Refonte de l'alliance Renault-Nissan : ce qu'il faut savoir

Renault et Nissan vont dévoiler le 6 février les détails de leur nouvelle alliance, scellée en 1999 mais déstabilisée après la chute de l'ancien patron Carlos Ghosn.
C'est un pas en arrière dans l'alliance pour espérer en faire deux en avant explique Oddo
"C'est un pas en arrière dans l'alliance pour espérer en faire deux en avant" explique Oddo (Crédits : Valentyn Ogirenko)

Pas un divorce, mais une refonte de cette alliance vieille scellé il y a 24 ans. Une alliance dans laquelle le groupe français Renault détenait jusqu'ici 43,3% des parts du capital de son allié japonais, Nissan, lequel ne possédait que 15% des parts de Renault qui plus est sans droit de vote dans les assemblées générales. Un schéma déséquilibré mis en place lors des premières années de l'Alliance quand Renault est venu sauver Nissan mais qui n'a cessé de créer des tensions au fur et à mesure que le constructeur japonais montait en puissance. Cette nouvelle alliance s'apprête donc à restaurer une égalité parfaite puisque Renault va céder ses parts pour revenir à 15% du capital de Nissan et la restriction de vote du constructeur japonais sera levée. Les « accords définissant les nouvelles bases de leur partenariat » seront dévoilés ce lundi 6 février à Londres. Avant cette décision finale, retour en quatre points sur ce qu'implique cette refonte de l'alliance.

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Un équilibre pour restaurer la confiance

  • En 1999, Renault décide d'investir 36,8% du capital de Nissan, alors en grande difficulté financière. En 2002, Nissan prend 15% de Renault qui, à son tour, décide de monter ses investissements à 44,4% puis 43,3% l'année suivante, sous l'égide de Carlos Ghosn, alors numéro 2 du constructeur français et responsable de cette alliance. Mais au fil de années l'ingérence de l'Etat français et l'histoire des droits de vote double pour Bercy dans le capital du groupe, accentue les tensions, qui craint une fusion. Les malversations financières présumées de Carlos Ghosn en 2018 finira de tendre les relations entre les deux groupes.

    « Renault n'a jamais utilisé son pouvoir de détenir 43% du capital de Nissan, la dimension politique l'empêchait de l'exercer. Ces parts ne servaient à rien pour le groupe. L'alliance entre les deux allait dans le mur, cette décision ne fait qu'acter quelque chose qui ne marchait pas », souligne un analyste spécialiste du secteur automobile.

    C'est donc essentiellement pour enlever le ressentiment japonais que Nissan et Renault ont fait le choix d'une possession à l'équilibre du capital de part et d'autre. La signature de ce changement ainsi que les nouvelles bases du partenariat se tiendront d'ailleurs à Londres, « en terrain neutre. » Tout un symbole.

Renault ne vendra pas ses parts

  • Que faire des parts du capital que Renault va céder ? Le groupe a annoncé les placer dans une fiducie française afin que les droits de vote associés à ces parts soient écartés des décisions.

    « L'idée est d'annuler les droits de vote mais de garder les droits économiques, donc Renault va continuer de toucher les dividendes associés à ces parts », explique le même expert.

    Renault n'a aucun intérêt à vendre ses parts dans l'immédiat. En effet, la valeur de marché des parts du groupe japonais est très inférieure à sa valeur inscrite dans ses comptes. Chez Oddo BHF, on estime qu'on ne retrouvait pas les 43% des parts du capital dans les variations de Renault et que la décote était trop forte. Avec cet accord, les deux groupes s'engagent à rester à 15% chacun et ne peuvent pas monter leur part. Nissan aura également autant de droits de vote que Renault dans les assemblées générales désormais.

    Lire aussiRenault fait sa révolution pour devenir champion de l'automobile de 2030

Nissan compte investir dans Ampère

  • Et le groupe japonais ne compte pas s'arrêter là. Nissan compte investir dans Ampère, la branche électrique du groupe Renault en cours de constitution La participation de Nissan devrait se situer autour de 15%, Nissan ayant tout intérêt à être un acteur stratégique de cette filiale, aujourd'hui mieux valorisée que Renault. Pour rappel, en 2022, Renault a annoncé sa volonté de scinder en deux les activités thermiques et électriques du groupe afin de développer massivement les véhicules électriques. La filiale électrique, nommée Ampère, sera une entité autonome et doit être introduite en bourse au second semestre 2023. La participation de Nissan dans ce projet est en discussion depuis 2022 et permettrait, là encore, de rééquilibrer l'alliance entre les deux groupes.

Des projets communs pour redevenir numéro 1

  • L'objectif principal de cette refonte de l'alliance reste avant tout d'investir dans de futurs projets, principalement en Inde, en Europe et en Amérique Latine, les trois secteurs ciblés par les deux groupes. Pour rappel, l'alliance était le premier constructeur mondial en 2018. Les résultats des ventes mondiales de 2022, parus lundi, ont montré une chute importante en les plaçant quatrième, avec une baisse des ventes de 23,9% pour Renault et 20,7% pour Nissan.

    De très mauvais résultats que Luca de Meo, le directeur général, espère rehausser avec cette refonte de l'alliance. Mais cette partie opérationnelle reste cependant très vague, elle sera éclaircie lors de la conférence tenue à Londres entre les deux constructeurs accompagnés de Mitsubishi, le troisième partenaire. Les premiers indices porteraient sur un développement important de la production de Nissan en Inde ou encore la mise en commun des réseaux de recyclage.

Les grandes dates de l'Alliance

Scellé il y a 24 ans, le mariage entre les constructeurs automobiles français Renault et japonais Nissan - rejoints par Mitsubishi Motors en 2016 - a été mouvementé, entre périodes fastes et tensions extrêmes.

