Immobilier : les 16 propositions du Conseil national de la refondation pour refondre la politique sociale du logement

La crise du logement est « si grave qu'on ne peut rester en l'état ». Le cri d'alarme est signé Cédric Van Styvendael, co-animateur du groupe de travail « redonner du pouvoir d'habiter aux Français » dans le cadre du Conseil national de refondation dédié au logement, lancé fin novembre. L'exécutif va-t-il relancer l'accession sociale à la propriété ? Conditionner les aides publiques à des contreparties dans le parc locatif privé ? Taxer l'attractivité ? Eléments de réponse.
César Armand
En novembre, le gouvernement a lancé un Conseil national de la refondation (CNR) dédié à l'habitat.
En novembre, le gouvernement a lancé un Conseil national de la refondation (CNR) dédié à l'habitat. (Crédits : Eric Gaillard)

Augmentation des délais d'attente d'un logement social, saturation des dispositifs d'hébergement ou encore baisse des allocations logement face à des prix de marché en hausse constante. C'est notamment en raison de ces trois « défaillances » en matière de politique de l'habitat que la France avait été condamnée par le Conseil de l'Europe en 2008. Quinze ans plus tard, rien n'a changé.

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Pis, ces indicateurs se sont encore dégradés. Rien que dans la région Île-de-France, les objectifs de financements en 2023 du Fonds national d'aide à la pierre (FNAP, instance administrée par la puissance publique, les bailleurs sociaux, des parlementaires et des élus locaux) pour la région-capitale sont en baisse de 20% par rapport à 2022.

De quoi faire bondir l'association des organismes de logement social d'Ile-de-France (AORIF), la Fondation Abbé Pierre, et l'association francilienne pour favoriser l'insertion par le logement (AFFIL). Elles ont dénoncé dans un communiqué commun le 4 avril « une nouvelle approche alignée sur les faibles niveaux de production de logement social des années antérieures [plombées par la Covid-19 et la guerre en Ukraine, ndlr], et non sur les besoins réels ».

 « La situation est si grave qu'on ne peut rester en l'état »

Une crise du logement que tente de juguler le gouvernement depuis novembre dernier. Ce mois-là, il a alors lancé un Conseil national de la refondation (CNR) dédié à l'habitat, co-piloté justement par le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, et la PDG de Nexity, Véronique Bédague, pour « faire émerger des solutions opérationnelles d'ici au printemps 2023 ».

Trois groupes de travail ont été ainsi constitués : « faire du logement l'avant-garde de la transition écologique », « réconcilier la France avec l'acte de construire », et le plus urgent socialement, « redonner du pouvoir d'habiter aux Français ». Ce dernier rebaptisé « Préconisations pour la refondation des politiques sociales de l'habitat », animé par Serge Contat, DG d'Emmaüs Habitat et ancien directeur général de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et Cédric Van Styvendael, maire (PS) de Villeurbanne et ancien directeur général d'organismes HLM, vient de remettre ses seize propositions au cabinet du ministre de la Ville et du Logement Olivier Klein.

« La situation est si grave qu'on ne peut rester en l'état. Chacun a travaillé et est sorti de ses postures. Les plus hauts niveaux de décision, présidents et directeurs généraux, ont envoyé des signaux que le ministre a parfaitement identifiés, mais que le président de la République et la Première ministre devraient observer pour prendre les meilleurs arbitrages. Ils ont une fenêtre de tir qu'il serait coupable de ne pas saisir », déclare aujourd'hui l'édile Cédric Van Styvendael à La Tribune.

Vers une relance de l'accession sociale à la propriété ?

D'emblée, son groupe de travail « Préconisations pour la refondation des politiques sociales de l'habitat » appelle à clarifier les rôles entre l'Etat et les intercommunalités qui sont autorités organisatrices de l'habitat (AOH). Les élus locaux concernés pourraient assurer « le pilotage opérationnel » des agences nationales pour l'habitat (ANAH) ou pour la rénovation urbaine (ANRU). Dans ce cas de figure, l'Etat se focaliserait sur la définition et le respect des objectifs, et non plus sur l'organisation des moyens.

Autre grande piste : relancer l'accession sociale à la propriété sans alimenter la spéculation. Comment ? En permettant aux collectivités volontaires d'expérimenter l'encadrement des prix du foncier - une piste également poussée par le groupe de travail « réconcilier la France avec l'acte de construire ».

Pas de contrepartie = pas d'aide publique ?

