirat formé par un nouveau directeur général japonais, Makoto Uchida, et Jun Seki, directeur opérationnel adjoint. Un attelage compliqué qui avait volé en éclats quelques semaines plus tard avec le départ de Jun Seki, mécontent de sa fonction subalterne. Un tandem Uchida-Gupta s'était ainsi imposé. A l'aise en public, notamment devant les médias, analystes et investisseurs étrangers, le directeur opérationnel faisait de l'ombre à son discret patron en se comportant parfois comme le véritable numéro un du groupe. Il rêvait de devenir un jour directeur général de Nissan, « mais il a compris » que c'était impossible dans ce groupe « très japonais » et toujours traumatisé par l'ère Carlos Ghosn.

Des relations à couteaux tirés avec son patron

Selon le Financial Times, les relations entre les deux hommes étaient même à couteaux tirés : Makoto Uchida et d'autres responsables de Nissan auraient cherché des moyens de pression pour pousser Ashwani Gupta vers la sortie. Le directeur opérationnel aurait été visé par plusieurs plaintes en interne. « Des parties tiers ont été chargées de vérifier les faits et de prendre les mesures qui s'imposent », avait commenté jeudi sur ce point précis un porte-parole de Nissan. Ashwani Gupta aurait été l'un des freins dans les laborieuses négociations sur le nouvel accord avec Renault, annoncé en début d'année. Celui-ci prévoit un engagement financier et technologique du constructeur japonais dans le futur pôle électrique du groupe français, Ampere, en échange d'un rééquilibrage à parts égales des participations croisées entre les deux constructeurs.

 Un rôle déterminant dans le redressement de Nissan

Nissan n'a pas précisé vendredi les raisons du départ de sein numéro deux , se contentant d'indiquer dans un communiqué qu'il allait « poursuivre d'autres opportunités » et que son successeur devrait être annoncé le 27 juin, le jour de l'assemblée générale ordinaire du groupe. Il « a joué un rôle déterminant dans l'élaboration et l'exécution » du plan de transformation du groupe Nissan Next, lancé en 2020 et qui s'est achevé cette année, a aussi salué le constructeur.

Auparavant, ce fin connaisseur de l'industrie automobile et de Renault-Nissan avait grandement contribué à l'établissement des deux groupes en Inde, puis occupé divers postes à responsabilité au sein de leur alliance, dont celui de directeur opérationnel de Mitsubishi Motors, dont Nissan est le principal actionnaire.

« C'est une perte pour Nissan, car il était l'un des principaux artisans du redressement » du constructeur, sorti du rouge depuis son exercice 2021/22 après deux exercices désastreux, sur fond de la pandémie et de la restructuration de ses activités mondiales, a réagi vendredi auprès de l'AFP Tatsuo Yoshida, analyste automobile chez Bloomberg Intelligence. « Piloter un groupe japonais est très difficile pour quelqu'un venant de l'extérieur », a ajouté cet analyste, supposant que son successeur pourrait ainsi être trouvé en interne. Beaucoup d'entreprises japonaises ont par ailleurs du mal à attirer et à conserver des talents étrangers, qui peuvent rarement se hisser au poste de numéro un. « Les différences culturelles, la barrière linguistique et la hiérarchie traditionnelle dans la culture d'entreprise nippone peuvent poser des problèmes à des dirigeants étrangers », mais cela dépend des entreprises « au cas par cas ». Ce départ peut de nouveau « susciter des inquiétudes concernant la stabilité et l'équilibre de la direction de Nissan », et faire preuve de « cohésion organisationnelle » sera une lourde tâche qui incombera à son successeur, ajoute l'analyste.

Des prévisions de résultats optimistes pour l'exercice 2023/24

Nissan a dévoilé en mai des prévisions de résultats optimistes pour son nouvel exercice 2023/24 démarré le 1er avril, et s'est félicité de résultats financiers « solides » sur l'exercice écoulé en dépit d'un contexte « difficile ». Le constructeur confirme ainsi son redressement, après être sorti en 2021/22 de deux exercices annuels profondément dans le rouge à cause de la pandémie et d'une douloureuse restructuration de ses activités mondiales. L'allié du français Renault s'attend à une envolée de 42% de son bénéfice net en 2023/24 à 315 milliards de yens (2,1 milliards d'euros), après avoir dégagé un bénéfice net de 221,9 milliards de yens (1,5 milliard d'euros) sur son exercice annuel écoulé (+3%).

Le groupe prévoit aussi un bond de près de 38% de son bénéfice opérationnel annuel à 520 milliards de yens contre 377,1 milliards de yens en 2022/23 (+52,5%). Et il mise sur une croissance de 17% de son chiffre d'affaires annuel, à 12.400 milliards de yens (84 milliards d'euros au cours actuel), après un bond de 25,8% de ses ventes sur l'exercice écoulé à près de 10.600 milliards de yens. Ses résultats sont par ailleurs légèrement supérieurs aux prévisions que le groupe avait pourtant actualisées fin avril.

Nissan table sur un rebond de 21% de ses ventes en volume sur son nouvel exercice, à 4 millions d'unités, après une baisse de 14,7% en 2022/23 notamment due à leur déclin en Chine. Son directeur opérationnel Ashwani Gupta, sur le départ, avait alors reconnu lors d'une conférence de presse que Nissan n'avait pas bien anticipé l'ampleur de la récente vague électrique sur le marché automobile chinois.

(Avec AFP)

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