Noces franco-japonaises

En 1999, Nissan est en grande difficulté financière et cherche un allié pour survivre : ce sera finalement Renault, qui prend 36,8% du constructeur nippon.

Carlos Ghosn, numéro deux de Renault à l'époque, est chargé de redresser Nissan. Les résultats du constructeur japonais s'améliorent rapidement après une restructuration drastique, et la coopération avec Renault dans la distribution, les achats et la fabrication porte ses fruits dès 2001.

Participations croisées

Nissan prend en 2002 une part de 15% dans Renault (mais sans droits de vote), tandis que le groupe français porte à 44,4% sa participation dans la firme nippone (réduite à 43,4% en 2010). Carlos Ghosn succède en 2005 à Louis Schweitzer à la tête de Renault et prend les rênes des deux groupes. En 2006, l'idée d'un mariage à trois avec l'américain General Motors capote. En 2010, Renault-Nissan signe un partenariat stratégique avec l'allemand Daimler, dont le volet capitalistique sera dissout en 2021. L'alliance conclut aussi en 2012 un accord pour prendre le contrôle du premier constructeur russe Avtovaz.

Montée des tensions

L'année 2015 est marquée par de fortes turbulences : l'augmentation surprise de la participation de l'État français au capital de Renault met en colère Nissan, qui redoute une fusion. En 2016, l'alliance s'élargit au japonais Mitsubishi Motors dont Nissan prend 34%.

Début 2017, Carlos Ghosn cède la direction générale de Nissan à Hiroto Saikawa mais reste président de la société. Il demeure aussi PDG de Renault, président de Mitsubishi Motors et de l'alliance entre les trois constructeurs. En 2017, l'alliance revendique la place de numéro un mondial de l'automobile avec 10,6 millions de véhicules vendus.

Ghosn chute, l'alliance tangue

Le 19 novembre 2018, Carlos Ghosn est arrêté à Tokyo, soupçonné de malversations financières. Il est aussitôt lâché par Nissan et Mitsubishi Motors. L'alliance est paralysée.

Nommé en janvier 2019 à la présidence de Renault, Jean-Dominique Senard s'efforce de relancer la machine. Mais les tensions s'accumulent au printemps : fuites sur un nouveau projet français de fusion Renault-Nissan auquel le groupe japonais s'oppose fermement, puis offre de mariage, finalement retirée, de Fiat Chrysler avec Renault.

Confronté à une chute de ses bénéfices, au plus bas depuis la crise mondiale de 2008-2009, Nissan annonce en 2019 la suppression de 12.500 emplois dans le monde.

Reconstruction

Rattrapé par un scandale lié à l'ère Ghosn, Hiroto Saikawa démissionne en septembre 2019. Makoto Uchida, davantage pro-alliance, devient directeur général de Nissan. Le 29 décembre 2019, Carlos Ghosn, en liberté sous caution au Japon, fuit au Liban dans des conditions rocambolesques.

En mai 2020, Renault-Nissan-Mitsubishi initient un nouveau modèle de coopération, chaque membre devenant une "entreprise de référence" au sein de l'alliance dans ses points forts spécifiques, afin de réduire les coûts. Déjà en grande difficulté avant la crise provoquée par la pandémie de Covid-19, Nissan et Renault lancent tous deux des plans d'économie sévères. En juillet 2020, Luca de Meo, ancien patron de Seat, devient directeur général de Renault. Fin janvier 2022, les trois membres de l'alliance annoncent qu'ils investiront ensemble 23 milliards d'euros dans l'électrification sur les cinq prochaines années, pour lancer 35 nouveaux modèles électriques d'ici à 2030.

Rééquilibrage

En février 2022, Renault révèle envisager de scinder ses activités thermiques et électriques, prenant Nissan de court.

En mai 2022, sur fond de la guerre en Ukraine, Renault confie Avtovaz à l'Etat russe. Le constructeur français avait racheté en 2017 la part de Nissan dans l'entreprise russe. Le 8 novembre 2022, Renault dévoile sa réorganisation en cinq pôles, dont Ampere, filiale électrique destinée à être cotée en Bourse, et Horse, une coentreprise avec le chinois Geely dans les équipements thermiques. Mais les négociations avec Nissan s'éternisent. Le 30 janvier 2023, Renault et Nissan annoncent un rééquilibrage imminent de leurs participations croisées : chacun détiendra 15% du capital de l'autre et autant de droits de vote. Nissan deviendra aussi un « actionnaire stratégique » d'Ampere.

(AFP)

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Commentaires 5
à écrit le 06/02/2023 à 9:10
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Comment transformer une entreprise, certes pas parfaite, en nain de jardin: demander à l'état ...

à écrit le 05/02/2023 à 8:27
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Le principal responsable de la dégradation des relations entre les deux partenaires n'est pas Carlos Ghosn, mais bien l'Etat socialiste. L'octroi de votes doubles pour l'Etat chez Renault, ainsi que son exigence d'une fusion, ont légitimement irrité ...

le 05/02/2023 à 10:55
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@PNL: L'Etat Socialiste, non! Macron seul!

le 05/02/2023 à 11:19
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Parfait. Mieux, l' état socialiste perdure avec Macron, au risque de choquer les non initiés au fait méta politique. En effet, quelle est la définition d' un état socialiste ? C' est un état qui a perdu l' ensemble de sa s...

le 05/02/2023 à 15:55
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Effectivement, à l'époque Macron (alors ministre des finances) était très satisfait de son coup d'avoir imposé le vote double aux actions détenues par l'état français et ce contre la volonté de Ghosn qui avait compris que cela nuirait à l'alliance en...

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