Crise du logement : un plan qui ne résout rien

REPORTAGE. Les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au Logement devaient déboucher sur un consensus. Sauf qu'à peine démarrées, les professionnels ont crié, ce 5 juin, leur « colère » d'être « méprisés ». Suivi par l'ex-député (LREM) Mickael Nogal: « Monsieur le ministre, on tient vraiment à cette mesure ! ». Sauf que ce dernier, Olivier Klein, s'est fait l'écho de l'argent public rare. Suscitant de nouveau l'agacement d'un secteur qui se dit matraqué fiscalement. Pas de déni, mais un défi, a conclu la Première ministre Elisabeth Borne.
César Armand
(Crédits : Reuters)

Drôle d'ambiance à la Maison d'architecture Île-de-France en ce 5 juin. A quelques minutes des conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement, les professionnels s'émeuvent des annonces de Matignon dévoilés la veille après six mois de travail et des centaines d'heures de réunions tous azimuts« Le malade chronique est arrivé aux urgences, j'attends maintenant la date des obsèques », lâche, saignant, Pascal Boulanger, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

« C'est une déception. Nous allons travailler avec le gouvernement et les parlementaires pour sauver un secteur entier, car nous aussi nous logeons nos employés. C'est ça le plus dur : il faut penser aux plus modestes », appuie Olivier Salleron, le patron de la Fédération du bâtiment (FFB).

Le président du pôle Habitat de la FFB, Grégory Monod, lui, n'a pas voulu venir. « C'est un acte volontaire », confie son délégué général Christophe Boucaux. « Si on veut tuer le malade, il n'y a pas mieux. C'est méprisant pour la maison individuelle », poursuit-il, évoquant 83.000 ventes en douze mois à fin avril, « 10% de moins que le point le plus bas et 30% de moins que la moyenne de long-terme ». « On rajoute de la peine à la douleur », conclut-il.

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Cri de « colère » des professionnels d'être « méprisés »

L'heure est désormais à la grand-messe dans l'ancienne chapelle des Recollets. Sur scène, le ministre de la Ville et du Logement martèle à plusieurs reprises : « Oui, le logement intéresse l'Etat... Non, cette crise, nous ne la découvrons pas. Cette crise, je la vis au quotidien comme maire (Divers gauche) de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ».

En réalité, dans la salle, le cœur n'y est pas. Au même moment, la FPI, la FFB, son pôle Habitat, ainsi que la Fédération nationale de l'immobilier, le promoteur-constructeur-bailleur social Procivis, l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis) et l'Union nationale des syndicats français d'architectes (UNSFA) crient, dans un communiqué, leur « colère » d'être « méprisés ».

« Il n'y a plus de politique du logement », assènent les fédérations professionnelles.

« Le gouvernement a-t-il conscience que la situation deviendra hors de contrôle et que toute la chaîne du logement continuera à se bloquer ? », s'interrogent-ils encore, pointant « des mesures non chiffrées, ou pas à la hauteur des enjeux ».

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 « Monsieur le ministre, on tient vraiment à cette mesure ! »

C'est ensuite au tour du maire (PS) de Villeurbanne (Rhône), Cédric Van Styvendael, co-pilote du groupe de travail sur les politiques sociales, de prendre le micro. « Arrêtons de dire que ça coûte un pognon de dingue ! », s'exclame-t-il, rappelant que la politique du logement rapporte à l'Etat près de 50 milliards d'euros par an, n'en déplaise au président Macron qui avait critiqué, dans Challenges, un « système de surdépenses publiques pour de l'inefficacité collective ».

Par la suite, les oreilles du pouvoir exécutif vont continuer à siffler. Avec la déléguée générale de l'Institut des hautes études pour le logement (Idhéal) Catherine Sabbah, l'ex-président du Conseil national de l'habitat, Mickael Nogal, député (LREM) de Haute-Garonne de 2017 à 2022, interpelle directement le ministre Klein.

« Le foncier va devenir de plus en plus rare et de plus en plus cher. Nous allons nous retrouver avec un coût du logement de plus en plus coûteux. Nous avons besoin de solutions concrètes », exhorte l'ancien parlementaire Nogal.

Ce dernier n'a jamais été élu local, mais se fait l'avocat des bâtisseurs en plaidant pour « un bonus aux maires engagés, une aide financière à chaque nouveau logement ». « Monsieur le ministre, on tient vraiment à cette mesure ! Il est indispensable d'avoir un pacte budgétaire entre l'Etat et les maires », enchaîne-t-il. Sans doute s'est-il souvenu des récentes déclarations en ce sens dudit Olivier Klein devant l'Assemblée nationale...