Ou encore en massifiant la mise à disposition de logements en bail réel solidaire (BRS), c'est-à-dire dont le foncier et le bâti sont dissociés pour diminuer le coût final de l'habitat pour les ménages. A cet égard, l'organisme paritaire Action Logement pourrait acquérir 50.000 logements F et G, les réhabiliter et les proposer en BRS. Dans ce domaine, il s'agirait aussi de rendre la vente HLM - prévue par la loi Elan de 2018 - « exclusivement » possible en BRS pour éviter le retour du logement sur le marché.

Dans un autre registre, le groupe de travail recommande l'absence d'aide publique au parc locatif privé tant qu'il n'y a pas de contrepartie. Le principe serait « simple » : des avantages proportionnels aux efforts garantis en termes de niveau de loyer et de qualité environnementale du bâti.

Cela passerait aussi par un encadrement des loyers « plus efficace ». Pour ce faire, les communes auraient la possibilité de fixer le loyer de référence en dessous du prix médian, voire de définir un loyer plafond en euro par mètre carré, et d'augmenter les amendes en cas de contravention à l'encadrement des loyers. Tout contrevenant s'expose à une amende de 5.000 euros s'il s'agit d'une personne physique à l'heure actuelle, voire de 15.000 euros en cas de personne morale.

Une taxe sur l'attractivité ?

Autre piste pour des logements abordables : abonder le Fonds national d'aide à la pierre (FNAP) à hauteur d'un milliard d'euros pour les rénovations thermiques et corréler la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes à la production de logements sociaux. Une « taxe sur l'attractivité » permettrait de redistribuer des droits de mutation (DMTO, dont s'acquitte tout acheteur immobilier) et l'impôt des entreprises aux territoires moins attractifs.

En outre, le groupe de travail préconise un « bouclier logement » contre les taux d'effort excessifs, sous la forme d'une allocation modulable pour garantir, à la moitié de la population aux revenus les plus modestes, un plafond de 25% maximum de taux d'effort.

Le respect d'une promesse présidentielle en question

Sa volonté de généraliser le dispositif Visale d'Action Logement à l'ensemble des locataires semble, en revanche, plus difficilement tenable. Depuis 2016, l'organisme paritaire déploie ce visa pour le logement et l'emploi (Visale). Pour rappel, il garantit le versement du loyer et des charges locatives au propriétaire en cas de défaut de paiement du locataire. Après avoir été réservé aux salariés de moins de 30 ans, ainsi qu'aux employés en CDD ou en mobilité professionnelle, le dispositif a été étendu, début juin 2021, à l'ensemble des travailleurs au salaire inférieur à 1.500 euros net.

Certes, lors de la dernière campagne, Emmanuel Macron a promis d'élargir une caution publique à tous les locataires pour lutter contre les discriminations. Il se heurte toutefois à un tir de barrage des syndicats et du patronat.

« J'ai peur qu'en cas d'élargissement, cela devienne un échec. Ce système fonctionne, car il discrimine positivement une population », estime le vice-président (CFDT) d'Action Logement, Philippe Lengrand.

« Aller vers un système universel, ce ne serait pas soutenable financièrement », renchérit son président (Medef), Bruno Arcadipane.

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Le nouveau DG d'Orpea déjà d'accord pour une proposition

Au volet « penser la diversité des réponses plutôt que des parcours résidentiels d'insertion », il est, cette fois, question d'introduire une obligation de production d'habitat spécifique et d'hébergement par commune, de généraliser le « logement d'abord » - un programme visant à sortir les SDF de la rue -, et d'un « plan d'humanisation de la prise en charge ».

Derrière cette expression, le groupe de travail plaide pour de véritables mécanismes de contrôle, d'alerte et de sanctions en matière de qualité de service. Après le scandale des EHPAD« une inspection indépendante mérite d'être établie pour les lieux de prise en charge sur le modèle du Contrôleur des lieux de privation de liberté », souligne-t-il.

« Je suis favorable aux contrôles. C'est très bien qu'on vérifie que tout se passe bien », réagit, en exclusivité pour La Tribune le nouveau directeur général d'Orpea, Laurent Guillot. « L'an dernier, nous avons eu 178 contrôles dans nos EHPAD contre 16 les années précédentes. En Allemagne, les établissements sont contrôlés une à deux fois par mois », ajoute-t-il.

