Valeo : le bilan survolté de Jacques Aschenbroich

L'équipementier automobile français a publié ses résultats semestriels marqués par de très fortes prises de commandes sur ses activités d'électrification. Alors que l'industrie automobile accélère sa transition énergétique à marche forcée, Valeo n'a pas annoncé de réajustement de sa feuille de route stratégique. A six mois de la passation du poste de PDG avec Christophe Périllat, Jacques Aschenbroich a présenté les perspectives du groupe sous forme de bilan de ses douze années de mandat.
Nabil Bourassi
(Crédits : CHARLES PLATIAU)

"Aucun regret !" Pour Jacques Aschenbroich qui a présidé sa dernière conférence de presse de résultats financiers du groupe Valeo, le bilan de ces dernières années, et les perspectives des prochains exercice, souffre d'assez peu de débats.

"Depuis 2009 (date de son arrivée à la tête de Valeo, ndlr), le marché automobile a été multiplié par 1,3, notre chiffre d'affaires par 2,5, l'ebitda et le cash-flow par 3,7 et notre présence en Chine par 4,1 tandis que celle en Europe par 1,6", a-t-il résumé.

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Le pari de la JV avec Siemens

Humble, Jacques Aschenbroich ne goûte pas le plaisir revanchard de rappeler la défiance des marchés à propos de ses lourds investissements dans l'électrification haute tension notamment à travers la coentreprise avec Siemens. Et pourtant, les résultats sont là, rappelle Robert Charvier, directeur financier, qui ne cache pas cependant son soulagement que ces investissements soient derrière. Sur les seuls six premiers mois, les prises de commandes ont dépassé le milliard d'euros, et Valeo table sur un potentiel de quatre milliards d'euros les prochaines années.

C'est pourtant peu de dire que les marchés se sont montrés méfiants. Les investissements dans cette JV lancée en 2017 avaient brisé la dynamique boursière de Valeo dont la courbe de progression se comptait à trois chiffres en seulement quelques années. Celle qu'on appelait "la tech company" jouissait alors d'une surprime par rapport aux standards du secteur. Les doutes sur les perspectives réelles d'électrification avaient fait plonger le titre, parmi d'autres raisons comme la gestion du ralentissement du marché chinois.

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Pour autant, si les faits ont fini par donner raison à Jacques Aschenbroich, il semblerait que le marché se soit retourné plus vite qu'il ne l'imaginait lui-même. La décision de la Commission européenne d'en finir avec les motorisations thermiques, hybrides compris, dès 2035, a totalement changé les paradigmes de marché, et les perspectives à horizon 2030. Au point que plusieurs constructeurs automobiles de taille mondiale sont prêts à renverser la table en adoptant de nouveaux modèles industriels et à basculer au 100% électrique.

Pourtant, Jacques Aschenbroich est resté stoïque face à ce spectaculaire bouleversement. La feuille de route du groupe ne change pas d'un poil, alors qu'il faudra probablement augmenter les capacités de production sur plusieurs technologies, et changer de pied les équipements entourant les voitures thermiques.

Le 48 volts pour accompagner la mobilité urbaine

Seul le moteur 48 volts semble vivre une évolution stratégique, sans le dire. Alors que Jacques Aschenbroich défendait jadis cette technologie comme le futur "standard de la voiture thermique", son avenir semble désormais compromis au moment où sa disparition est désormais programmée avec celle des moteurs thermiques. Pour Jacques Aschenbroich, le débat est en réalité loin d'être refermé sur cet "équilibre entre basse et haute tension". Ainsi, le 48 volts pourrait accompagner "la mobilité au sens large", d'après Christophe Périllat qui prendra la tête du groupe en janvier prochain.

En d'autres termes, le 48 volts équipera les mobilités douces urbaines comme les quadricycle (à l'instar de la Citroën Ami), des vélos à assistance électrique ou encore les fameux tuk-tuk indiens. Mais sans les SUV et autres berlines qui cherchaient à alléger leur bilan CO2 grâce au 48 volts, l'équation économique ne sera évidemment plus la même...

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Sur les assistants de conduite également, Valeo se dit conforté dans ses choix stratégiques. L'électrification va accélérer ce marché où le groupe français tient des positions robustes notamment dans les capteurs à haute valeur ajoutée comme les Lidar.

Jacques Aschenbroich n'a rien annoncé également au sujet du dénouement de la participation de Siemens dans la coentreprise, une issue possible à partir de 2022. "Siemens ne nous a pas informés de ses intentions", a-t-il laconiquement indiqué.

Ainsi, alors que la terre semble se dérober sous les pieds des constructeurs automobiles contraints d'accélérer leur transition énergétique à coups de milliards, Valeo continue à jouer sa partition, et rien ne semble justifier un réajustement stratégique. Sur les batteries électriques, Jacques Aschenbroich est sorti de sa nonchalance pour affirmer avec force ne pas regretter de ne pas avoir lancé ses propres gigafactories. "Ce n'est pas notre métier, et les milliards nécessaires, nous avons préféré les mettre dans notre JV avec Siemens", a-t-il répondu.

Les projets d'internalisation de la chaîne de traction électrique par les constructeurs automobiles ne font pas davantage peur au tandem Aschenbroich-Périllat. Pour le futur patron de Valeo, "le gâteau est assez gros pour tout le monde" estimant que les équipementiers vendront 40% des "powertrain" du monde. Il a rappelé que Valeo produit trois éléments de cette chaîne : le moteur électrique, l'onduleur et le chargeur.

Crise des puces : pas de ruptures d'approvisionnements

Pour Valeo, rien de neuf sous le soleil donc. "Nous serons prêts", s'est contenté d'annoncer un Jacques Aschenbroich heureux de confier une entreprise en pleine forme comme l'ont confirmé les résultats du premier semestre dans un contexte d'après crise sanitaire, mais surtout, de pénurie de semi-conducteurs.

"Nous avons toujours livré nos clients malgré la pénurie de semi-conducteurs", s'est-il félicité, alors même que Valeo est le troisième acheteur de puces automobiles au monde avec 50 milliards de composants par an, a rappelé Christophe Périllat.

Même le flux de trésorerie a surpris. Il ressort à 145 millions d'euros, mais si on lui ajoute les 200 millions mobilisés pour constituer, "transitoirement", des stocks, Valeo retrouve une performance au moins équivalente à celle enregistrée en 2019 (234 millions d'euros). La marge d'Ebitda est supérieure à celle enregistrée avant-crise, mais la marge opérationnelle, elle, ressort en baisse à 4,6% (5,3% en 2019).

Les investisseurs, eux, semblent convaincus puisque le titre a grimpé de 6% sur cette seule journée. A 24,16 euros, Jacques Aschenbroich finit tout de même par lâcher son seul vrai regret: "une valorisation qui ne correspond pas à la valeur de Valeo", selon lui. Après avoir triomphalement intégré le Cac 40 en 2014 en avec un titre à plus de 60 euros, l'ex-tech company a dû quitter l'indice parisien en 2019.

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Nabil Bourassi

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Commentaire 1
à écrit le 24/07/2021 à 7:09
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ca va aller haut ! en bourse!

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