Construction en bois : Bouygues Bâtiment part à la conquête du marché avec le chantier Dalkia

WeWood, c'est le nom de code de la démarche Bouygues Bâtiment France qui vise à réaliser 30% de ses constructions en bois d'ici 2030. Sauf que passer du béton - activité historique du groupe - à l'ossature bois nécessite une refonte totale des process et mobilise de nouvelles compétences. Le constructeur n'est pas le seul à s'être lancé dans la construction bois, sous la pression de la demande des maitres d'ouvrage.
Le nouveau siège régional de Dalkia, filiale d'EDF, spécialisée dans les services énergétiques, s'étendra sur 7.815 m2, au 22e kilomètre de la Deûle, sur le site de l'ex-usine Rhodia.
Le nouveau siège régional de Dalkia, filiale d'EDF, spécialisée dans les services énergétiques, s'étendra sur 7.815 m2, au 22e kilomètre de la Deûle, sur le site de l'ex-usine Rhodia. (Crédits : GBL Architectes)

Pour Bouygues Bâtiment Nord-Est, ce chantier bois est une première dans les Hauts-de-France. A une échelle impressionnante, car le nouveau siège régional de Dalkia, filiale d'EDF spécialisée dans les services énergétiques, s'étendra sur 7.815 m2, au 22e kilomètre de la Deûle (d'où le nom de Quai 22), sur le site de l'ex-usine Rhodia. Avec 2.500 m2 de murs en ossature bois, 6.200 m2 de planchers CLT, 280 m3 de poutres en lamellé-collé. Le bois choisi est essentiellement de variété Epicea, car il se renouvelle assez vite, ne présente peu de maladies tout en se trouvant assez facilement en Europe. Le nouveau siège du fournisseur de services énergétiques visera les certifications BBCA niveau standard et BREEAM Very good.

Sauf qu'à la différence du béton, la construction en bois nécessite de tout calculer au millimètre près, bien en amont du chantier. « Les bénéfices du bois sont tangibles à tout point de vue : il est cinq fois plus léger que le béton et il réduit par six en moyenne le nombre de livraisons par camions », souligne Thibault Wulstecke, chef du service Travaux chez Bouygues Bâtiment Nord-Est. Bouygues n'est pas le seul grand constructeur à s'être lancé dans la construction bois, sous la pression de la demande des maîtres d'ouvrage : Vinci Construction France a créé une filiale Arbonis, tout comme Eiffage d'ailleurs.

Le marché présente beaucoup de potentiel : selon l'Observatoire national de la construction bois, le marché des bâtiments non résidentiels (tertiaires, agricoles, industriels et artisanaux) a atteint 16,8% en 2020. « Le bois n'est donc plus cantonné à la maison individuelle et gagne du terrain dans tous les segments de la construction », souligne la dernière étude datant de 2021.

Pénibilité diminuée

Sur le chantier, le bois diminue en effet la pénibilité, l'impact sonore et la poussière. Il améliore de surcroit la sécurité, les délais d'exécution et la qualité de la réalisation. « Le retour d'expérience semble montrer que la noblesse du bois valorise le travail, d'autant que le chantier bois évolue plus vite qu'un chantier béton, tout en demandant moins de port de charges lourdes. Il semble que les compagnons soient globalement beaucoup moins fatigués ».

La digitalisation d'un plan d'avancement journalier développé en interne « permet aussi de lieux maîtriser le temps d'avancement en recoupant entre le nombre d'heures théoriques et les heures effectuées, afin d'analyser et de corriger le tir éventuellement », précise François Leuliet, responsable production bois/béton/clos couvert du projet. Des QR codes donnent accès aux informations d'assemblage en temps réel. Sachant que sur un chantier comme Dalkia, cela représente 30.000 vis de 15 références différentes, hors boulonnerie...

Gain de temps et de main d'oeuvre

Du côté du temps, l'expérience montre qu'un chantier bois permet de réduire environ de 20% la durée du chantier. Pour ce qui est de la main d'oeuvre, là où le siège de Dalkia en béton aurait mobilisé 20 personnes, il ne nécessite aujourd'hui plus que 12 collaborateurs (trois en préparation, trois équipes de deux personnes pour la pose des poutres et planches, trois personnes en finition pour le vissage et l'étanchéité). Le coût revient quand même plus cher pour le constructeur « mais nous livrons les bâtiments dans des délais plus courts, reprend Thibault Wulstecke. Mécaniquement, plus nous effectuerons des constructions bois, plus nous deviendrons compétitifs ».

En contrepartie, le bois nécessite de réinventer tous les schémas de construction habituels, avec une grande anticipation. « La mise en œuvre de la modélisation informatique BIM et une pré-construction se fait hors site, dans le bureau d'études et en usine : le timing est donc complètement différent de la construction béton ». Il faut compter en moyenne huit semaines de fabrication d'une partie bois, sachant que deux mois avant, il n'est plus possible de changer les plans.

Anticipation maximum

Impossible donc de commander du béton la veille pour le lendemain ou encore de bouger de quelques centimètres le positionnement d'une porte. « Les panneaux de bois sont livrés déjà préparés : les trous sont faits à l'usine. Il est possible de découper sur chantier mais c'est un travail très long et difficile et cela signifie surtout qu'il y a eu un bug quelque part. L'objectif est donc de tout bien penser en amont pour ne plus avoir qu'à agencer et à visser, là où avant on bétonnait au fur et à mesure », souligne François Leuliet, le responsable de production.

Sans oublier tout l'aspect de formation à prévoir. Rien que pour le chantier de Dalkia, cinq compagnons et un chef de chantier ont été spécialement formés, non pas au métier de charpentier mais bien de monteur en structure bois. Ne s'improvise pas constructeur en bois qui veut ! Chez Bouygues Construction, le pôle d'excellence WeWood, c'est 30 experts, un réseau de plus de 1.000 ingénieurs et aussi un club des partenaires pour travailler avec et pour les acteurs de la filière bois (achats, industriels, institutions...) ainsi qu'une communauté d'ambassadeurs pour porter le bio-sourcé en région.

Sans oublier l'Académie du bois qui compte développer les compétences, avec un objectif national de former 500 collaborateurs en deux ans. « Par le biais des dispositifs de réinsertion sociale, il sera possible de suivre des parcours pour deux, trois, six mois, pour maîtriser le bois voire l'ossature paille mais aussi l'acier et le béton (car, pour des raisons réglementaires, les cages escaliers restent en béton et les ascenseurs en acier par exemple) ». Entre 150 et 200 compagnons seront formés au bois dans les Hauts-de-France, avec au moins une semaine en immersion sur une opération.

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Commentaires 2
à écrit le 26/09/2022 à 15:30
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La construction en bois ou, comment raser les forêts !

le 26/09/2022 à 17:47
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Raser comme d'habitude, vu que c'est géré, vous ne pouvez laisser les arbres pendant 50 ans vieillir puis tomber (à part le roi, chêne, 150 ans minimum). La difficulté c'est la quantité disponible par année, pour justement ne pas trop en consommer v...

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