Hasard du calendrier : à défaut d'un projet de loi « grand âge » promise en 2018 par le président Macron, une proposition de loi Renaissance « pour bâtir la société du bien vieillir » arrive ce mardi 11 avril à l'Assemblée nationale. Ce texte vise, notamment, à créer des instances territoriales « de recueil et de traitement des alertes des maltraitances », à domicile ou en établissement, pour notamment faire le lien avec l'autorité judiciaire.

Vers un encadrement des meublés touristiques ?

Le groupe de travail insiste également sur le fait de « redonner du souffle et de la cohérence à l'action associative » en unifiant les aides à l'accompagnement, ou encore d'« en finir avec les aberrations » sur le logement des étrangers. En ce sens, il demande à rétablir le droit au travail et aux APL pour les demandeurs d'asile en attente de titres de séjour.

Par ailleurs, il suggère d'« accueillir le vieillissement comme une composante de la ville », reprenant, « intégralement », à son compte les préconisations du rapport de Luc Broussy, président de France Silver Eco, remis aux ministres concernés le 26 mai... 2021.

Ce n'est pas tout. Il avance « quelques » pistes d'économie et de recettes budgétaires avec mieux-disant social, comme reprendre le régime fiscal des locations meublées non-professionnelles ou permettre aux collectivités locales d'encadrer « beaucoup plus fortement » le développement des meublés touristiques. Cela tombe bien : à la suite d'un rapport d'inspecteurs généraux de trois ministères, le gouvernement songe à durcir la fiscalité sur lesdits meublés de tourisme.

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Ultime idée : convertir les cadastres en blockchain, cette chaîne de blocs numériques liés les uns aux autres où les données sont stockées de manière sécurisée. Rien qu'en Suède, dont la population est 6,5 fois inférieure à celle de la France, cela a permis d'économiser 100 millions d'euros par an. Autant d'argent qui pourrait être réinvesti dans les politiques sociales de l'habitat ?

La réaction de la Fédération des acteurs de la solidarité

La Fédération des acteurs de la solidarité (FAS, 870 associations et organismes, 2.800 établissements et services) « se retrouve dans de nombreuses propositions [comme] celles qui visent à protéger les ménages en situation de précarité par le biais d'un "bouclier logement" », déclare, à La Tribune, son président Pascal Brice.

« La stratégie du Logement d'abord doit aussi être renforcée par des moyens financiers supplémentaires afin qu'elle puisse poursuivre son déploiement, en continuant de s'appuyer sur les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux, les associations et les personnes concernées. », poursuit-il.

Toutefois, il regrette que des propositions manquent à l'appel « alors qu'elles font consensus ». Par exemple, une loi de programmation pluriannuelle « de la rue au logement » avec des objectifs ambitieux de production de logements sociaux abordables.

Comment ? par la fin de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui obère les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Mais aussi par un retour de l'Etat dans le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) pour financer à la fois la production et la rénovation thermique du parc social et allier ainsi transformation écologique et justice sociale.

César Armand

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Commentaires 7
à écrit le 12/04/2023 à 9:26
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Souvenir : Le 22 octobre, les administrateurs de l'autorité de contrôle du 1 % logement, l'Anpeec*, ont eu un choc en prenant connaissance d'un rapport confidentiel sur les salaires en vigueur chez les collecteurs, ces organismes chargés de récolt...

à écrit le 11/04/2023 à 19:09
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"redonner du pouvoir d'habiter aux Français" mdr, 40 ans à faire n'importe quoi, ils s'attendaient à quoi nos lapins crétins ? C'est comme les" lois de simplifications" qu'ils se créent pour eux, car nos crétins se noient sous leurs propres lois et s...

à écrit le 11/04/2023 à 14:49
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combien nous coute ce MACHIN conseil national de la refondation !!!!!!! alors que nous avons deja trop d'elus !!!!! nous devenons de plus en plus couteux mais de moins en moins démocratiques

le 11/04/2023 à 16:50
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Les membres de ce conseil sont des élus locaux , des parlementaires, des représentants de partis politiques ainsi que des syndicalistes et des membres d'organisations patronales . Le tout est présidé par ......François Bayrou ??????????

à écrit le 11/04/2023 à 13:58
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C'est sûr, voire certain, les privés vont faire construire pour louer avec un plafond des loyers plus strict et des amendes plus fortes.

à écrit le 11/04/2023 à 12:01
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Conseil national la nlles lubie du Président. Intéressant les conseils il montre que l'assemblée nationale sert à rien. Les députés déjà élus hors démocratie montrent en plus par ses conseils combien ils sont inutiles

le 11/04/2023 à 16:51
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Des députés en font partis

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