Immobilier : comment les promoteurs se démènent avec la « zéro artificialisation nette » (ZAN)

A l'horizon 2030, le rythme d'artificialisation des sols devra avoir diminué de moitié, avant l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050. Les professionnels du logement neuf tiendront-ils ce double pari ? La solution viendra-t-elle de la finance ? 100 millions d'euros suffiront-ils à inverser la tendance ? Eléments de réponse avec Vinci Immobilier, Eiffage Aménagement, Novaxia, Linkcity et Mirabaud Asset Management.
César Armand
La friche Belle de mai à Marseille
La friche Belle de mai à Marseille (Crédits : Reuters)

C'est un casse-tête qui s'impose aux collectivités territoriales et aux professionnels de la fabrique de la ville depuis la promulgation de la loi « Climat & Résilience », en août 2021. D'ici à 2030, le rythme d'artificialisation des sols devra avoir diminué de moitié, puis d'ici à 2050, le but est d'atteindre le zéro artificialisation nette (ZAN) des sols. Alors que le Sénat vient d'adopter, en première lecture, une proposition de loi visant à soulager les maires démunis face à ce double objectif, et que la demande en logements neufs ne faiblit pas, les promoteurs immobiliers se démènent, tant bien que mal, sur le terrain.

« Le métier est complètement en train de changer. Nous avons artificialisé les sols à une vitesse supérieure à la croissance démographique. Maintenant, nous allons arrêter de tartiner partout », claironnait, en janvier 2022, le PDG du groupe Vinci, Xavier Huillard.

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Vinci tiendra-t-il son pari de ZAN en 2030 ?

Il y a quatorze mois, Vinci Immobilier s'est engagée à atteindre la zéro artificialisation nette des sols dès 2030. Autrement dit, avec vingt ans d'avance. « Cela n'implique pas que nous renoncions à construire, mais cela signifie que nous devrons compenser chaque surface artificialisée par la désartificialisation d'une surface équivalente ailleurs », expliquait, alors à La Tribune, la directrice générale immobilier résidentiel et des régions, Virginie Leroy.

En clair, tout projet qui artificialise plus d'un mètre carré pour un mètre carré construit n'est plus accepté par l'entité. Dès mai 2019, cette dernière a ainsi acquis dans toute la France cinquante sites industriels auprès d'Engie, dont une majorité d'usines à gaz, avant de créer deux sociétés avec l'opérateur spécialisé Brownfields : la première dépollue et aménage, la seconde vend le terrain au prix du marché. La filiale promet en outre de « réaliser plus de 50% de son chiffre d'affaires avant 2030 dans le recyclage urbain ».

A date, elle déclare ainsi avoir démarré 28 opérations en ce sens, dont la construction de 103 logements à La Roche-sur-Yon (Vendée) sur une ancienne friche d'Engie, ou encore 550 logements à Toulouse sur d'anciens terrains industriels.

« Il n'y a pas d'objectif chiffré annuel, mais des feuilles de route territoriales avec des taux de recyclage annuels. S'il existe beaucoup de friches dans les Hauts-de-France et dans le Grand Est, d'autres régions font encore de l'étalement urbain, et il y est plus difficile de faire la bascule », confie aujourd'hui à La Tribune, Diego Harari, directeur de l'innovation et du développement durable de Vinci Immobilier.

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La solution viendra-t-elle de la finance ?

Sites industriels désaffectés, logements vétustes, terrains pollués... Tout est bon à prendre, mais cela reste « un vrai sujet de préoccupations et d'injonctions contradictoires permanentes », pointe le directeur général d'Eiffage Aménagement.

« Nous sommes tous d'accord pour atteindre cet objectif sain et impératif, mais le plus compliqué reste sa mise en œuvre. Que ce soit en zone dense ou en zone périurbaine, nous devons à la fois convaincre les populations qui y habitent et les élus locaux », explique Nicolas Gravit, qui co-préside aussi le Réseau national des aménageurs.

Pour résoudre cette équation à plusieurs inconnues, la solution viendra peut-être de la finance. Depuis quinze ans, le capital-investisseur Novaxia s'est positionné sur ce marché. Il collecte l'épargne des particuliers pour financer la mutation d'actifs obsolètes. A date, son président Joachim Azan revendique cinquante-sept acquisitions en France et en Europe, avec 25.000 logements en projet en partenariat avec cinquante promoteurs.

« Ce sont des sujets difficiles pour les mairies. Avoir la puissance de feu des épargnants donne une capacité à dialoguer et permet de modifier le plan local d'urbanisme pour répondre aux attentes », appuie Aude Landy-Berkowitz, directrice générale de Novaxia Développement.

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100 millions d'euros sur la table

C'est pour toutes ces raisons que Linkcity vient de lancer avec Mirabaud Asset Management un fonds doté de 100 millions d'euros. Il doit leur permettre d'acheter, ensemble, des terrains déjà artificialisés et des immeubles à transformer. La filiale de Bouygues Construction et le gestionnaire d'actifs suisse ciblent les plus grandes villes françaises, où le foncier est rare et cher, et surtout où la demande de logements dépasse largement l'offre disponible.

« Nous avions besoin d'un partenaire pour être capable de répondre aux propriétaires de ces fonciers qui vendent sans condition suspensive, c'est-à-dire sans permis de construire ou autorisation environnementale. Sur ce marché concurrentiel, nous devons prendre des positions fermes », précise, à La Tribune, Gérard Lodetti, directeur général de Linkcity chargé de la stratégie et du développement, qui compte déjà des dossiers « en cours d'étude ».

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D'autant qu'il n'a plus le choix. Sa trajectoire carbone lui impose d'augmenter la biodiversité sur tous ses projets, de n'intervenir que sur des terres déjà artificialisées et, d'ici à 2030, de réaliser 50% de ses opérations soit en construction bois, soit en réhabilitation de l'existant. Dans les deux cas, « les équilibres économiques sont les mêmes qu'une opération neuve classique », affirme-t-il.

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 « Aujourd'hui, les outils de financement existants sont encore insuffisants. Il nous fallait donc créer ce véhicule pour flécher des capitaux vers la restructuration et la production de logements et répondre aux besoins des habitants », appuie son associé Olivier Seux, responsable de l'immobilier chez Mirabaud Asset Management.

« Nous sommes convaincus qu'il y a chez les institutionnels une puissance financière mobilisable, d'autant que c'est générateur de rendements à risques contrôlés », insiste le banquier.

Il ne croit pas si bien dire. Toutes sources confondues, l'épargne des caisses de retraite, des compagnies d'assurance ou encore des corporate se concentre encore à 90-95% sur le portage d'actifs, et non sur la transition environnementale desdits actifs...

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 24/03/2023 à 12:18
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Nous avons acquis un appartement à Toulouse construit par Vinci. Livré en décembre alors qu'il n'était pas terminé ! Certainement pour des raisons fiscales. Vinci fait appel aux entreprises les moins chères. Celles-ci emploient de pauvres gens totale...

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