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 L'ère de l'argent public rare

« Nous sommes entrés dans l'ère de l'argent public rare. On ne règlera pas la crise uniquement par la dépense publique », avait néanmoins prévenu le ministre de la Ville et du Logement lors de son discours d'ouverture.

Il n'en fallait pas plus à la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du Logement, pour monter au front. Si elle s'est félicitée de la reconnaissance des besoins financiers extrêmement lourds des bailleurs sociaux pour décarboner le parc social à 2050, « reste à connaître le montant de l'enveloppe dédiée et sa pérennité, si elle existe », a-t-elle pointé.

« Mais pour le reste, rien ici ne permettra de créer un choc salutaire pour la production de logements sociaux et abordables », a-t-elle poursuivi, cinglante.

Et de pointer des aides à la pierre pour le logement social qui baisseront en 2024 : « sans celles-ci, nous serons incapables de sortir le moindre logement très social, le PLAI », a-t-elle averti. Sans oublier une TVA toujours à 10% alors qu'elle aurait espéré 5,5%. Avant d'asséner : « Je ne parle même pas de l'utilisation de ce CNR pour fermer le débat sur la réduction du loyer de solidarité (RLS) qui prive chaque année les bailleurs sociaux de 1,3 milliard d'euros ».

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 Le logement, un secteur matraqué fiscalement ?

Le meilleur étant toujours pour la fin, la parole est revenue aux deux grands co-animateurs de ce Conseil national de la refondation. D'emblée, la pdg de Nexity a ainsi attaqué un plan « minimaliste et imprécis ». « Il n'y a rien qui donne un coup de pied au fond de la piscine », a-t-elle affirmé, joignant le geste à la parole.

« Rien ne change la donne sur le marché de la location. Le bailleur n'est pas dans un paradis fiscal. Le logement est aussi un secteur matraqué fiscalement », a insisté Véronique Bédague, répondant, sans le dire, aux propos du chef de l'Etat qui avait taclé un « paradis pour les investisseurs immobiliers ».

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Son binôme le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, a, de son côté, appelé à « sortir le logement de la technique, de la lecture que pourraient en avoir les financierss de la République ». « C'est une question de Première ministre, de président de la République, de société », a-t-il ajouté, à l'adresse... du ministre Klein.

« Sur le logement social, ce n'est pas acceptable. Sur la nécessité de faire quelque chose sur le foncier, maîtrisons-le. Enfin, je regrette qu'il n'y ait pas d'aides aux maires bâtisseurs. Je ne comprends pas, alors que ce serait un super message de l'Etat ! », a soutenu Christophe Robert.

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 Pas de déni, mais un défi

Et la Première ministre est arrivée. Très vite, elle a admis que « le nombre de permis de construire recule dans les zones tendues [où la demande prime sur l'offre] là où nous avons le plus besoin de logements », avec un marché locatif de longue durée « qui se réduit » et des conséquences « préoccupantes » pour les Français.

« Pas de déni mais un défi. Il n'y a pas de mesures magiques seules et uniques pour débloquer la situation », a fait valoir Elisabeth Borne, appelant à la mobilisation collective et à l'engagement.

Et d'annoncer que 600 millions d'euros seront débloqués chaque année jusqu'en 2027 pour la prolongation du prêt à taux zéro, à condition d'acheter dans le collectif neuf ou dans l'ancien sous réserve de rénovation. Mais aussi près de 1 milliard d'euros de prêts de la Caisse des Dépôts pour le bail réel solidaire, des logements moins chers car distinguant les prix du foncier et du bâti.

« L'Etat a une exigence d'efficacité de la dépense publique », a aussi souligné la cheffe du gouvernement.

A bon entendeur...

César Armand

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Commentaires 22
à écrit le 06/06/2023 à 17:23
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Stop à la défiscalisation dans l'immobilier qui ne profite jamais au particulier acheteur mais le promoteur ou le vendeur en profite pour gonfler le prix de vente en mettant en avant un prévisionnel de rentabilité qui ne se réalise presque jamais ! A...

à écrit le 06/06/2023 à 12:21
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Il faut faire avec moins d'argent public et moins de sols qui deviendront de plus en plus cher: c'est la nouvelle normalité. Et laissons faire au marché pour baisser les prix de construction et de renovation (robotisation de la construction et réduct...

à écrit le 06/06/2023 à 11:03
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Sur ce site il y avait avant le 2 JUIN: S&P avaiut été contacté par LE MAIRE pour indiquer les efforts budgétaires qu'il allait fait après la réforme des retraites: notamment fin du PINEL (défiscalisation immobilière coûteuse) et réforme du Prêt à Ta...

à écrit le 06/06/2023 à 9:49
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que peuvent ils encore résoudre ,? la renaissance est s est bien éloignée du quotidien des français (. publié il y a 6 jours bientôt une baisse des L E P en discrétion ! )

à écrit le 06/06/2023 à 7:03
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Plus de 68% des logements en France sont entre les mains de moins de 4% des français. Encore une fois ce sont les riches qui posent problème dans ce domaine, leurs serviteurs au pouvoir ne feront donc rien et les professionnels du secteur ne proposer...

le 06/06/2023 à 7:51
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Je vous conseille de mieux documenter vos chiffres, cela vous évitera de raconter une histoire plus politicienne à deux balles que la réalité de ceux qui sont proprios

le 06/06/2023 à 8:30
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Je l'ai entendu hier soir sur LCP vieux et quand cela a été dit sur le plateau tout le monde était bien gêné. Que cela te gène toi est une autre histoire.

le 06/06/2023 à 8:48
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Ah non désolé ce n'était pas lcp dont le thème était la non épuration du nazisme après la seconde guerre mondiale.. cela devait être la cinquième. Il y a de plus en plus de bons invités sur les plateaux télés, depuis que les "experts" et autres spéci...

le 06/06/2023 à 9:05
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Il faut temporiser, dans les années 60/70 les femmes travaillaient peu et un ouvrier pouvait offrir un toit à sa famille en tant que propriétaire, que s'est-il passé pour que nous en arrivions là aujourd'hui. J'observe mais j'ai des lunettes que bien...

le 06/06/2023 à 9:22
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sachant que 2/3 des francais sont proprietaires? Pravda, tavaritch, comme on disait du temps ultratolerant car de gauche, 1% des francais detient 99.999% des logements, faut donc elire merluchon, j'ai bien compris la propagande?

le 06/06/2023 à 10:25
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lls sont en quelque sorte les grands gagnants d'un Monopoly à la française, ce célèbre jeu de société qui consiste à réaliser le plus d'opérations immobilières possible pour gagner la partie. En France, 24% des ménages qui y vivent détiennent 68% des...

le 06/06/2023 à 10:41
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58 % des français sont propriétaires de leur logement. Vos chiffres sont à revoir !

le 06/06/2023 à 11:16
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Selon Eurostat, la France compte 65,1 % de propriétaires ce qui la place en 8e position de l’ensemble des pays d’Europe. Devançant le "pays pauvre" qu'est la Suisse. Il faudra revoir votre copie ou votre dossier 51, tout le monde ne vit pas à "Rosewe...

le 07/06/2023 à 8:04
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"Selon Eurostat, la France compte 65,1 % de propriétaires" 65.7% de propriétaires de leurs logements peut parfaitement s'accorder avec 4% de gens qui possèdent 68% des habitations française, il faut juste connaitre le nombre effectif de maisons et im...

à écrit le 06/06/2023 à 6:09
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Une seule solution. Le reverbere ou la lanterne. Vous avez le choix.

à écrit le 05/06/2023 à 23:34
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Ils vont nous faire pleurer .. pour un peu ils joueraient les robins du bois de l immobilier … s’ils ne sont pas content qu ils changent de business .. c est qui paye les avantages fiscaux , les avantages ceux-ci cela les contribuables particuliers ...

le 06/06/2023 à 8:03
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Le privé est celui qui passe le plus à la caisse. Pour ce qui est du déficit commençons par les retraites du secteur public 4 fois celui du secteur public. Pour ce qui est des avantages en nature la encore plus de fiscalisation du privé que du secteu...

à écrit le 05/06/2023 à 23:34
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Ils vont nous faire pleurer .. pour un peu ils joueraient les robins du bois de l immobilier … s’ils ne sont pas content qu ils changent de business .. c est qui paye les avantages fiscaux , les avantages ceux-ci cela les contribuables particuliers ...

à écrit le 05/06/2023 à 23:33
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Ils vont nous faire pleurer .. pour un peu ils joueraient les robins du bois de l immobilier … s’ils ne sont pas content qu ils changent de business .. c est sui qui paye les avantages fiscaux , les avantages ceux-ci cela … on n a pas fait la réforme...

à écrit le 05/06/2023 à 23:33
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Ils vont nous faire pleurer .. pour un peu ils joueraient les robins du bois de l immobilier … s’ils ne sont pas content qu ils changent de business .. c est sui qui paye les avantages fiscaux , les avantages ceux-ci cela … on n a pas fait la réforme...

à écrit le 05/06/2023 à 21:25
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Il était temps qu'on taille dans des aides engraissant les rentiers de l'immobilier alors que le nombre de SDF a triplé en 10 ans...

le 06/06/2023 à 1:50
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Le nombre de SDF est lié à l'immigration illégale qui explose, pas au logement. Par ailleurs, le secteur de l'immobilier est le seul secteur économique où les prélèvements et taxes sont supérieures aux aides (+30 milliards d'€ par an...redistribués à...

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